Leïla Bouchebouba
20 mai 1999
Collège d'Europe à Natolin (Bruges)
Table des matières
Introduction.
*Chapitre I.
*La République du Monténégro.
*I.1. Le Monténégro
*I.1.1. Pourquoi cette résistance historique
*I.1.1.1. Un réduit.
*I.1.1.2. Une économie prédatrice.
*I.1.2. Le Monténégro et les vladikas
*I.1.2.1. Début de centralisation étatique.
*I.1.2.2. Conséquences
*I.1.3. Répercussions démographiques.
*I.1.3.1. Appartenance " nationale " et religieuse.
*I.1.3.2. Diasporas.
*I.2. Le Monténégro et la Serbie.
*I.2.1. Relations historiques et religieuses
*I.2.2. Vers l'union ?
*Chapitre II. La république fédérative de Yougoslavie et le Monténégro.
*II.1. L'éclatement de la Yougoslavie et le Monténégro
*II.1.1. L'éclatement de la Yougoslavie.
*II.1.1.1. La révolution " anti- bureaucratique " et le nationalisme serbe.
*II.1.1.1.1. Naissance du bloc serbe.
*II.1.1.1.2. Echec en Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et en Macédoine.
*II.1.1.2. Démocratisation ( ?), élections, éclatement.
*II.1.1.2.1. Victoire des partis nationalistes
*II.1.1.2.2. Six, cinq, quatre, trois, deux ?
*II.1.2. Le Monténégro et les conflits armés.
*II.1.2.1. La guerre de Croatie
*II.1.2.2. Bosnie-Herzégovine
*II. 2. La décomposition de la RFY ou " Yougoslavie résiduelle ".
*II.2.1. La crise au sein de la Fédération.
*II.2.1.1. Des difficultés économiques croissantes
*II. 2.1.1.1. Un appareil productif en décomposition, tourisme et activités maritimes sous le coup de l'embargo.
*II.2.1.1.2. Conflits d'intérêts, mafias, mise en place de douanes entre les républiques.
*II.2.1.2. Des tensions politiques : fédéralistes et unionistes.
*II.2.2.1. Les élections présidentielles de 1997 législatives de 1998
*II.2.2.2. Conséquences
*II.2.1.3. Une église autocéphale pour le Monténégro
*II.2.2. La reprise des relations bilatérales entre le Monténégro et les ex républiques fédératives.
*II.2.2.1. Avec la Slovénie
*II.2.2.2. Avec la Croatie
*II.2.2.3. Avec la Bosnie-Herzégovine
*II.2.2.4. Avec la Macédoine.
*Chapitre III. Les relations avec la communauté internationale.
*III.1. Avant la crise kosovare.
*III.1.1. Les pays voisins.
*III.1.1.1. Albanie.
*III.1.1.2. Bulgarie.
*III.1.1.3. Grèce .
*III.1.1.4. Italie.
*III. 1. 2. La communauté internationale.
*III.1.2.1. Les Etats- Unis.
*III.1.2.2. L'Union européenne.
*III.1.2.3. La Russie.
*III.2. Les frappes de l'Otan.
*III.2.1. Les pays de l'Otan.
*III.2.1.1. Objectifs de l'intervention
*III.2.1.2.Conséquences pour le Monténégro.
*III.2.2. Les voisins:
*III.2.2.1. Entre radicalisation panslave…
*III.2.2.2. … et soutien nécessaire aux populations déplacées.
*Conclusion et scénari pour le Monténégro.
*IV.1. Scénario négatif, ou à court terme.
*IV.1.1. Tensions ethniques et radicalisation, victoire des unionistes
*IV.1.2. Soutien fort de la population aux militaires. Expulsion des déplacés et des Monténégrins non " orthodoxes " ?
*IV.1.3. Guerre civile entre l'armée fédéral et les forces de police monténégrine ? Nouvelle intervention internationale ?
*IV.2. Scénario positif, à long terme.
*IV.2.1. Le Monténégro comme facteur de démocratisation?
*IV.2.2. Solution négociée au niveau fédéral
*IV.2.2.1. Un retour à la constitution de 1974 ?
*IV.2.2.2. Une quatrième Yougoslavie ?
*Bibliographie
*
"The line between good and evil passes not through states, nor between political parties, but right through every human heart."
Alexandre Soljénitsyne.
"Yet, like the poor, the Balkans shall always be with us."
Berkovci Konrad. " The incredible Balkans ", Loring & Mussey, New York, 1932.
Le Monténégro est la plus petite république de la nouvelle " République fédérale de Yougoslave " (RFY). C'est une région montagneuse située sur les rives de la mer Adriatique. Elle s'étend sur 13 812 km² depuis 1945 et dispose de frontières communes avec la Croatie (14 km), la Bosnie-Herzégovine (225 km), l'Albanie (172 km) et la Serbie (203 km).
Peuplée de 615000 habitants d'après le recensement de 1991, la composition de sa population reflète une partie de son histoire. On retrouve donc au Monténégro des Monténégrins (61,5%), des Serbes (9,29%), des Albanais (8,5%), des Musulmans (17,4%), des Croates (1%) et des Yougoslaves (4,3%) selon la classification titiste. L'appartenance religieuse est aussi diverse, avec des catholiques romains, des chrétiens orthodoxes et des musulmans.
Si elle est la seule des six républiques constitutives de la Yougoslavie de Tito à avoir accepté de rester au sein d'une fédération nouvelle formule, en 1992, c'est en raison d'une grande parenté historique et culturelle avec la Serbie. Le Monténégro fit un temps partie du royaume serbe des Nemanjides avant de développer des particularismes qui lui permirent d'échapper à la domination ottomane. Au cours du XVIII siècle, il se voit reconnaître une indépendance de fait et s'organise en Etat moderne bien avant la Serbie. L'extension de l'espace monténégrin entre 1878 et 1912 se fait parallèlement à celle du territoire serbe. En 1918, l'union avec la Serbie marque la fin d'une indépendance toujours jalousement défendue.
Les difficultés économiques, fruits des différents conflits balkaniques et de l'embargo dont la Yougoslavie fut (est à nouveau) l'objet, encouragent les divergences entre les deux républiques. Loin d'avoir été la position officielle du Monténégro au début de l'éclatement de la Yougoslavie, cette différence d'appréciation politique est née récemment. Elle ne découle pas uniquement de questions de droits de l'Homme ou de démocratisation, mais bel et bien sur des questions d'intérêts économiques personnels.
Ces difficultés économiques et politiques ont encouragé la résurgence de l'ancien clivage entre partisans de l'union avec les Serbes et ceux qui défendent une identité monténégrine propre.
Le statut de République, accordé par les communistes en 1945, permet aujourd'hui au Monténégro de faire valoir ses droits constitutionnels dans la confrontation engagée entre Belgrade et Podgorica. Même entre temps lors les deux républiques ont adopté une nouvelle constitution le Monténégro a conservé ce droit à la souveraineté.
Sur le plan international, l'offensive que mène le président monténégrin Milo Djukanovic lui assure le soutien des Etats-Unis mais aussi de l'Union européenne et de la Russie. Il en est de même de ses voisins immédiats et particulièrement des anciennes républiques fédératives de Yougoslavie qui sont tributaires de la situation dans les Balkans, prises en otage par la politique que Slobodan Milosevic mène depuis dix ans.
Avec la crise au Kosovo et notamment l'intervention de l'Otan, la position du Monténégro est de plus en plus difficile à tenir entre une démarcation au sein de la Fédération et une indépendance, le choix est difficile.
" Le Monténégro, ce fut pendant des siècles le village d'Asterix . Tous les Balkans gémissent sous le joug turc. Tous ? Non. Seules, cachés dans leurs hautes vallées inaccessibles, quelques vaillantes tribus montagnardes serbes résistent, défendent leurs villages, organisent des expéditions contre l'occupant et se glorifient des têtes turques coupées… ".
Si l'on peut distinguer une unité géographique entre le sud de l'Herzégovine, l'Albanie et le Monténégro, il faut cependant souligner que l'histoire de la population de chacune de ces trois régions est différente. En effet l'histoire militaire et politique du Monténégro se distingue de celle de ses voisins, ce qui fait qu'une explication suivant un déterminisme géographique peut être difficile à produire. Et pourtant l'environnement physique, qui a pu servir de refuge aux tribus monténégrines, est d'une importance cruciale pour l'explication de leur société, de leur culture et de leur histoire.
I.1.1. Pourquoi cette résistance historique
Ces tribus qui se concentrent au vieux Monténégro et Brda (les Montagnes) résistent constamment, avec plus ou moins de succès, à la conquête Ottomane mais aussi à l'expansionnisme de Venise, Raguse (Dubrovnik) ou même Raska (Serbie). En raison de la pauvreté de leur environnement, elles doivent mener régulièrement des offensives dans les territoires avoisinants pour assurer leur subsistance. La vie des Monténégrins est alors partagée entre la défense de leur territoire et les campagnes de pillage.
" Car la montagne est un refuge contre les soldats et les pirates. "
Le Monténégro est constitué jusque vers 1850 de tribus qui forment une enclave autonome unique dans l'ensemble des Balkans. La résistance permanente aux Ottomans permet une homogénéisation culturelle de la zone. Comme cela a été mentionné précédemment, le Monténégro n'est pas une unité géographique, topographique ou même géologique distincte. Cependant elle a été isolée ethniquement et politiquement par les Turcs puis les Autrichiens, qui occupent l'ensemble des territoires alentours.
C'est en ce sens qu'elle constitue un réduit, une zone refuge pour les populations avoisinantes en fuite, car cette région de montagnes misérable, parallèle à la côte Adriatique étendue du nord de l'Albanie à la Slovénie, n'a guère d'autres raisons d'attirer des habitants. Les Ottomans disposant des terres fertiles voisines, les Monténégrins n'ont eux que quelques prairies et forêts, uniquement dans la zone de Brda.
L'agriculture est alors une agriculture de subsistance, caractérisée par une activité majoritairement pastorale. Elle est réservée aux femmes, les hommes devant être toujours prêts à défendre le territoire ou bien à participer à une vendetta ou autres campagnes de pillage. L'isolement de la région pendant de nombreuses années par une frontière politique, n'a que peu ou pas favorisé le développement de l'industrie ou même du commerce. La plupart des familles sont capables de vivre dans une relative autarcie. Les rares denrées " exportées " sont des fruits ou des produits de l'élevage, alors que " l'importation " concerne essentiellement des vêtements, de la poudre et des armes, généralement achetés grâce à un subside annuel de la Russie, pays allié à partir de 1712.
Organisés en familles, clans et tribus, les Monténégrins développent une société basée sur la décision collective et le patriarcat. Au sein de chaque tribu les hommes sont tout à fait conscients de leur sécurité collective, et les décisions sont toujours prises de façon à favoriser la cohésion du groupe. Relativement peu de décisions sont laissées à une seule personne. Pour les questions de subsistance la famille élargie est le lieu privilégié de la décision, alors que pour l'arbitrage politique, social ou moral, le clan a seul le pouvoir décisionnel.
Chaque famille élargie pratique par ailleurs la Loi du sang, " krvna osveta ".
C'est l'honneur du clan qui est défendu par cette loi, que l'on retrouve aussi chez les tribus avoisinantes d'Albanie du nord. En effet, le motif de la mort et ses circonstances importent peu. "Le sang appelle le sang ", à quelques rares exceptions codifiées oralement. Tuer une femme en représailles ne satisfait pas cette Loi du sang, alors que tout meurtre de l'une d'entre elle appelle une vendetta. Il n'est donc pas honorable de tuer une femme, d'autant plus que la division du travail renforce leur vulnérabilité, puisqu'elles se voient réserver les travaux des champs et les déplacements aux marchés, moments privilégiés des embuscades. Les hommes sont ainsi préservés des risques et des fatigues inutiles.
Cette pratique a, comme en Albanie, une importante fonction sociale. La menace d'une vendetta permet le renforcement des liens familiaux et claniques, voire même tribaux. Une vendetta est impossible au sein d'un même clan. Elle est réglée par la tribu si elle apparaît entre deux clans constitutifs. Cela permet un contrôle sur les individus, mais aussi assure une protection de toutes les habitations isolées par extension du clan ou de la tribu. Les personnes qui cherchent refuge au Monténégro savent qu'il s'agit là de leur dernier refuge et de fait elles doivent se plier à La loi du sang, quand bien même cette dernière peut être la raison de leur arrivée.
Enfin, en cas de crise politique grave nécessitant une solidarité militaire entre toutes les tribus, une trêve dans la poursuite de la vendetta est possible. Cette dernière reprend ses droits aussitôt le danger passé.
La vendetta peut aussi être motivée par la perte d'un homme au cours d'une campagne de pillage. Dans ce cas la situation peut déboucher sur une guerre de vendetta car d'un pillage peut résulter la nécessité d'une vengeance. Ces actions peuvent conduire à une attaque de l'ennemi qui se solde par une confrontation armée, ou une guerre défensive. Compte tenu de la nécessité d'assurer la survie de la tribu, il est parfois difficile de distinguer vendettas, pillages et guerres.
I.1.1.2. Une économie prédatrice.
