RAPPORT 1999 REPORTERS SANS FRONTIERES
GRÈCE

Au 31 décembre 1998, au moins sept journalistes ont été condamnés à des peines d'emprisonnement pour "diffamation" ou "insulte". Un journaliste, condamné à quatre ans et deux mois de prison pour "diffamation aggravée", a été brièvement incarcéré après avoir épuisé toutes les voies de recours.
En Grèce, tout propos diffamatoire, notamment à l'égard de l'autorité publique, constitue un délit passible de prison. La législation actuelle sur la diffamation et l'insulte par voie de presse prévoit des peines de trois mois à cinq ans de prison.
Même si ces peines sont rarement appliquées, la possibilité de poursuites pénales à l'encontre des journalistes pour "diffamation" ou "insulte" demeure un puissant moyen de pression et peut les conduire à s'autocensurer sur un certain nombre de sujets comme la corruption, la religion ou encore la question des minorités.

Pressions et entraves

Le 1er avril 1998, un tribunal d'Athènes confirme en appel la peine de prison de quatre ans et deux mois pour "diffamation" et "dépôt d'une fausse plainte" à l'encontre de Makis Psomiadis, journaliste et propriétaire du quotidien populiste Onoma, et ordonne son incarcération. Le journaliste avait publié en février 1996 un article dans lequel il accusait le ministre de l'Environnement et des Travaux publics, Costas Laliotis, d'avoir touché une commission pour l'adjudication à une entreprise allemande de la construction du nouvel aéroport international d'Athènes. Le 8 avril, Makis Psomiadis est remis en liberté : selon la justice, son absence du journal "peut entraîner la faillite de celui-ci et le licenciement de ses employés". Le journaliste doit néanmoins se rendre une fois par semaine au commissariat de son lieu de résidence.
Le 18 août, le ministre de la Justice, Evangelos Yannopoulos, soumet un projet de loi au Parlement qui propose d'étendre la législation sur la diffamation aux journalistes de la radiotélévision.
Le 2 septembre, Abdulahim Dédé, journaliste grec de la minorité musulmane, est condamné par le tribunal de Xanthi (nord-est du pays) à huit mois de prison pour avoir voulu installer une antenne d'émission radio dans son jardin. Interpellé et gardé toute la nuit au commissariat, le journaliste est jugé le lendemain, suivant la procédure des flagrants délits. Il a fait appel du verdict. Abdulahim Dédé avait déjà été condamné en 1997 pour avoir "diffamé" une militante ultranationaliste (cf. Rapport 1998).
Le 3 septembre, Giorgos Kondiloudis, journaliste et éditeur du quotidien Eolika Nea de l'île de Lesbos, est condamné à huit mois de prison pour avoir "insulté" par voie de presse le député Franklinos Papadelis. Il avait écrit que ce dernier avait des vues "enfantines" et était "indigne des suffrages de la population". Le journaliste a fait appel.
Le 3 septembre, Yannis Tzoumas, éditeur du quotidien Alithia de l'île de Khios, est condamné à quatre mois de prison pour "diffamation". Le journaliste a écrit que le ministre Stavros Soumakis a séjourné dans une propriété appartenant à un armateur suspecté de malversations financières. Yannis Tzoumas affirmait également que le ministre et son épouse avaient bénéficié d'un traitement de faveur pour obtenir des billets d'avion afin de se rendre sur l'île. Même si ces faits se révéleront exacts par la suite, le journaliste est condamné pour le ton de son article jugé trop "insultant". Il a fait appel.
Le 17 septembre, le journaliste Makis Triantafilopoulos, est condamné à huit mois de prison pour avoir diffamé le ministre de la Justice, Evangelos Yannopoulos, dans un article paru en janvier dernier dans le quotidien Kalimera. Il écrivait notamment que le ministre était intervenu en faveur du directeur de la Sécurité sociale, Gregori Solomos, dans une affaire de justice le concernant. Makis Triantafilopoulos a fait appel.
Le 22 septembre, le tribunal de Salonique condamne Georges Tsiroyannis, Georges Kouris et Stelios Vorinas, respectivement propriétaire et journalistes du quotidien sensationnaliste Avriani, à des peines de quatre ans et onze mois de prison pour "diffamation aggravée". Ces condamnations interviennent après la publication de plusieurs articles accusant Yannis Raftopoulos, un homme d'affaires et patron d'un groupe de presse concurrent, d'avoir détourné d'importantes sommes d'argent. Les journalistes ont fait appel.
Le 21 octobre, Georges Harvalias et Noni Karayianni, journalistes du quotidien d'opposition Eleftheros Typos, ainsi que deux de leurs confrères du quotidien Apogevmatini, inculpés en 1997 pour "espionnage et incitation à la violation de secrets d'État", bénéficient d'un non-lieu. Les journalistes avaient publié, en mars 1997, deux documents jugés confidentiels sur les relations gréco-macédoniennes (cf. rapport 1998).

Début septembre, une équipe de la chaîne de télévision macédonienne MTV se voit refuser un visa d'entrée sur le territoire grec. Elle devait se rendre au procès du parti de la minorité slave (Arc-en-ciel), poursuivi pour usage de la langue macédonienne.
Le 10 octobre, Luftu Karakas, journaliste turc travaillant pour l'agence de presse Hurriyet, est expulsé de Myki (Nord) alors qu'il couvre le premier tour des élections municipales dans cette région où vit la minorité musulmane du pays. La réglementation actuelle de cette zone limitrophe de la Bulgarie ne permet pas l'accès des non-nationaux sans une autorisation délivrée par les autorités militaires. Le journaliste est brièvement détenu par la police avant d'être renvoyé vers la Turquie le lendemain.

 
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