" … si l'archaïsme social (celui de la vendetta entre autres) se maintient, c'est avant tout pour cette raison simple, que la montagne est la montagne. C'est-à-dire un obstacle. Et du même coup, un abri, un pays pour hommes libres. Car tout ce que la civilisation impose de contraintes et de sujétions n'y pèsent plus sur l'homme "
Installées sur des territoires arides et peu productifs, les tribus ne peuvent survivre que par des campagnes de pillage régulières. Zone refuge, difficilement accessible, le Monténégro bénéficie également d'une certaine sélection naturelle en ce qui concerne les nouveaux arrivants. Ces derniers, faisant l'objet d'une vendetta ou étant tout simplement recherchés par le pouvoir Ottoman, sont des personnes qui n'ont plus rien à perdre. C'est pourquoi les tribus monténégrines sont réputées redoutables lors des campagnes de pillage voire même au cours des guerres qu'elles mènent.
Tout comme une vendetta est différente d'un meurtre, un pillage (ou cetovanje) ne peut pas être considéré comme un vol. Son objectif envisage de pallier le manque de ressources. Ces expéditions réunissent ceux qui veulent se joindre librement à l'aventure. Généralement elles comptent une trentaine d'hommes. Elles s'enfoncent profondément dans les territoires turcs et ramènent un butin consistant essentiellement de bétail. Cependant ces actions ne se font pas que dans un seul sens. Les " Turcs " aussi réalisent des campagnes de pillage qui donnent lieu bien souvent à des représailles de la part des Monténégrins.
Il est important de distinguer pillages et guerres. Si certaines " rapines " peuvent être considérées, du fait du nombre important d'hommes impliqués, comme de véritables guerres, l'objectif de l'opération et la méthode employée lors de la confrontation restent les seuls déterminants pour différencier une " razzia " d'une guerre. Une bonne définition du pillage peut être : attaquer un ennemi numériquement supérieur, sur son propre terrain, et s'enfuir en ayant saisi son cheptel avec le minimum de pertes.
Il existe cependant des guerres de vendetta (offensives), mais dans ces formes de combats, on sait qui doit tuer et qui l'on doit tuer en fonction des types de rapports entre les combattants. Par opposition, les guerres défensives, (proches du concept de guerre moderne ou des anonymes tuent en général sur ordre d'autres anonymes), ont pour objectif le maintien de l'autonomie politique du territoire afin d'éviter de payer un tribut aux Turcs. Il est intéressant de remarquer que pour les Monténégrins payer une taxe est considéré comme une violation du principe d'égalité et de liberté auxquels ils sont tant attachés. L'organisation fragmentée de la société monténégrine, (famille, clan, tribu) permet une mobilisation rapide et des actions militaires d'envergures. Ainsi, même si la " confédération tribale " peut être vaincue, et l'a souvent été par les Ottomans, une résistance et une reconquête par les tribus est toujours possible. Et ce d'autant plus que le Monténégro bénéficie sur son flanc ouest d'une frontière avec Venise qui lui permet de " s'approvisionner ", plus ou moins légalement en armes et munitions.
I.1.2. Le Monténégro et les vladikas
Les premiers vladikas ou prince-évêques, élus par une assemblée populaire, n'ont de prérogatives que dans les matières religieuses et de relations extérieures. Les actes de guerres leurs reviennent implicitement. Les autres décisions restent aux mains des clans et des tribus. Mais ce pouvoir, essentiellement spirituel, a permis au Monténégro de rester indépendant malgré les loyautés tribales et l'absence de centralisation étatique. En 1696 le principe de l'élection du vladika se perd, et un système héréditaire se met en place au sein de la même famille, le pouvoir passant d'oncle à neveu.
" L'union politique " de Crna Gora (" le Monténégro ") et Brda (" les montagnes ") s'effectue difficilement à la même période. La capture d'un vladika par les Turcs puis sa libération après paiement d'une rançon, la persécution en retour et la vague d'assassinats touchant alors les musulmans du Monténégro, marquent quelques étapes de cette évolution. Les Turcs invitent puis exécutent trente-sept chefs Monténégrins, conquièrent le territoire jusqu'à Cetinje mais, ne pouvant pas maintenir le contrôle sur cette région, se retirent en détruisant tout sur leur passage.
Après ces épisodes malheureux où le Monténégro se trouve privé d'une partie de ses chefs de tribus, la volonté de centraliser le pouvoir dans la région de façon plus systématique autour du prince-évêque se développe.
I.1.2.1. Début de centralisation étatique.
Les institutions de souveraineté théocratique et les individus qui occupent la position de vladika au cours des années sont la clef de l'indépendance, de l'identité et de l'unité nationale monténégrine. Dépositaires du pouvoir spirituel mais surtout véritables chefs de guerre, élus en reconnaissance de leurs prouesses militaires, ils bénéficient d'une autorité incontestée. Se déroule alors sous leur " règne " un processus de maturation politique du Monténégro, qui d'une assemblée de clans devient peu à peu un Etat séculier et moderne. En effet à la fin du XVIIIème siècle, le Vladika Pierre II Petrovic Njegos entreprend de résoudre l'ensemble des vendettas et de réconcilier ainsi les tribus Monténégrines.
Ceci est d'une importance cruciale car le pouvoir militaire s'en trouve renforcé. C'est à cette période que le corps expéditionnaire français est battu par les Monténégrins alors que Napoléon s'installe sur la côte Adriatique, supplantant la puissance de toujours, Venise. Ainsi le Monténégro, qui reçoit plus ou moins régulièrement une aide financière de la Russie, gagne en prestige à l'étranger et s'affirme comme un acteur important dans la lutte entre la Russie et l'empire Ottoman.
La volonté de normalisation des relations avec ses voisins et la reconnaissance internationale du Monténégro entraîne la pacification relative de sa population. Ceci a bien évidemment des conséquences sur la pratique des campagnes de pillage, qui se raréfient et deviennent politiquement plus délicates. Le peuplement du Monténégro devient dès lors trop important pour les ressources disponibles.
Outre ces désavantages, cette évolution entraîne aussi un certain mécontentement au sein des tribus qui ont longtemps considéré le centralisme politique comme l'ennemi de l'autonomie de la tribu. La concentration croissante du pouvoir au niveau du prince-évêque renforce par ailleurs les craintes des Ottomans, qui redoutent un soulèvement organisé des populations chrétiennes, et manifestent une fermeté accrue dans la réduction des révoltes. Ceci remet alors directement en cause la survie des tribus.
De plus, ce qui fonde l'unité de ces tribus, c'est la volonté d'indépendance par rapport au pouvoir central. Ce qui définit une société segmentaire ou tribale, ce n'est pas uniquement l'hostilité envers l'institutionnalisation qui se manifeste, mais que c'est à peu près tout ce qui s'y manifeste. Pour résumer on peut dire que la règle sociale semble être :
" divisez- vous pour ne pas être gouvernés ".
I.1.3. Répercussions démographiques.
" L'imaginaire connote le rapport à l'Autre, voisin, ami ou ennemi, donc la relation à soi-même, à sa propre histoire et à ses mythes fondateurs, ou destructeurs. L'émigré ou le réfugié sait bien 'imaginer' ce qu'il attend de la traversée de la 'ligne' . "
Compte tenu de son histoire de longue résistance aux Ottomans, la population du Monténégro connaît une certaine harmonie en dépit des différences religieuses et ethniques qui le traversent. Son peuplement en effet se fait par arrivées successives de personnes ou de tribus qui se joignent de leur plein gré à la " confédération tribale ". Mais dès lors qu'une personne cherche un refuge ou une terre d'accueil, elle sait ce qui l'attend et elle doit se plier aux règles en vigueur au sein de sa " nouvelle patrie ". Il est important de signaler que les réfugiés sont rapidement, voire brutalement intégrés à la société monténégrine. Ainsi se crée dans cette région une relative homogénéité culturelle et démographique, rare dans cette partie des Balkans. Il est de plus fréquent qu'à la suite d'une attaque de la part des Ottomans ou de leurs janissaires une campagne de violence réduise dramatiquement le nombre des musulmans.
Comme signalé plus haut, le Monténégro offre un refuge logique pour ceux qui fuient une vendetta ou le pouvoir Ottoman. Ainsi, il existe une politique d'accueil de ces populations à qui il est offert des terres de façon à renforcer les tribus déjà installées. Dans le cadre de la loi du sang, un meurtre pour l'honneur d'une personne appartenant à un clan puissant demande un rare courage et implique un exode immédiat. Mais cela traduit aussi un grand sens de l'honneur, qualité recherchée par les Monténégrins. Les personnes qui ont eu maille à partir avec " l'oppresseur " sont particulièrement bien accueillies, et sont par conséquent d'autant plus attirées par le Monténégro qu'il représente pour elles une sorte de " havre de paix ", un réduit de renégats! Ainsi s'effectue une sélection des personnes qui valorise fortement leur autonomie personnelle.
I.1.3.1. Appartenance " nationale " et religieuse.
Les Dukljans", ancêtres des Monténégrins, sont essentiellement des catholiques. Cependant des Bogomils de Bulgarie, ainsi que des païens, sont présents sur le territoire de Duklja. Sous la pression de l'Eglise Catholique romaine, ces croyances disparaissent. En 1077, le pape autorise la création de l'archevêché de Bar.
La conquête de Duklja par Nemanja, leader Serbe, entraîne la destruction d'agglomérations, la persécution des Bogomils, l'expulsion des Grecs de Duklja (devenue entre-temps Zeta) et la destruction par le feu des églises catholiques. Commence alors la conversion forcée de la population à la religion chrétienne orthodoxe.
Le relatif succès de l'Eglise Byzantine s'explique par la possibilité de conduire les services religieux en langue slave et par la création rapide d'un patriarcat propre aux Serbes. Depuis 1455 l'Eglise du Monténégro est reconnue par le Saint Synode des Eglises Orthodoxes de Russie et le Patriarcat de Constantinople ; à partir de 1766 les Monténégrins ont leur église autocéphale, dont le centre est le Monastère de Cetinje.
Le maintien même au sein de l'église des pratiques religieuses et coutumières locales, le manque d'éducation des popes, l'indépendance avec laquelle les Monténégrins gèrent leurs monastères et le fait que les vladikas doivent avant tout faire la preuve de leur bravoure et de leur héroïsme sur les champs de batailles expliquent aussi le relatif peu d'intérêt des Monténégrins pour la religion en tant que telle. Mais la volonté de s'assurer le patronage de la Russie contraint les vladikas à partir du XVIIIème siècle à renforcer les sentiments religieux et de fait les sentiments nationaux et identitaires des Monténégrins.
Zone refuge, mais aussi rempart face au monde musulman, le Monténégro au cours des siècles accueille un certain nombre de " guerriers " qui participent à la défense du territoire. Ceux-ci proviennent surtout d'Herzégovine à l'ouest, de Novi Pazar au Nord, mais aussi d'Albanie au sud et à l'est. Le Monténégro conserve des traces de ces " strates de peuplement " dans sa relative multiplicité de confessions. De plus les extensions territoriale successives permettent " l'annexion " de zone à peuplement essentiellement Albanais, au sud ainsi qu'au nord du Lac Scutari, musulman autour du Sandjak de Novi Pazar et catholiques autour des bouches de Kotor et la ville de Bar.
" En outre, la montagne est souvent surpeuplée, ou, pour le moins trop peuplée pour ses richesses 'L'optimum de peuplement' y est vite atteint et dépassé : elle doit, périodiquement, déverser sur la plaine sa surcharge d'hommes. "
Si le Monténégro est une terre d'accueil, il est aussi une région d'émigration. En effet, la normalisation des relations avec les voisins et par conséquent l'impossibilité de continuer les campagnes de pillages nécessaires à la survie de la population montagnarde entraîne des départs vers les territoires proches de la Serbie, du Kosovo mais aussi plus lointains des Etats-Unis.
L'émigration vers la Serbie se renforce au XXème siècle et notamment après les deux conflits mondiaux. Aujourd'hui, les Monténégrins et leurs descendants de Monténégrins sont évalués à un million d'individus en Serbie. Ces personnes bénéficient au cours de la période Titiste de la possibilité de faire carrière. C'est pour cela que l'on retrouve beaucoup d'entre elles dans les administrations publiques, l'armée, la police voire même en politique. Ceci a des répercussions notamment lors des consultations électorales.
I.2. Le Monténégro et la Serbie.
" C'est cette indépendance tôt conquise et protégée qui forgea l'identité spécifique des montagnards monténégrins, bien qu'une partie (évolutive) de ce peuple s'identifie aux Serbes. Ces derniers s'approprient volontiers les Monténégrins en niant scientifiquement l'existence de critère suffisant pour distinguer une nation monténégrine. "
Si certains auteurs prennent la date de 1389, bataille de Kosovo Polje comme point de départ de l'histoire du Monténégro, c'est en raison de l'amalgame qui est parfois fait entre Serbes et Monténégrins.
I.2.1. Relations historiques et religieuses
On peut trouver une continuité entre les Etats de Duklja Zeta puis Crna Gora (Monténégro) et faire ainsi débuter l'histoire du Monténégro bien avant 1389.
Duklja est un Etat vassal de Byzance dont il s'émancipe pour devenir indépendant en 1042. Il s'étend de l'Herzégovine, de 50 km à l'ouest de la Neretva jusqu'à la ville de Shkodër. Il comprend une grande partie de la côte Adriatique, pratiquement tout le Monténégro moderne, le nord de l'Albanie actuelle et la totalité du lac Shkodër. La population est catholique. Bar en est l'archevêché.
Le développement de Raska, future Serbie, sous Stefan Nemanja (autour de 1166) entraîne la subordination de Duklja à celle-ci. Cet épisode marque la fin de la première période de " l'Etat monténégrin ". Raska atteint son apogée et son extension territorial maximale avec le Tsar Dusan de 1331 à 1355.
Lorsque le royaume serbe entame son déclin, Duklja devenue Zeta recouvre son indépendance. Cette indépendance est entérinée par la défaite de Kosovo Polje en 1389, qui fait passer la Serbie. Le Monténégro jouit lui d'une liberté et d'une quasi indépendance qu'il conserve jusque 1918 date à laquelle il retrouve la " domination " serbe.
Des mariages au " plus haut niveau " entre Serbes et Monténégrins maintien une relation étroite entre les deux entités. Grâce à ce jeu d'alliance, que les Monténégrins multiplient avec leurs voisins, un délicat équilibre du pouvoir à Zeta est permis. Par ce biais les clans monténégrins résistent aux convoitises des grandes puissances de l'époque, Venise et l'empire Ottoman.
Après une période de troubles, la dynastie clanique des Crnojevic l'emporte sur ses adversaires. Elle donne son nom définitif au Monténégro : Crna Gora.
Au cours du XIXème siècle, les Balkans connaissent comme le reste de l'Europe le développement des Etats Nations. De véritables relations politiques se mettent en place entre ces nouveaux pays. Le jeux des grandes puissances influence beaucoup la politique dans cette région, d'autant plus que l'empire ottoman est en plein déclin. Les guerres russo-ottomanes, puis les guerres balkaniques permettent au Monténégro et à la Serbie de devenir de véritables acteurs internationaux.
L'autocéphalie de l'église serbe, reconnue en 1219 à Zica, transférée à Pec en 1250, est confrontée à l'occupation Ottomane. En sommeil dès 1459, le patriarcat de Pec ne bénéficiera du système de millet qu'entre 1557 et 1767, date de son exil en zone autrichienne. Par conséquent, l'église du Monténégro, reconnue depuis 1455 par le Saint Synode des Eglises Orthodoxes de Russie et le Patriarcat de Constantinople, devient officiellement à partir de 1766 une église autocéphale, dont le centre est le monastère de Cetinje.
La formation d'Etats modernes, parallèlement au déclin de l'empire Ottoman, va contribuer à faire naître une rivalité entre les deux églises autocéphales serbes et monténégrines. La disparition de l'une marque la fin de l'Etat auquel elle est rattachée, sans toutefois entièrement anéantir la " nation " qui s'en réclame.
I.2.2. Vers l'union ?
" En 1918 au parlement Monténégrin, les candidats favorables à l'union avec la Serbie étaient inscrits sur des listes de papiers blancs, les opposants sur des papiers verts ".
Le Monténégro ne doit pas être considéré comme un allié docile de la Serbie. Les Monténégrins se divisent depuis la fin du XIXème siècle entre ceux qui se considèrent serbes, et qui revendiquent une union avec la Serbie et ceux qui défendent une identité monténégrine, et sont partisans d'une fédération. Au cours de cette période, différents projets de rassemblement du peuple sud-slave s'organisent. Les projets serbes de Belgrade envisagent, à l'époque, après le rattachement volontaire du Monténégro une division des pouvoirs entre temporel et spirituel, le pouvoir religieux devant revenir alors au prince-évêque du Monténégro Pierre I Petrovic Niegos.
Par la suite, en 1866, le premier accord entre Serbie et Monténégro créant l'axe de la future Alliance Balkanique est signé. Il prévoit, en cas de réalisation de l'union entre ces deux pays, que le prince monténégrin Nicolas I Petrovis Njegos renoncerait à son trône mais on ne parle plus de lui accorder les pouvoirs spirituel.
Ces projets restent lettre morte, ils sont de plus difficilement réalisables du fait de l'existence du Sandjak de Novi Pazar séparant les deux pays.
Les interventions des grandes puissances, notamment au Congrès de Berlin, permettent le renforcement de l'identité monténégrine par la reconnaissance internationale du pays. La Crise d'Orient, les Guerres balkaniques éliminent le problème du Sandjak qui est partagé entre la Serbie et le Monténégro.
Ces derniers ont maintenant une frontière commune, qui ne se traduit pourtant pas par l'union des deux pays.
Les combats de la Première Guerre Mondiale, font renaître la solidarité entre Serbes et Monténégrins. Les Monténégrins ont protégé la retraite de l'armée Serbe dans l'épisode de Corfou, avant de fuir à leur tour devant l'ennemi austro-hongrois. Le roi Nicolas II Petrovic Njegos abdique et se réfugie en Italie après la capitulation de 1916. C'est dans l'exil que le mouvement pour l'unification définitive des deux Etats se développe en opposition au roi Nicolas accusé de vouloir séparer une nouvelle fois la nation serbe.
L'armée serbe, qui compte des éléments monténégrins, participe à la libération des deux pays en 1918. A la même date, le Roi du Monténégro est, pour certains dépossédé de son trône par ce que d'autres considèrent comme une décision souveraine de l'Assemblée monténégrine réunie à Podgorica. C'est au cours de ce vote que la division entre unionistes et fédéralistes devient une rivalité entre " blancs " et " verts ".
Cette division correspond aussi à une division territoriale. Le vieux Monténégro, noyau du Monténégro élargi de 1913, reste et restera toujours acquis à l'indépendance et à l'église du Monténégro. Cela se retrouve au cours des élections des années 90.
Pendant la période de l'entre deux guerres, le Monténégro est fondu au sein d'une province de Serbie appelée Zeta et l'église orthodoxe autocéphale monténégrine disparaît. En 1945, Tito rétablit le Monténégro et lui accorde le statut de République mais il n'y a pas de réapparition de l'église orthodoxe monténégrine.
A la veille de l'éclatement de la Yougoslavie, le Monténégro est une des républiques les plus pauvres de la fédération et connaît un fort exode de sa population vers la Serbie. On retrouve des Monténégrins dans les structures étatiques. On compte aussi beaucoup de Monténégrins dans " le milieu " de Belgrade. Ceci permet au Monténégro de jouir d'une certaine protection en haut lieu.
Chapitre II. La république fédérative de Yougoslavie et le Monténégro.
II.1. L'éclatement de la Yougoslavie et le Monténégro
" … This interest was certainly the result of the high consciousness of our working class and working people and their awareness that a crucial moment has been reached in the development of socio-economic relation and political relations in our self-management society, that the new Constitution was a legal and political instrument which would become an irreplaceable weapon in the struggle for the realisation of their interest and aspirations."
II.1.1. L'éclatement de la Yougoslavie.
Il ne s'agit pas ici de refaire l'historique des événements mais plutôt d'étudier la position des Monténégrins au cours de cette période. Des épisodes, particulièrement ceux qui se déroule en Slovénie, doivent être attentivement étudiés car la situation actuelle du Monténégro est proche de celle qu'a connue hier la Slovénie. Certains événements sont importants car ils marquent l'arrivée sur la scène politique d'acteurs encore présents aujourd'hui.
II.1.1.1. La révolution " anti- bureaucratique " et le nationalisme serbe.
Au début des années quatre vingt, comme dans l'ensemble du monde communiste, les dirigeants yougoslaves sont des aparatchiks titistes incapables de faire face aux dégradations économiques et aux nouvelles exigences financières des organismes internationaux quant au traitement de l'endettement et de l'inflation du pays. Pays " non-aligné ", ayant bénéficié pendant longtemps des crédits de l'Ouest et d'une ouverture sur les marchés de l'Est, la Yougoslavie se trouve à l'ère de la Perestroïka dans une situation plus délicate que ses voisins. Habituée à jouer sur la rivalité des deux blocs, elle se retrouve désemparée devant la disparition de ceux-ci .
L'évolution dans les pays communistes influence la Yougoslavie et des mouvements démocrates apparaissent en 1987. Cependant, la révolution bureaucratique ou " révolution culturelle serbe " avait déjà commencé.
II.1.1.1.1. Naissance du bloc serbe.
A la suite d'un coup monté au Kosovo, Slobodan Milosevic prend le contrôle de la Serbie et n'a, dès lors, de cesse que de mettre la main sur la Yougoslavie.
Slobodan Milosevic, premier secrétaire du parti communiste de la Serbie, n'est pas sans ignorer le Mémorandum de l'Académie des Sciences de Serbie. Ce mémorandum analyse l'état de l'économie et de la société yougoslaves. Il s'agit en fait de remettre en cause l'héritage titiste, d'en faire une critique d'un point de vue nationaliste serbe. Ainsi, la Constitution de 1974 est fortement décriée et un retour au centralisme est envisagé.
Des " meetings " nationalistes s'organisent au cours de 1988, au Kosovo, en Voïvodine, au Monténégro et permettent à la suite du renversement des vieux apparatchiks dans ces régions la mise en place d'hommes fidèles à Slobodan Milosevic.
Au Monténégro, qui est mal géré depuis des années, la critique des groupes dirigeants est aisée. C'est à cette époque que Momir Bulatovic et Milo Djukanovic accèdent au pouvoir. Tout deux sont des fidèles de Slobodan Milosevic et défendent une politique autoritaire et centraliste. Ils renforcent la mainmise du parti sur la République et contribuent à un pouvoir fédéral fort.
Momir Bulatovic, jeune économiste, devient président alors que Milo Djukanovic, juriste, devient son premier ministre.
Ainsi le " bloc Serbe " est constitué. Slobodan Milosevic contrôle la moitié des sièges de la présidence fédérale de Yougoslavie, Serbie, Monténégro, Voïvodine et Kosovo. Il lui est donc aisé de continuer sur sa lancée et de s'adjoindre le soutien des Serbes de l'ensemble du pays.
Quatre facteurs expliquent son ascension : le contrôle des principaux médias, l'exploitation des tensions au Kosovo pour une reprise en main de la province au nom de la protection de la minorité serbe, la "révolution antibureaucratique", un projet yougoslave fédéraliste centralisateur défendant à la fois la prééminence de la majorité serbe et la défense des protections sociales. Cette conception contredit les réformes libérales et la privatisation économique de la Yougoslavie (prônée par le gouvernement de Ante Markovic et le Fonds Monétaire International), comme les tendances des républiques riches (Slovénie et Croatie) à s'orienter vers une solution confédérale.
II.1.1.1.2. Echec en Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et en Macédoine.
Les tensions se multiplient au même rythme que les " meetings " nationalistes en Bosnie-Herzégovine et surtout en Croatie où un grand nombre de Serbes font le rapprochement entre leur situation et celle des Serbes du Kosovo. La suppression du statut de province autonome à la Voïvodine et au Kosovo renforce encore plus la capacité d'attraction du " bloc Serbe " auprès des minorités serbes de Croatie et de Bosnie.
Alors qu'en Serbie les forces s'orientent uniquement vers un activisme pro-serbe, en Slovénie la situation est différente. Bien que la revue Nova Revija publie un recueil intitulé " Contribution pour un programme national slovène " qui est la version slovène, mais édulcorée, du Mémorandum de l'Académie des Sciences de Serbe , c'est autour de groupes alternatifs et de la presse que débute la démocratisation. Le journal Mladina qui rassemble des intellectuels de l'Alliance de la Jeunesse Socialiste, organisation officielle, focalise la contestation. En effet, il dénonce l'armée fédérale soupçonnée de fomenter un coup militaire, afin de mettre un terme au processus de démocratisation. L'armée obtient l'arrestation des trois journalistes en cause et par conséquent rassemble contre elle l'ensemble de la population. De nombreux partis politiques s'organisent. Ils reçoivent le soutien de la Ligue communiste. Il faut dire que les dirigeants slovènes condamnent la politique de répression au Kosovo, accueillent et défendent les Albanais du Kosovo. Cette attitude que les dirigeants croates ne tardent pas à adopter également, est principalement guidée par un sentiment anti-serbe.
Dans ces conditions, un meeting nationaliste serbe prévu à Lubljana ne rencontre que peu de supporters d'autant plus que les autorités, fortes de l'expérience du Monténégro et de la Voïvodine, interdisent la manifestation. Rapidement, le parlement envisage des changements constitutionnels visant à inverser la hiérarchie des normes législatives en plaçant les lois fédérales en dessous des lois républicaines. Cette évolution se fait sans réels obstacles de la part du " bloc serbe " car la Slovénie est de peuplement homogène.
Il en est autrement en Croatie (12% de Serbes) et en Bosnie-Herzégovine (33% de Serbes).
Il faut attendre 1989 pour que la Croatie s'engage, à la suite de la Slovénie sur le chemin des réformes. Les premiers partis non communistes apparaissent, mais ne reçoivent pas comme dans la république voisine le soutien des dirigeants croates. C'est seulement fin 1989 que la Ligue Communiste de Croatie accepte le principe du pluripartisme, qui sera entériné en janvier 1990, ouvrant ainsi la voie des élections aux partis nationalistes.
Le HDZ (Hrvatska Demokratska Zajednica) de Franjo Tudjman, en remettant en cause la constitution titiste, défend l'idée d'une Croatie, État du seul peuple croate.
La Macédoine et la Bosnie-Herzégovine, désespérément attachées au maintien du cadre yougoslave par crainte des politiques de dépeçage de leurs voisins ne s'engagent pas dans la voie du pluralisme, qui est vue à Sarajevo comme à Skopje comme la voie vers la désintégration, qu'ils ont tout lieu de craindre.
II.1.1.2. Démocratisation ( ?), élections, éclatement.
" La crise d'identité politique, culturelle et morale dans laquelle était précipitée la Yougoslavie au terme de dix années d'une crise économique dramatique, la façon dont s'étaient déroulées les élections dans les Républiques, l'usage abusif des médias par les partis arrivés au pouvoir, tout avait favorisé le triomphe des partis ethniques, qui se prétendaient les représentants de la totalité de l'intérêt et du bien de la nation. "
Les premières élections libres et pluralistes se traduisent par la victoire de partis qui n'ont pas de différences politiques mais bien un engagement militant, nationaliste et totalitaire qui est le fruit d'un revanchisme remontant à la seconde guerre mondiale et au- delà.
II.1.1.2.1. Victoire des partis nationalistes
" Zasto bih ja bio manjina u tvojoj drzavi kad ti to mozes biti u mojoj ! "
(Pourquoi devrais-je être une minorité dans ton pays, quand tu peux en être une dans le mien !)
Le mouvement entamé en Serbie dès 1986 se poursuit dans l'ensemble des républiques. Il aboutit à la victoire des partis nationalistes lors des élections de 1990. La Slovénie et la Croatie votent en premier et se prononcent ouvertement pour l'indépendance en accordant la majorité aux partis ou aux coalitions nationalistes ayant fait campagne pour la tenue d'un référendum sur l'indépendance. Les élections présidentielles sont remportées par le candidat communiste Milan Kucan en Slovénie et Franjo Tudjman en Croatie.
Franjo Tudjman, comme promis lors de sa campagne, rétablit alors les emblèmes de la nation croate si lourd de sens et de grief pour les Serbes de Croatie. Le leader croate accepte alors, que la question du Kosovo reste une affaire intérieure serbe, parce qu'il veut également que la question serbe de Croatie reste une affaire intérieure croate. Il s'entend par ailleurs avec Slobodan Milosevic en coulisse pour un partage de la Bosnie.
En Bosnie-Herzégovine, le scrutin marque la victoire de la coalition des trois partis représentant les trois nationalités, (le SDA Parti de l'Action Démocratique d'Alija Izetbegovic, le HDZ, l'Union démocratique Croate affiliée au HDZ de Croatie de Franjo Tudjman, et le SDS, Parti Démocratique Serbe, rattaché au SDS de Slobodan Milosevic) sur les communistes et le parti d'Ante Markovic.
La Macédoine se méfie de la politique serbe de Slobodan Milosevic et craint son propre éclatement sous les pressions internes de ses minorités albanaise et serbe, et externes de la part de la Bulgarie, de la Grèce et de la Serbie. Elle parvient cependant a mettre en place une coalition de communistes et de non communistes, c'est à dire dépourvue de nationalistes.
Fortement critiquées du point de vue légal, les élections donnent en Serbie la majorité aux communistes-nationalistes. Au cours de ces élections, le parti radical de Vojislav Seselj, le parti du renouveau serbe de Vuk Draskovic, le parti démocratique de Dragoljub Micunovic défendent tous une position nationaliste, seul le parti réformiste serbe d'Ivan Djuric prend ses distances avec le nationalisme. Les partis des minorités hongroise de Voïvodine et Musulmane du Sandjak sont représentés contrairement aux Albanais.
Au Monténégro, les communistes de Momir Bulatovic, président sortant, s'affrontent aux partisans de l'option monténégrine en la personne de Dragisa Stankovic. La victoire des communistes ancre solidement la petite république au bloc serbe.
II.1.1.2.2. Six, cinq, quatre, trois, deux ?
A la suite des élections, les différents partis nationalistes continuent sur leur lancé et envisage alors la meilleure façon de sortir de la Fédération. A Zagreb comme à Lubljana, les lois fédérales ne sont plus appliquées, et une politique du fait accompli s'intensifie. A la fin de l'année 1990 un référendum sur l'avenir de la Slovénie est organisés et les séparatistes l'emportent. La Croatie organise en mai 1991 la même consultation, mais celle-ci se tient après les incidents meurtriers de Plitvice.
Le dilemme rencontré par les républiques macédonienne et bosniaque est résolu le 8 septembre 1991 et le 29 février 1992. En espérant une protection internationale, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine choisissent donc l'indépendance.
La situation en Bosnie-Herzégovine ne cesse dès lors de s'aggraver, alors que la Macédoine bénéficie d'une relative indulgence de la Fédération. En février 1992, l'armée yougoslave quitte le territoire macédonien. Le départ des militaires, c'est-à-dire l'acceptation par Belgrade de l'indépendance ne marque pas pour autant la fin des problèmes de la Macédoine, car ceux-ci sont essentiellement ethnico-démographiques et économiques.
Il faut attendre juin 1992 pour avoir un tel référendum au Monténégro. La victoire des partisans du maintien au sein de la Fédération " nouvelle formule " s'explique, selon l'opposition, par le vote des retraités qui ont peur du changement, des militaires dont l'avenir dépend en grande partie du maintien de la Yougoslavie, mais aussi et surtout en raison du faible niveau de conscience politique, de l'absence de démocratisation et du contrôle des médias par les autorités au pouvoir. Ce référendum est aussi boycotté par les " verts " partisans d'une identité monténégrine auxquels s'associent les Musulmans et les Albanais. En revanche, les " blancs " et Novak Kilibarda en tête nient l'existence d'une nation monténégrine, invention du communisme. Pour eux, affirmer cette identité représente un acte anti-serbe. Il ne faut pas non plus négliger que le référendum a lieu en juin 1992 et qu'après la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, les Monténégrins ont peur de l'anarchie, des milices et des guerres fratricides.
II.1.2. Le Monténégro et les conflits armés.
" La force a échappée à tout contrôle et son principal moteur est le nationalisme. "
La guerre en Slovénie prend fin avec le retrait de l'armée yougoslave qui agit alors de son propre chef. Cette action donne l'occasion au pouvoir politique de Belgrade de réaliser une purge au sein des forces armées, purges qui se répéteront régulièrement tout au cours des conflits en ex-Yougoslavie.
Lorsque l'affrontement devient inévitable en Croatie, Slobodan Milosevic est aux commandes de l'armée fédérale. Il peut ainsi ordonner l'intervention de cette dernière.
II.1.2.1. La guerre de Croatie
La solidarité traditionnelle entre Serbes et Monténégrins fonctionne bien au cours du conflit avec la Croatie. Fidèle membre du " bloc serbe ", il fournit des volontaires en plus des soldats et officiers déjà enrôlés dans l'armée fédérale.
Bien que les zones de peuplement serbe en Croatie ne soient pas situées près de la frontière commune entre la Croatie et le Monténégro, Dubrovnik et ses environs sont attaquées par l'armée régulière et mis à sac par des groupes paramilitaires monténégrins.
Ce sont les mêmes groupes qui sèment la terreur en Herzégovine quelques mois plus tard.
En décembre 1991 le leader monténégrin et ceux de quatre autres républiques acceptent le plan de paix négocié à La Haye. Slobodan Milosevic le refuse. Momir Bulatovic, lors de son retour à Podgorica, rencontre des difficultés auprès de la frange pro-serbe de la population. C'est la première tentative de démarquage d'un leader monténégrin par rapport à Belgrade.
La guerre commence en Bosnie-Herzégovine en avril 1992. La frontière commune entre cette dernière et le Monténégro favorise l'incursion de bandes armées monténégrines en Herzégovine. Terreur, pillages et meurtres sont alors courants et permettent aux forces serbes de prendre position sur l'ensemble de la zone à l'est de la Neretva, jusque sur les montagnes surplombant Mostar.
L'année 1992 marque un tournant dans la position du Monténégro qui se voit après les élections présidentielles fédérales, relégués au second rang. Il se met à l'écart des confrontations en Bosnie-Herzégovine.
Partisan du maintien du Monténégro au sein de la " troisième fédération ", le président Momir Bulatovic tente au cours de l'année 1992 de se démarquer pour la deuxième fois de Slobodan Milosevic en soutenant pour les élections présidentielles le premier ministre fédéral Milan Panic. Ce dernier au cours de son bref passage au gouvernement rencontre Ibrahim Rugova. Le lendemain même de cette entrevue, il demande la démission de Slobodan Milosevic. Son échec aux élections marque également son éviction de la scène politique yougoslave.
En 1992 et 1993, des éléments pro-serbe attaquent les populations musulmanes du Sandjak monténégrin et détruisent les mosquées de deux villages. Les autorités de Podgorica condamnent énergiquement ces actes. Ces exactions sont restées sans suite.
Les jeunes monténégrins, passée la première euphorie patriotique et à mesure que la guerre avance, évitent par tous les moyens la conscriptions. Le taux de réponse aux convocations de l'armée s'éleve au maximum à 15%.
Vient alors le temps des préoccupations matérielles. Le Monténégro développe une activité économique frauduleuse qui lui permet de faire face à l'embargo international, mais qui entraîne des frictions de plus en plus fortes avec la Serbie.
II. 2. La décomposition de la RFY ou " Yougoslavie résiduelle ".
" La proximité des Serbes et des Monténégrins facilitait au départ un sort conjoint. Mais cela même est perçu de plus en plus comme dangereux pour l'avenir du Monténégro, menacé d'assimilation. Celui-ci à donc des raisons d'être placé dans le camp des incertains, à identité contestée… "
II.2.1. La crise au sein de la Fédération.
La nouvelle République fédérale de Yougoslavie (RFY) est formée de la Serbie, 93% de la population, et du Monténégro, 7%. D'après la constitution de 1992, il existe deux niveaux de pouvoirs, mais du fait de la personnalité de Slobodan Milosevic, qui occupe jusque 1997 le poste de président de la république serbe, la Serbie domine le jeu yougoslave. C'est Slobodan Milosevic, seul, non le président yougoslave en titre ni même les présidents des deux républiques fédérales, qui signe les accords de Dayton-Paris, même si Momir Bulatovic est présent au cours des négociations.
Si l'emprise de la Serbie sur la Fédération n'incommode pas le président monténégrin, elle agace le premier ministre, Milo Djukanovic. De plus, la politique suicidaire de Milosevic est à l'origine des difficultés économiques que connaît la RFY. Elle entérine la rivalité personnelle des deux hommes.
II.2.1.1. Des difficultés économiques croissantes
Après plusieurs années d'embargo et l'absence de nécessaires réformes économiques, la Fédération yougoslave connaît une grave crise économique.
II. 2.1.1.1. Un appareil productif en décomposition, tourisme et activités maritimes sous le coup de l'embargo.
La situation économique dramatique n'est pas uniquement le fruit de la guerre et des sanctions internationales. Les dix années qui précèdent son éclatement, la Yougoslavie connaît déjà une crise économique grave. Cette dernière n'est d'ailleurs pas étrangère à la fin de la Fédération.
La disparition de l'URSS et du Bloc communiste entraîne une perte des marchés traditionnels de la Yougoslavie. L'indépendance de la Croatie et de la Slovénie met un terme brutal au système de production yougoslave fortement intégré. Ce système s'appuyait sur l'autogestion et les fonds de développement. La solidarité entre républiques riches du Nord et pauvres du Sud est interrompue, tout comme les flux préférentiels entre les républiques.
Si la Serbie peut se permettre une économie de blocus grâce notamment au terres agricoles de Voïvodine et au pétrole de cette région, le Monténégro quant à lui est tributaire de l'extérieur et de la Serbie en particulier. L'ensemble de sa flotte marchande étant bloqué à l'étranger et les touristes se faisant rares, il lui est de plus en plus difficile d'assurer les charges de l'Etat-Providence que le régime précédent assurait. L'économie de guerre et la complicité des autorités entraînent une dérive mafieuse aussi bien au Monténégro qu'en Serbie. Elle apporte des revenus massifs à une petite minorité de la population, alors que parallèlement le pays ne cesse de s'appauvrir.
II.2.1.1.2. Conflits d'intérêts, mafias, mise en place de douanes entre les républiques.
" …il est plus exact de parler de 'réexportation' plutôt que de trafic, puisque acheter des cigarettes à l'étranger et les revendre à des intermédiaires italiens constitue une activité parfaitement légale. La seul chose illégale (…) est le fait que les ' clients' italiens ne présentent pas leur marchandise à la douane et ne payent donc pas de taxes. "
Il est de notoriété publique que Milo Djukanovic et Momir Bulatovic se partagent les revenus des différents trafics de cigarettes, d'essence ou d'autres activités illégales. Le renforcement croissant de l'embargo sur la RFY encourage d'autant plus cette activité que les secteurs du tourisme ou du transport maritimes sont à l'arrêt.
Le commerce illégal de cigarettes et la contrebande d'essence rentrent directement en concurrence avec les intérêts du système Milosevic. La contrebande de cigarettes en Serbie est sous la responsabilité du fils de Slobodan Milosevic alors que la production locale dépend d'un proche de l'homme fort de Belgrade. Quant à la distribution d'essence, c'est un quasi- monopole d'Etat, donc aux mains du système Milosevic.
Les débouchés de ces produits de contrebandes ne sont pas extensibles et avec le maintien de l'embargo et la fin des combats en Bosnie-Herzégovine, le marché c'est considérablement réduit. Il faut donc remédier à cela. Ainsi, on assiste à la mise en place de postes de douanes entre le Monténégro et la Serbie de façon à handicaper les produits de contrebande en provenance de la petite République. Comme parallèlement le Monténégro veux satisfaire les autorités italiennes et donc réduire le trafic à destination de l'Italie, il ne reste plus guère que la Republika Srpska où le Monténégro reste compétitif.
L'isolement dans lequel se trouve la RFY touche plus durement le Monténégro. Conscient de cela, Milo Djukanovic décide alors d'orienter sa politique vers un rapprochement avec la communauté internationale, au grand dam de Milosevic et de Bulatovic.
La Serbie et le Monténégro sont passés directement du communisme autogéré au nationalisme népotique. Ainsi, en l'absence de transformation économique on assiste à une main basse du pouvoir sur l'économie nationale. Les conflits d'intérêts économiques débouchent invariablement sur des tensions politiques, et vice et versa.
II.2.1.2. Des tensions politiques : fédéralistes et unionistes.
" But Djukanovic avoided sinking into and getting lost in this circle of corruption and crime thanks to his sound intuition and judgement, which enable him to sense the right moment to stop his illegal and not- strictly- legal activities . Moreover, thanks to his frequent contact with foreign diplomats and officials, he realised that stubborn defiance and nose-thumbing at the world powers, the trademarks of Milosevic and his yes-men, amounted to a masochistic and suicidal policy. "
La relative tolérance du pouvoir de Belgrade vis-à-vis du Monténégro ne s'explique pas uniquement du fait de leur parenté ethnique. Il est évident que le maintien d'un système fédéral fantoche a, pendant longtemps, nourri l'espoir de Slobodan Milosevic de voir s'y rattacher les républiques serbes autoproclamées de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.
II.2.2.1. Les élections présidentielles de 1997 législatives de 1998
"Every day the tensions further dismantle the myth of a special Serb-Montenegrin relationship"
Au cours de l'été 1997, une scission s'opère dans le DPS (Parti démocratique social) allié traditionnel de Milosevic au Monténégro. Une faction minoritaire reste fidèle à Bulatovic et à l'idée d'une Fédération sous la domination serbe. Elle constitue un nouveau parti, le parti socialiste du peuple, alors que le reste du DPS avec 27 députés environ se regroupe autour de Milo Djukanovic. Ce dernier est alors élu Président du Monténégro le 19 octobre 1997 en devançant de seulement 6000 voix le candidat sortant Momir Bulatovic. Les partisans de Djukanovic forment une coalition avec tous les partis représentés au Parlement (SDA, Union Démocratique des Albanais, l'Alliance Démocratique du Monténégro) excepté l'alliance libérale qui regroupe 10 élus et le nouveau parti de Momir Bulatovic.
L'analyse des votes des élections présidentielles laisse apparaître une forte corrélation entre les zones habitées de minorités ethniques, du vieux Monténégro, des villes de Cetinje et de Niksic, et le soutien à Djukanovic. Il doit sa victoire à ceux qui souhaitent une démocratisation rapide, et moins d'interférence de Belgrade dans la politique monténégrine . Le président sortant, Momir Bulatovic, réalise ses meilleurs scores dans les régions du nord de la république, considérées comme pro-serbe, mais aussi dans les villes proches de la Bosnie-Herzégovine, dans les banlieues et au sein de la classe ouvrières. Milo Djukanovic arrive en tête dans les municipalités à forte minorités, le bord de mer et les alentours de Cetinje ?
En violation complète de la constitution fédérale, Slobodan Milosevic nomme Momir Bulatovic premier ministre fédéral juste avant les élections législatives de mai 1998 en espérant ainsi influencer les votes.
Milo Djukanovic fait quant à lui campagne autour de son programme " Un nouveau départ " qui comporte cinq principes de base : l'internationalisation de la vie économique et sociale de la fédération, les réformes économiques et le développement du commerce, le respect des règles de droit et la démocratisation des sphères politiques et de sécurité.
La victoire de sa coalition " Da zivimo bloje " pour une meilleure vie, réunissant le parti démocratique socialiste de Milo Djukanovic, le parti populaire de Novak Kilibarda et le parti socialiste du Monténégro de Ljubisa Stankovie, forment après les élections une coalition de gouvernement à laquelle se joint les partis albanais du Monténégro( le DUA Union Démocratique des Albanais et le DS Union Démocratique) ainsi que l'action démocratique musulmane (SDA).
La coalition de l'opposition est formée du Parti National Socialiste de Momir Bulatovic, le parti de la gauche yougoslave uni de Mira Markovic et du parti radical serbe de Vjislav Seselj.
Le parti libéral quant à lui, défenseur de longue date de l'indépendance du Monténégro, a fait une campagne anti-Djukanovic et anti-Bulatovic. Fort d'un grand soutien dans la municipalité de Cetinje, il est le principal perdant du report de voix sur la coalition de Djukanovic.
Beaucoup déplorent, l'émergence des questions concernant les " communautés nationales ", dans le débat politique. Au mieux ignorées dans le pire des cas maltraitées, ces dernières sont convoitées par la coalition de Djukanovic et diabolisées par les partisans de Bulatovic.
Slobodan Milosevic refuse toujours d'accepter une division des pouvoirs, des compromis démocratiques ou même une cohabitation avec les nouvelles autorités de Podgorica. Il focalise les mécontents en identifiant le vainqueur comme un traître au peuple serbe, élu grâce aux voies des Shiqptar (Albanais) et des Turcs.
Milo Djukanovic représente, au sein de l'opposition yougoslave la formation la plus importante et la mieux organisée. Cela fait des mois que les Serbes empêchent la délégation monténégrine de siéger à la chambre haute du parlement fédérale. Cette chambre garantit la sauvegarde des intérêts monténégrins en assurant l'égalité de représentation entre les deux républiques, alors que la chambre basse (ou Chambre des Citoyens) reflète la différence démographique entre les deux Républiques puisque chaque député représente 65000 personnes. Théoriquement, cette chambre a aussi le pouvoir d'approuver ou de rejeter le président de la Fédération, donc Slobodan Milosevic. Les deux chambres de l'Assemblé fédérale élisent le président à une majorité simple. Cependant tout changement constitutionnel doit être approuvé par une majorité des deux tiers. Or il est vital pour Slobodan Milosevic de changer la constitution pour accroître les pouvoirs de la présidence fédérale ce qui fait craindre au Monténégro, que les changements constitutionnels ne soient qu'une première étape vers la suppression du statut de République du Monténégro.
C'est la raison pour laquelle les autorités de Podgorica décident d'adopter une politique de défense des intérêts de la République en assumant une à une certaine compétence relevant normalement du ressort de la Fédération. Cette politique rencontre un grand support au sein d'une partie de la population monténégrine. Le Monténégro interrompt les transferts au niveau fédéral des recettes douanières et s'octroie la compétence de délivrer des licences d'import-export. Il suspend les sanctions commerciales à l'encontre des produits slovènes, ouvre sa frontière avec la Croatie et au mois de mars 1999 supprime unilatéralement les visas pour les touristes étrangers. Le ministre du transport prend possession, au nom du gouvernement monténégrin, des aéroports fédéraux. Le ministère des finances songe même un temps (en octobre 1998) à établir une monnaie propre au Monténégro.
Le Monténégro persiste en imprimant et en donnant refuge à la presse interdite en Serbie, ce qui exaspère d'autant plus le leader de Belgrade. Des contrôles stricts dans tous les véhicules, trains ou autres moyens de transports arrivant en Serbie en provenance du Monténégro sont faits.
La crainte des autorités monténégrines d'une déstabilisation du pays trouve ses origines dans la volonté de Belgrade de voter de nouvelles lois visant le regroupement au niveau fédéral des forces de police, des télécommunications et des transports ferroviaires. Une désobéissance de Podgorica fournirait un prétexte idéal à une intervention musclée. On retrouve là la stratégie mise en place en Slovénie.
Les deux anciens alliés sont en pleine guerre froide. Le perdant sera celui dont les ressources s'épuiseront le plus rapidement. Dans cette lutte, le Monténégro peut compter sur le soutien de l'administration Clinton et de l'ensemble des pays de l'Union.
Dans le contexte de la RFY, le Monténégro semble être " un oasis de démocratie ". Milo Djukanovic et la coalition multi-ethnique au pouvoir amorce des réformes gouvernementales afin de développer les structures démocratiques et favoriser l'économie de marché. Le programme de privatisation reçoit le soutien d'experts internationaux, et une loi sur l'autorisation des Organisations Non Gouvernementales ainsi que sur la liberté de la presse, renforce l'image démocratique du pays et de son président.
Cette politique dynamique ouvre la voie de l'indépendance au Monténégro. Le processus de démocratisation au sein du Monténégro et la tendance dictatorialE de la Serbie rendent cette évolution inévitable. Pour la première fois, il semble que les partisans de l'indépendance l'emporte sur ceux en faveur de la fédération. Cependant, sur le chemin de l'indépendance du Monténégro, il y a le Kosovo.
En voulant régler la crise du Kosovo, la communauté internationale est déterminée à maintenir une RFY qui n'est pas viable, voire déjà morte. Le Monténégro hésite donc à faire part publiquement de son désir de voir naître une confédération. Quoiqu'il en soit Milo Djukanovic le répète souvent, le Kosovo n'est pas un problème territorial mais de démocratisation de la vie politique. Il préconise l'internationalisation du problème et remet en cause la politique désastreuse de ses dernières années au cours desquelles rien n'a été fait pour intégrer le Kosovo et les Albanais dans la société serbe et yougoslave. Sa position est également claire lorsqu'il fait référence au Kosovo comme lieu d'histoire pour la Serbie donc comme territoire devant rester serbe. Les dirigeants monténégrins espèrent que les dispositions constitutionnelles menant à la confédération participeront à trouver une solution pour le Kosovo.
II.2.1.3. Une église autocéphale pour le Monténégro
" Le pouvoir veut que la souveraineté soit reconnue au Monténégro, mais il donne en même temps son soutien à l'Eglise d'un autre peuple, à la langue d'un autre peuple, autrement dit à l'histoire et à la culture d'autrui. C'est pourquoi, sans oublier le respect de l'Eglise orthodoxe monténégrine pour tout pouvoir élu par le peuple, je me permets d'exprimer ma profonde incompréhension quant à ses actions et décisions. Dans le monde orthodoxe, il n'y a pas d'Etat souverain sans Eglise orthodoxe indépendante "
Les querelles serbo-monténégrines, jusque là politiques ou économiques, gagnent le domaine religieux : le métropolite Amfilohije Radovic, jugé pro serbe, est contesté par une partie de la population, qui réclament une église monténégrine autocéphale.
Ceci est maintenant chose faite : en 1998 et pour la première fois depuis 1918 et l'abolition de l'église orthodoxe du Monténégro, son chef est désigné par le peuple, comme l'impose la tradition monténégrine. Il s'agit du métropolite Mihailo. L'Eglise orthodoxe alternative bulgare en la personne du patriarche Pimen a " intronisé " l'épiscopat monténégrin. Il est intéressant de rappeler que l'église orthodoxe Bulgare connaît un schisme depuis 1993 avec d'un côté le Patriarche Maxime, en place du temps du communisme et de l'autre Pimen qui défend une église anticommuniste plus engagée politiquement. Le métropolite Mihailo bénéficie également du soutien de l'église orthodoxe d'Ukraine et de cinq archevêques d'Amérique du nord et d'Amérique du sud.
L'objectif de l'église orthodoxe du Monténégro est clair, en réclamant la reconnaissance de son existence, c'est l'indépendance du Monténégro qu'elle appelle. Proche du parti libéral de Slavko Perovic qui milite pour l'indépendance de la République, l'église du Monténégro n'hésite pas à fustiger les autorités de Podgorica qui parlent de la tolérance religieuse qui existe dans le pays mais qui " abolissent en même temps tous les droits de l'Eglise orthodoxe monténégrine ".
Elle revendique la restitution des églises et monastères du pays, dépositaires de la mémoire et de l'histoire du Monténégro. Lors de sa disparition en 1918, l'Eglise orthodoxe monténégrine dispose de plus de 600 églises et monastères que l'Eglise orthodoxe serbe au Monténégro récupère.
Compte tenu de l'importance de la religion, pour l'organisation de l'autorité étatique dans le monde orthodoxe, il est à craindre que cette question ne puisse se résoudre qu'avec le règlement du statut du Monténégro lui-même.
II.2.2. La reprise des relations bilatérales entre le Monténégro et les ex républiques fédératives.
Face à l'intransigeance de la communauté internationale envers la RFY et les embargos successifs dont elle est victime, la République du Monténégro a dans un premier temps privilégié les relations bilatérales officieuses avec les anciennes républiques fédératives de Yougoslavie. Lasse de la politique de Slobodan Milosevic, Milo Djukanovic a dès son élection à la présidence monténégrine multiplié les contacts avec l'extérieur comme il s'y était engagé au cours de sa campagne électorale.
II.2.2.1. Avec la Slovénie
La Slovénie dont les intérêts économiques sont importants dans l'ancienne Yougoslavie, a renoué ses contacts avec la Croatie et la Macédoine grâce à des accords économiques. La levée des sanctions financières au cours de l'année 1998 lui permet de se rapprocher du Monténégro mais pas de la Serbie.
La Slovénie est extrêmement intéressée par l'évolution que connaît le Monténégro. Elle soutient, dans la mesure de ses possibilités, sa démocratisation. L'expérience de la Slovénie est exemplaire pour les autorités de Podgorica qui envisagent un rapprochement avec la communauté internationale, et l'Union européenne en particulier. La qualification de l'ancienne république yougoslave dans la première vague d'élargissement de l'Union européenne fait de la Slovénie, en raison des liens historiques des deux pays, un partenaire privilégié. C'est ainsi que de nombreux voyages d'études s'organisent vers la Slovénie. Les relations sont essentiellement axées sur le tourisme, le processus de transition et la privatisation de l'économie. Il existe un vol régulier en coopération entre ADRIA Airlines, la compagnie Slovène et Montenegro Airline, qui permet le développement des relations commerciales.
Sur le plan politique, la Slovénie a toujours soutenu les Albanais du Kosovo.Depuis février 1998, les autorités proposent leur médiation tout en assurant un soutien politique aux Kosovars. Il est à signaler qu'en tant que membre de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), des Slovènes ont fait parti de la mission de vérification au Kosovo.
Enfin compte tenu des derniers développements et comme elle l'a fait pour la Bosnie-Herzégovine, la Slovénie contribue à l'aide humanitaire qui est apportée au Monténégro, mais aussi en Macédoine et en Albanie.
L'accord serbo-croate signé en août 1996 met un terme à cinq ans d'hostilités. Il règle notamment le problème de la Slavonie Orientale mais laisse en suspend le statut de la presqu'île de Prevlaka, qui concerne en premier lieu l'armée yougoslave, mais qui empoisonne les relations entre le Monténégro et la Croatie .
Compte tenu de la localisation géographique de Dubrovnik, acculée à la Republika Srpska et isolée du reste de la Croatie, il apparaît évident que Zagreb préfère maintenir le statu quo actuel pour garder un œil sur les mouvements de la flotte yougoslave.
De plus les autorités croates ont tout intérêt a voir se développer à leurs frontières une république démocratique. Les tentatives d'ouverture de Milo Djukanovic sont donc appréciées à Zagreb, mais surtout au sein de l'opposition démocratique croate. Les prochaines élections législatives en Croatie prévue pour le mois de décembre 1999 seront d'une grande importance pour le Monténégro et pour les Balkans en général. La victoire des forces démocrates favoriserait l'apparition d'un pôle de stabilité dans la région. Elle aurait pour conséquence l'abandon de la politique de blocage institutionnel du HDZ au sein de la fédération croato-musulmane et la perte d'influence des Herzégoviniens en Croatie.
Malgré cela, la Croatie et le Monténégro n'ont pas tardé à se mettre d'accord sur la réouverture de leurs frontières. Les premiers bateaux assurant la liaison Dubrovnik Kotor reprennent leur activité dès l'été 1998. Une représentation consulaire assure des vacations une fois par mois à Bar. Il est intéressant de remarquer que le reste du temps elle est assurée par l'évêché de Bar qui retrouve là son rôle traditionnel.
II.2.2.3. Avec la Bosnie-Herzégovine
Les Accords de Dayton-Paris permettent théoriquement la reconnaissance mutuelle de la RFY et de la république de Bosnie-Herzégovine. Cette normalisation des relations reste cependant formelle.
Si le commerce illégal, de cigarettes notamment, se fait essentiellement entre le Monténégro et la Republika Srpska ou bien " l'Herzeg Bosna ", en revanche c'est bien avec Sarajevo et les autorités fédérales que les relations ont repris. Si la JAT, compagnie aérienne de la Fédération Yougoslave, n'assure que la liaison Banja Luka-Belgrade, c'est Sarajevo, que la toute jeune compagnie monténégrine choisit comme destination en Bosnie-Herzégovine. Le vol inaugural a permis à une délégation officielle du Monténégro de rencontrer leurs homologues de Bosnie.
Du côté de Sarajevo, on étudie attentivement le système scolaire monténégrin qui pourrait servir de modèle à une future éducation commune aux trois communautés.
Les représentants monténégrins sont toujours présent lors des différents salons qui se tiennent à Sarajevo. Ceci répond à la volonté politique de la communauté internationale qui veut promouvoir le plus possible les relations économiques entres les pays des Balkans ; et rétablir ainsi l'interdépendance des économies.
Les relations entre Skopje et Belgrade répondent à deux contraintes. D'une part une bonne entente est nécessaire pour permettre le transit des marchandises en direction du port grec de Salonique. D'autre part, il ne faut pas mettre en péril les relations avec Athènes, en entretenant de trop bons rapports avec un pays que la Grèce veut mettre au banc des Nations.
La Macédoine rencontre des difficultés aussi bien sur le plan intérieur qu'extérieur. Ses voisins, la Grèce ou la Serbie, n'ont accepté que difficilement son existence alors que la Bulgarie, premier Etat à la reconnaître, l'utilise dans son jeu contre Belgrade et Athènes.
Les tensions ethniques se renforcent de jours en jours et comme pour l'Albanie ou le Monténégro, la crise au Kosovo influe sur sa stabilité. La minorité albanaise compte un sixième des sièges au parlement et dispose de cinq ministres au gouvernement. Malgré cela ? la discrimination dont sont victimes les Albanais est quotidienne, et la bataille autour de l'université de Tetovo en est un bon exemple.
La guerre civile qui existe depuis février 1998 au Kosovo participe à la radicalisation des rivalités entre communautés. L'armée de libération du Kosovo (ALK) n'hésite pas à menacer les " collaborateurs " des autorités macédoniennes.
Compte tenu de cette situation, la Macédoine ne s'immisce pas dans la politique de la Fédération yougoslave et entretient donc peu de relations avec le Monténégro.
Les relations avec la communauté internationale.
Pendant toute la durée de la guerre en Bosnie-Herzégovine, les relations extérieures de la RFY sont quasiment nulles. Victime des sanctions internationales, la RFY se voit refuser l'héritage de la Yougoslavie de Tito. Elle perd son siège aux Nations-Unies. Elle doit également quitter l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE/OSCE).
Les accords de Dayton-Paris permettent à Slobodan Milosevic de se façonner une image de " d'homme de paix ". Il espère par ce biais réintégrer le concert des Nations. Bien que l'Union européenne ait reconnu la RFY en 1996, cette dernière se voit toujours refuser l'entrée au Conseil de l'Europe et son retour dans l'OSCE. Aucune des institutions financières internationales n'envisagent de retourner à Belgrade.
Il faut attendre l'élection de Milo Djukanovic à la présidence monténégrine en 1997 pour que s'opère une distinction dans les chancelleries occidentales entre la Serbie et le Monténégro.
Les relations qui s'établissent lentement entre la communauté internationale et le Monténégro connaissent deux périodes : de mi-1997 à l'élection présidentielle où l'on prête une attention discrète, mais attentive, aux déclarations du premier ministre monténégrin, puis après la victoire de Milo Djukanovic à la présidence du Monténégro, on assiste à une véritable opération de séduction aussi bien de la part du nouveau président, qui ne cesse de se rendre à l'étranger, que de la part de la communauté internationale qui pense tenir là un atout majeur dans sa quête de démocratisation et de stabilisation des Balkans.
III.1. Avant la crise kosovare.
Les relations avec les pays voisins et la communauté internationale dépendent de l'évolution de la situation dans l'ex- Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine en particulier. Jusqu'aux accords de Dayton-Paris, la Fédération et le Monténégro sont sous le coup de sanctions internationales. Par la suite, la levée partielle de ces dernières et la tentative de démocratisation entreprise par les autorités de Podgorica incitent la communauté internationale à adopter un régime à différencié dans leurs rapports avec la RFY au bénéfice du Monténégro.
L'Albanie, la Bulgarie, la Grèce et l 'Italie sont directement concernés par l'évolution de la Fédération Yougoslave du fait de leur proximité géographique et de leur engagement historique.
Intéressée au premier chef par l'évolution démocratique du Monténégro, l'Albanie est pourtant un facteur de déstabilisation pour ce dernier. Le chaos dont Tirana ne peut se sortir et la présence d'une forte minorité albanaise au Monténégro sont autant de risques potentiels pour le régime de Djukanovic.
L'Albanie connaît une situation extrêmement difficile qui s'aggrave à partir de la crise des pyramides financières de 1997, s'empire avec la tentative de coup d'état de septembre-octobre 1998. Le crime organisé atteint une telle ampleur que l'autorité gouvernementale ne s'exerce guère que sur la capitale et ses environs immédiats.
Au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine, les postes frontières entre le Monténégro et l'Albanie sont officiellement fermés, en raison de l'application des sanctions internationales. En réalité, l'imagination atteint son paroxysme dans la région quand il s'agit de faire passer dans la Fédération yougoslave des produits de contrebande et plus spécifiquement, du pétrole et ses produits dérivés. Tout autour du Lac de Skadar, des marchés s'implantent, des stations services s'ouvrent, de véritables centres de stockage et de réexpédition s'organisent. Ces trafics sont facilités, car de part et d'autres de la frontière la population est coutumière de ce genre de système auquel les gouvernements ne sont pas étrangers.
Le pillage d'hier semble avoir été remplacé par le trafic, d'autant plus justifiable qu'il apparaît comme l'unique chance de subsister. L'Albanie est devenue en Europe la plaque tournante de la production et du transit de drogue, cocaïne et marijuana. Les réseaux organisés de l'immigration clandestine sont utilisés pour le transport des substances vers les marchés de l'Europe de l'Ouest. A ces activités, il faut ajouter l'extraordinaire prolifération d'armes qui, depuis le pillage des casernes de 1997, sont dans les mains de la population locale, de l'ALK, mais aussi qui alimentent un commerce européen. L'ALK, engagée dans une véritable guerre avec les autorités serbes, trouve sa base arrière en Albanie. Elle n'est pas étrangère à toutes ces activités illégales. Finalement, une recrudescence de l'intégrisme islamique est à craindre d'autant plus que l'Albanie, majoritairement musulmane est un terrain fertile pour les groupes fondamentalistes. Bin Laden tente d'infiltrer les groupes islamistes de l'ALK, mais cherche aussi, par des d'activités commerciales et " caritatives " de s'assurer le soutien de la population albanaise.
Si ces activités ont des conséquences évidentes sur la situation au Kosovo, elles ont également des répercussions sur le Monténégro qui possède une longue frontière avec l'Albanie et compte au nord (au Sandjak) une population musulmane qui peut être tentée par le fondamentalisme islamique.
L'Albanie a peu de raison de se plaindre de la politique menée au Monténégro. Contrairement à la situation kosovare, la population albanaise monténégrine bénéficie d'un enseignement dans sa langue. Si les programmes scolaires étaient de 1945 à 1989 les mêmes qu'à Pristina, la suppression de l'autonomie du Kosovo a contraint les autorités monténégrines à réagir et à traduire eux-mêmes les manuels fédéraux en albanais. Les partis politiques albanais existent et ont même des sièges au parlement monténégrin. Cependant, en raison de la situation au Kosovo et de la structure fédérale de la RFY, les autorités albanaises entretiennent peu de relations officielles avec Podgorica, même si depuis quatre ans les deux pays ont signé un accord commercial.
L'église alternative bulgare soutient ouvertement l'épiscopat de l'église orthodoxe du Monténégro. Les autorités, quant à elles, se gardent bien d'encourager les velléité d'indépendance de la plus petite des deux républiques yougoslaves.
La position bulgare dépend en grande partie de son désir de satisfaire les pouvoirs occidentaux tout en maintenant le contrôle de sa minorité turque et un œil sur la Macédoine voisine. Bien qu'extrêmement touchée par l'éclatement de la Yougoslavie, elle confirme son attitude pro-européenne, notamment en ce qui concerne le respect de l'embargo sur la RFY. Cependant, les autorités ne peuvent ignorer le trafic d'armes et de drogues qui se tient entre les deux pays, mais aussi et surtout l'énorme contrebande de carburant au cours de la période 1992-1995 de l'embargo des Nation-Unies, qui profitât aux habitants de toutes les régions frontalières.
La crise des pyramides financières de 1996/ 97, les manifestations et les inévitables troubles gouvernementaux qui en résultent, ont permis le remplacement du gouvernement néo-communiste par celui de l'Union des Forces Démocratiques. Celui-ci affiche une volonté sans faille d'adhésion à l'Otan et à l'Union européenne.
Le nouveau gouvernement est foncièrement opposé à la politique de Slobodan Milosevic, mais n'entretient pas de relation poussée avec le Monténégro.
Membre de l'Union européenne, la Grèce reste toutefois un soutien fidèle de la Serbie. Elle n'entretient pas de relations directes avec le Monténégro. Elle préfère les contacts fédéraux. Elle ne se prononce pas en dehors du cadre européen sur la démocratisation monténégrine. Il faut toutefois rappeler que la position grecque dans les Balkans est assez ambiguë notamment en ce qui concerne l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine. En septembre 1991, le premier ministre bulgare D. Popov reçoit une invitation pour une réunion à Athènes. Il est censé y rencontrer le Président serbe Slobodan Milosevic et le Premier ministre grec Konstantin Mitsokakis pour parler de l'avenir de la Macédoine yougoslave, en l'absence de représentants officiels de cette dernière. Le président de la république bulgare Jelev intervient et empêche cette réunion trilatérale. Depuis les relations entre Belgrade et Athènes dépendent fortement de ce qui se passe à Skopje. La stratégie de la Grèce et de la Serbie a toujours été depuis 1913, d'isoler la Bulgarie en s'assurant une frontière commune entre eux. L'apparition de la Macédoine a remis en cause ce dessein.
C'est ainsi qu'a été entravée la première tentative " pacifique " de diviser la République de Macédoine. Ce plan avait pour objectif de forcer les Albanais du nord du Kosovo à se replier vers la Macédoine occidentale et les franges méridionales du Kosovo-Metohija.
La dissidence du Monténégro n'intéresse pas outre mesure la Grèce, même si un prêt de 70 millions de dollars lui a été accordé.
Les relations du Monténégro avec l'Italie sont entachées par la présence de la mafia italienne sur le territoire monténégrin. Les ports de Kotor et de Bar sont les quartiers généraux de ces organisations et les points de départ des marchandises.
Rome a ouvert une représentation consulaire à Bar, et multiplie les contacts et les mandats internationaux afin de faire barrage au crime organisé. Depuis peu, une coopération judiciaire a été mise en place et des arrestations ont été effectuées.
De plus, les deux pays ont un intérêt commun à la stabilité de l'Albanie et par conséquent du Kosovo. Les côtes Adriatique respectives sont des lieux d'embarquement et de débarquement de trafics en tous genres et de toutes provenances.
Depuis 1995, les deux pays ont signé un accord commercial.
III. 1. 2. La communauté internationale.
La communauté internationale ne s'est intéressée que tardivement au Monténégro. Il faut dire que le président Momir Bulatovic n'a pas fait preuve d'indépendance par rapport à la Serbie au cours de ses mandants successifs.
La " dissidence " de Milo Djukanovic marque une nouvelle ère pour les relations extérieures du Monténégro.
Les Etats Unis, depuis leur retour en Europe et dans les Balkans après les accords de Dayton-Paris, sont présents plus ou moins discrètement au Monténégro.
Au cours de la campagne électorale (1997) de Milo Djukanovic, un grand nombre de " conseillers " américains composent son équipe.
Après son élection, le président du Monténégro se rend dans un certain nombre de capitales étrangères afin de défendre sa politique de privatisation et de tolérance envers les minorités. Il envoie même une délégation à La Haye afin de discuter d'une coopération plus étroite avec le Tribunal international sur l'ex-Yougoslavie dans les enquêtes portant sur le rôle du Monténégro dans les crimes de guerres en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. C'est ce genre d'actions qui lui permettent d'obtenir le soutien sans réserve de l'administration Clinton. Cependant, Djukanovic doit se plier aux demandes américaines et de fait, doit freiner ses ambitions. Le concours qui lui est apporté, n'est pas dénué d'intérêt, puisque l'on cherche par son intermédiaire à affaiblir Slobodan Milosevic. Ce soutien est à double tranchant car il ne faut pas que le Monténégro accède à l'indépendance. Cette indépendance, que Milo Djukanovic ne souhaite pas non plus, aurait d'inévitables répercussion sur la solution du problème kosovar. Si le maintien du Kosovo dans les frontières de la RFY, c'est-à-dire Serbie et Monténégro, est envisageable il est irréalisable dans les frontières de la seule Serbie
La recrudescence des violences au Kosovo au début de 1998 a des incidences sur la position américaine. La décision est prise de renforcer l'activité culturelle et économique à Podgorica avec l'ouverture d'un bureau de USAID puis d'un centre Internet. Au cours de l'été 1998, l'arrivée des premiers déplacés en provenance du Kosovo incite la mise en place d'un bureau OFDA/ Dart. Enfin, les élections législatives de mai 1998 refont apparaître l'idée de l'ouverture d'une représentation consulaire américaine dans la capitale monténégrine, ce qui correspond à l'objectif de Milo Djukanovic d'attirer des délégations étrangères au Monténégro.
III.1.2.2. L'Union européenne.
L'Union européenne et ses états membres ont également accueilli avec satisfaction la nouvelle politique mené par Podgorica.
La situation tendue, entre les partisans de Bulatovic et de Djukanovic, est à l'origine d'une action commune de l'Union européenne, qui par une décision du 30 avril 1998 prévoit la mise à disposition 3 million d 'Euro. Cet argent, destiné au versement des retraites dans le secteur public revêt un caractère forcément politique. Si l'on tient compte du fait qu'une majorité d'électeurs se trouve être des personnes âgées, retraitées, et a fortiori, compte tenu du régime politique précédent, ayant travaillées dans le secteur public, c'est un soutien franc à Djukanovic qui est apporté.
Ceci dit, l'attention de l'Union européenne et de ses pays membres, se porte en priorité sur la Bosnie-Herzégovine voisine et la mise en application des accords de Dayton-Paris.
La Russie, alliée de toujours du Monténégro, n'a plus les mêmes préoccupations aujourd'hui qu'au temps des confrontations russo-turques. Toutefois, les autorités monténégrines, au cours de leur quête de reconnaissance auprès de la communauté internationale, ont tout naturellement ouvert une " représentation " monténégrine à Moscou. En retour, un consulat ouvre ses portes à Podgorica.
La situation est difficile aujourd'hui pour le vice-consul russe qui se trouve partagé entre la Serbie et le Monténégro. Il est intéressant de noter que le convoi humanitaire qui quitte la Russie au cours du mois d'avril a pour destination annoncée le Monténégro.
Les relations de la communauté internationale avec le Monténégro connaissent un nouveau développement depuis l'échec des négociations de Rambouillet- Paris entre Serbes et Kosovars. La stratégie de soutien aux réformes démocratiques du Monténégro, dans l'espoir de déstabiliser la Serbie de Slobodan Milosevic, atteint ses limites. Membre à part entière de la Fédération, le Monténégro se trouve en porte-à-faux entre la Serbie et les pays de l'Alliance atlantique.
L'attitude ambivalente de Djukanovic, appréciée dans les capitales des membres de l'Alliance, rend difficile le maintien d'un juste équilibre entre militaires yougoslaves et forces de police monténégrines, entre pro et anti-Milosevic.
Les dix-neuf pays de l'Otan parviennent difficilement à maintenir une indispensable cohésion sur les objectifs à poursuivre et les moyens à mettre en place. Il n'en demeure pas moins que l'ensemble des membres de l'Alliance ne souhaitent en aucun cas transgresser le principe sacro-saint de l'inviolabilité des frontières.
III.2.1.1. Objectifs de l'intervention
En prenant la décision d'intervenir en RFY, afin de protéger une population en danger, l'Otan ne décide pas pour autant de nier la souveraineté de ce pays.
La notion de peuple et celle de minorité recoupent des réalités sociologiques proches. La qualification selon l'une ou l'autre des notions ne s'explique que par le droit que l'on veut bien reconnaître au groupe de personnes incriminées. L'octroi d'un droit à l'autodétermination crée un peuple. Le refus de ce droit crée une minorité.
Il est stipulé par les pays membres de l'Otan qu'il s'agit d'une intervention " humanitaire " dont l'objectif principal est la protection de la minorité albanaise. Cette protection a pour corollaire le refus à l'autodétermination kosovare. Il est plus facile pour la communauté internationale de défendre les droits des minorités plutôt que de reconnaître une possibilité quasiment infinie de modifier les frontières internationales. Au vu des réactions de la communauté internationale vis-à-vis du conflit au Kosovo, il apparaît très clairement que la population kosovare albanaise ne jouit pas d'un droit spécifique à l'autodétermination dans sa forme externe, mais d'un droit à l'autonomie interne. L'ONU, l'Otan, le Groupe de contact et l'Union européenne ne souhaitent pas remettre en cause l'intégrité territoriale de la RFY.
Leur position est sans ambiguïté. Le Kosovo ne peut pas faire sécession et il n'a pas le droit de se rattacher unilatéralement à l'Albanie. La population albanaise est donc considérée comme une minorité à l'intérieur de la RFY - mais pas forcément à l'intérieur de la Serbie.
Or, poursuivre cette objectif semble aujourd'hui difficile compte tenu du déroulement des opérations.
Accorder aux Kosovars le droit de décider de faire sécession, de déclarer leur indépendance ou de se rattacher à l'Albanie ne pourrait que raviver l'amertume des Serbes de Bosnie et de Croatie d'avoir été privés d'un tel droit. Si les frontières de la Croatie et de la Bosnie doivent rester intangibles, il en est de même pour les frontières yougoslaves.
La communauté internationale craint les répercutions d'une indépendance kosovare sur la Macédoine, sur l'Albanie et dans une moindre mesure sur le Monténégro. Les Etats occidentaux ne veulent pas de nouvelles subdivisions ethniques.
La situation au Kosovo, de mars à octobre 1998, est celle d'un conflit interne, d'une guerre civile et non d'un conflit international. Il ne peut pas être réduit à la qualification de "terrorisme", comme le disent les autorités serbes et américaines au cours de l'été 1998. Ce n'est pas un problème de maintien de l'ordre dans une zone troublée comme le prétend Belgrade. Le recours aux armes des combattants de l'ALK n'est ni banni ni accepté par le droit et la communauté international. Il est juste prévu dans les dispositions de droit humanitaire. " Au Kosovo, le charbonnier serbe est maître chez lui. Mais il n'est plus tout à fait tout seul chez lui! "
III.2.1.2.Conséquences pour le Monténégro.
Au Monténégro, les réfugiés ou déplacés représentent 15% de la population totale. Les problèmes économiques, démographiques et politiques pèsent très lourd. En raison de la situation politique très tendue et pour des raisons de sécurité, les déplacés sont regroupés dans des villes à population en majorité musulmane ou albanaise. On les retrouve donc essentiellement à Rozaje, Plav, Ulcinj, et dans une moindre mesure, à Berane, Bjelo Polje. Les centres urbains attirent naturellement des déplacés que l'on retrouve donc à Podgorica et à Niksic.
Le Monténégro ouvre pour eux sa frontière avec le Kosovo avec l'intention de poursuivre sa politique d'accueil. Il a également fait de même avec sa frontière avec l'Albanie pour permettre à ceux qui le souhaitent d'aller retrouver les membres de leur famille qui se trouveraient déjà en Albanie. Cependant, la tension monte entre les militaires de la seconde armée et les déplacés qui souhaitent rejoindre l'Albanie. En effet, l'armée, qui veut éviter que le Monténégro ne serve de zone de transit entre le Kosovo et l'Albanie pour les combattants de l'ALK en fuite, interdit aux hommes de franchir la frontière. La fermeture intermittente des points de passages entre le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine d'une part ou la Croatie d'autre part rendent la situation de plus en plus difficile pour les déplacés, qui cherchent à quitter le pays. Toujours à la merci de l'armée fédérale, ils peuvent encore être victimes des frappes de l'Otan qui n'épargnent pas le Monténégro. Enfin, leur présence massive risque d'entraîner une radicalisation de la population monténégrine.
L'attitude de l'armée contribue à former un sentiment d'insécurité au Monténégro. Cette dernière met en place un véritable contre-pouvoir et fait régner l'Etat d'urgence, décrété par la Fédération, que le parlement monténégrin a pourtant refusé d'appliquer. Le blocus du port de Bar, à la fois par la flotte yougoslave et par les navires de l'Otan et l'approvisionnement irrégulier en provenance de la Serbie rendent la situation difficile, proche de la pénurie. Le Monténégro doit de plus assurer le minimum aux Kosovars, sans bénéficier pleinement de l'aide des grandes agences humanitaires.
Le Monténégro est à nouveau un lieu de refuge pour des membres de l'opposition mais aussi pour des jeunes refusant la mobilisation ou simplement des personnes fuyant les bombardements plus importants en Serbie. Ils rejoignent ainsi les journalistes qui furent les premiers à se rendre au Monténégro afin d'y poursuivre leurs activités jugées subversives par Belgrade.
Les pays voisins sont touchés par la crise du Kosovo et l'intervention de l'Otan qui provoquent l'afflux massif de réfugiés et l'interruption des relations économiques et commerciales. Ces pays craignent que la politique de Slobodan Mlosevic n'entraîne une déstabilisation générale de la région. C'est pourquoi, ils choisissent de soutenir l'Alliance dans l'espoir que le conflit s'arrête rapidement. En faisant ce choix, ils doivent faire face à une opposition massive de leur population aux frappes de l'Otan.
III.2.2.1. Entre radicalisation panslave…
Parmi les pays voisins, la Grèce, la Macédoine et la Bulgarie forment un groupe à part. En effet, leurs élites dirigeantes sont globalement pro-européennes. Elles approuvent l'intervention de l'Otan. Cependant, la population de ces pays est loin de partager le même sentiment.
Pour la Grèce, son appartenance à l'Union européenne et à l'Otan rend remet en cause sa position traditionnellement conciliante à l'égard de Belgrade. La population manifeste ouvertement, voire violemment en faveur des Serbes.
La Bulgarie fait un choix réaliste en ouvrant son espace aérien aux avions de l'Otan car comme le dit son président " nous souhaitons que cela se termine au plus vite ". Cette attitude suscite l'opposition de la population, qui n'admet pas de se plier aux demandes de la communauté internationale. Elle nourrit de plus une certaine rancœur, envers " l'Ouest " qui n'a pas fait de la Bulgarie un candidat acceptable pour la première vague d'élargissement de l'Otan et de l'Union européenne.
L'Alliance s'est bien rendu compte de la tension qui règne à Sofia mais aussi de l'importance de ce pays dans la mise en place d'un futur plan de stabilisation de la région. Dès lors, il n'est pas surprenant de voir la Bulgarie en tête de liste pour un prochain élargissement de l'Otan.
La Macédoine, quant à elle, doit faire face à une présence massive de troupes étrangères et à un véritable flot de réfugiés. Elle se trouve dans une situation des plus instables et tente par tout les moyens de réduire le nombre de Kosovars sur son territoire. La composition ethnique de ce pays est en plein bouleversement. On peut dire, d'ores et déjà que Slobodan Milosevic est parvenu à ses fins en déstabilisant la Macédoine et l'Albanie.
Les Serbes de Macédoine manifestent leur mécontentement. Les Macédoniens eux-mêmes et leurs forces de police, en particulier, adoptent une position pro-serbe qui rend la présence militaire étrangère délicate.
Il faut toutefois souligner les efforts dont font preuve les autorités macédoniennes et une partie de la population, et comprendre que cette crise met en cause l'existence même de leur Etat.
III.2.2.2. … et soutien nécessaire aux populations déplacées.
Avec la Macédoine, l'Albanie et le Monténégro sont les deux autres pays qui doivent faire face à la crise humanitaire dans les Balkans.
La position officielle de l'Albanie est sans équivoque quant à l'aide qu'elle apporte aux Kosovars. Cependant, la situation est telle en Albanie qu'il est difficile pour les réfugiés, les agences des Nations-Unies et les ONG de faire face au chaos ambiant. Après plusieurs semaines de débordements, la situation se stabilise. Apparaissent alors des problèmes insurmontables de logistique, d'approvisionnements mais aussi et surtout d'insécurité. Ici et là, des informations concernant des détournements massifs, inhérents à toute opération humanitaire, mais aussi de guerre des gangs entre Kosovars et Albanais pour le contrôle des différents trafics. Dans ces conditions, il est urgent d'apporter une attention particulière à la sécurité des réfugiés, d'autant plus que dans un premier temps, ils n'apparaissaient pas menacés comme cela peut être le cas en Macédoine et au Monténégro.
Au Monténégro, les réfugiés trouvent refuge avant tout dans leur familles et dans les lieux de peuplement albanais ou musulmans. Les autorités locales s'organisent pour faire face aux différents besoins. La présence de ces déplacés avivent cependant les tensions, non seulement entre communautés mais aussi entre Monténégrins eux-mêmes.
Les " provocations " de l'armée, fédérale, dans certains villages à la frontière kosovare, ont mis en alerte les forces de polices monténégrines, fidèles au président Djukanovic. Ces dernières se renforcent de jours en jours avec le renfort des jeunes mobilisables. Les minorités albanaise et musulmane rejoignent les forces de police, car elles représentent pour elles, la certitude de ne pas aller se battre au Kosovo et de défendre la relative multihetnicité du Monténégro.
Compte tenu de la situation actuelle, l'évolution de la situation au Monténégro dépendra de celle du Kosovo. L'une et l'autre seront déterminantes pour l'ensemble de la région.
Conclusion et scénari pour le Monténégro.
En choisissant d'intervenir militairement, l'Otan est au pied du mur. Il ne saurait être question dans les Balkans d'un scénario somalien ou irakien. La crédibilité de l'Alliance est en jeu et les capitales occidentales ne souhaitent plus aujourd'hui envisager de négocier avec Slobodan Milosevic.
Il est temps de réaliser que Slobodan Milosevic constitue le principal obstacle à une éventuelle stabilisation de la région.
IV.1. Scénario négatif, ou à court terme.
Dans ces conditions, envisager une défaite de l'Otan est irréaliste. Cependant, la " capitulation " sans condition, exigée par l'Alliance, sera longue et difficile à obtenir. Ce sera alors la première étape d'un long processus de reconstruction, de démocratisation et de stabilisation.
La campagne aérienne tarde à porter ses fruits, c'est la raison pour laquelle un scénario " catastrophe " pour le Monténégro est envisageable à court terme.
La rivalité entre les institutions républicaines et la seconde armée yougoslave risque de se solder par la prise du pouvoir par les militaires fidèles à Belgrade. Elle pourrait être rampante ou bien violente en fonction des circonstances.
IV.1.1. Tensions ethniques et radicalisation, victoire des unionistes
Depuis la signature en octobre 1998 de l'accord Milosevic-Holbrook relatif au Kosovo, Slobodan Milosevic renforce sa position au sein de l'armée et tente de contrôler la république dissidente du Monténégro. Les différents limogeages à la tête de l'armée et des services de l'Etat n'en sont que la partie visible, avec le remplacement du general Momcilo Perisic, Slobodan Milosevic envoie un signal clair aux responsables monténégrins, mais aussi à l'ALK. Le chef d'état-major de l'armée fédérale est démis après s'être ouvertement prononcé contre une intervention au Kosovo. Pour Slobodan Milosevic, il est hors de question de voir se reproduire le précédent slovène, la sécession n'est pas envisageable.
Les purges au sommet de l'armée yougoslave (JNA) se poursuivent malgré les bombardements de l'Otan : le commandant de la deuxième armée, stationnée au Monténégro, le général Martinovic, son adjoint Tripko Cecovic, le colonel Glumac, l'adjoint du commandant de la deuxième armée chargé de la sécurité, son second, le colonel Bojic ainsi que le chef du contre-espionnage, le colonel Bogicevic.
Ils sont remplacés par les colonels Cvetkovic, Spasic et Kostic, des Serbes, qui n'ont jamais été en fonction au Monténégro et donc, n'ont aucune amitié ou même affinité avec le pouvoir de Podgorica. Les niveaux les plus bas dans la hiérarchie militaire ne sont pas non plus épargnés. Slobodan Milosevic entend, par des remplacements à la hâte, s'assurer une autorité et un contrôle absolu de l'armée en espérant ainsi éviter les passe-droits autour de la mobilisation au Monténégro. Avec l'arrivée de forces spéciales yougoslaves au Monténégro ainsi que des réservistes, la situation se dégrade, d'autant plus que certains de ces réservistes parlent russe. Il est à craindre que Belgrade ait encore fait appel aux mercenaires déjà connus pour leurs faits d'armes au Kosovo.
Les tribunaux militaires s'efforcent d'empiéter sur les prérogatives judiciaires de la république. Ils s'octroient le droit de juger non seulement les " déserteurs " mais aussi tous les " traîtres ". Ils opèrent une véritable " chasse aux sorcières " dont les journalistes sont les premières victimes.
L'action à l'encontre de la presse répond à deux objectives, d'une part, faire cesser les activités des " agents subversifs " et de l'autre, mettre en place une " information patriotique " à l'image de celle qui est diffusée en Serbie.
Parallèlement à l'activité de l'armée, le SNP, le parti de Bulatovic, entreprend une offensive de déstabilisation politique. Des motions sont sans cesse présentées au parlement afin d'obtenir le vote de l'Etat de guerre ou la destitution de Milo Djukanovic. Des meetings populaires sont organisés. Toutes ces actions profitent du soutien des média yougoslaves. L'ensemble de ces éléments relève d'une " stratégie commune ", dont l'objectif est, de regagner le soutien d'une population influençable.
La guerre politique menée autour des institutions fédérales et des média gouvernementaux sur le territoire monténégrin n'est pas sans rappeler la situation en slovène de 1991. La volonté de contrôler les administrations, la radio-télévision du Monténégro, les institutions gouvernementales, le port de Bar, la presqu'île de Prevlaka, peut à tout moment se transformer en un dangereux règlement de compte entre les forces militaire et la police monténégrine.
Malgré tout, la situation se stabilise. Il semblerait qu'un accord tacite existe entre la seconde armée et le pouvoir de Podgorica. A en juger par les déclarations publiques de plus en plus fréquentes sur la bonne coopération entre police monténégrine et armée fédérale, on pourrait croire que la campagne de l'Otan au Kosovo et en Serbie pèse sur la deuxième armée. Ceci pourrait expliquer pourquoi les pouvoirs monténégrins ont renoncé à la possibilité de mettre un terme à la RFY. On pourrait en conclure que les intérêts démocratiques du Monténégro ne sont pas menacés ou qu'ils ne le sont plus et que les pouvoirs monténégrins n'auraient donc plus de raisons de recourir à des décisions aussi radicales que l'indépendance
Contrairement à la situation slovène, la population monténégrine est divisée. Entre " verts " et " blancs ", il existe un risque de radicalisation des positions. Les pro-serbes, avec ou sans l'appui de l'armée, pourraient s'en prendre aux minorités, aux opposants au régime de Slobodan Milosevic, mais aussi aux déplacés, ce qui pourrait entraîner une réaction des minorités musulmane et albanaise. Ces dernières réagiraient soit en rejoignant les forces de police pour montrer leur attachement au Monténégro, soit à la manière des Kosovars en adoptant la lutte armée.
Au cas où les partisans de l'union avec la Serbie l'emporteraient, l'armée aurait peu de choses à faire. La population se désolidariserait graduellement des autorités monténégrines par crainte de la guerre civile, et préférerait dès lors se ranger aux côtés de Belgrade. Une éventuelle intervention de l'armée fédérale n'aurait aucune raison d'être, le rétablissement au pourvoir des partisans de Bulatovic, suffirait à régler le problème monténégrin.
IV.1.2. Soutien fort de la population aux militaires. Expulsion des déplacés et des Monténégrins non " orthodoxes " ?
Même si un revirement massif de la population semble plus qu'aléatoire, il existe cependant de réels risques dans les municipalités avec de fortes communautés albanaises au cœur de zones pro-serbes. Comme ces régions sont proches de la frontière kosovare, il ne serait pas exclu d'y constater une collaboration entre forces armées et habitants pro-serbes dans une opération de renvoie des déplacés vers le Kosovo et d'exactions à l'encontre des minorités. Ces derniers représentent une menace pour le Monténégro, mais aussi pour l'armée fédérale stationnée au Kosovo, car ils risquent d'aller grossir les rang des forces de l'ALK en Albanie en transitant par le Monténégro.
Les minorités musulmane et albanaise ont compris le danger qu'elles courent et choisissent soit de se réfugier en Bosnie-Herzégovine et en Albanie, soit de se préparer à une éventuelle confrontation.
Cette situation pourrait fournir le prétexte à une intervention de rétablissement de l'ordre de la seconde armée. Intervention qui serait vécue comme une délivrance et non comme une conquête par les partisans de l'union avec la Serbie. Pour les " verts ", cela ressemblerait à la période de 1918-19 au cours de laquelle l'armée de libération serbe s'est transformée en véritable force d'occupation. Or, la révolte de 1919, qui se solda par la défaite des partisans de l'indépendance du Monténégro, risque de ne pas se terminer de la même façon cette fois-ci.
Si l'armée monténégrine avait été décimée au cours de la Première guerre mondiale, la police monténégrine d'aujourd'hui, véritable " armée républicaine ", ou, en tout cas, en passe de le devenir ne se laissera pas faire.
Dès lors, la police appuyée par une partie de la population risquerait de s'opposer à l'armée soutenue par le reste de la population. En tenant compte du fait qu'il n'existe pas une maison sans fusil au Monténégro, cela pourrait se traduire par une véritable guerre civile.
Cette hypothèse, quoique trop souvent évoquée, reste probable.
IV.1.3. Guerre civile entre l'armée fédéral et les forces de police monténégrine ? Nouvelle intervention internationale ?
Les renforts qui ne cessent d'arriver au Monténégro peuvent être interprétés de deux façons différentes : éviter l'ouverture " d'un second front " pour pouvoir continuer les opérations de " pacification " au Kosovo, ou, s'apprêter à " mater " le Monténégro après avoir réaliser le premier objectif.
Cela pourrait se traduire par un véritable coup militaire, qui inéluctablement pousserait l'ensemble de la population à choisir son camp : avec l'armée pour la fédération ou derrière la police pour...une confédération? Mais pourra-t-elle encore être envisageable après un affrontement armé.
C'est la raison pour laquelle les autorités monténégrines sont très attentives aux mouvements de troupes qui s'opèrent au Kosovo. La communauté internationale est tout aussi attentive car elle a fait du retrait des troupes fédérales du Kosovo une des cinq conditions à l'arrêt des bombardements. Les pays de l'Alliance ont à plusieurs reprises mis en garde Slobodan Milosevic, au cas où ce dernier envisageait de s'en prendre au Monténégro.
IV.2. Scénario positif, à long terme.
Dans le cadre de la poursuite des bombardements de l'Otan, on assiste à des manifestations hostiles à Slobodan Milosevic en Serbie même. Une partie de la population ose donc remettre en cause la politique suicidaire du président de la FRY.
La dissidence du Monténégro offre aux plus célèbres des opposants un refuge . Il coalise derrière lui une grande partie de la contestation anti Slobadan Milosevic. Milo Djukanovic devient le héraut de l'opposition auprès de la communauté internationale.
IV.2.1. Le Monténégro comme facteur de démocratisation?
Accepté par les chancelleries occidentales, Milo Djukanovic est un interlocuteur privilégié de la RFY. La stratégie menée depuis deux ans par le président du Monténégro et par les Etats-Unis, porte ses fruits. La société monténégrine pourra-t-elle cependant servir d'exemple pour la Serbie et contribuer à sa démocratisation ?
Aujourd'hui, malgré les tensions et les menaces de plus en plus pressantes, le Monténégro maintient son orientation pro-occidentale. Les médias restent relativement libres, les déserteurs serbes rejoignent le Monténégro.
Au cours du mois de mai 1999, Milo Djukanovic s'est rendu dans un certain nombre de capitales étrangères afin d'y faire entendre la voix du Monténégro, de la RFY mais surtout de la Serbie démocratique. Lors de son passage en Allemagne et en Autriche, il était accompagné de Zoran Djindjic, président du Parti Démocrate de Serbie, avec lequel il a fait une déclaration commune faisant de la démocratisation et du départ de Slobodan Milosevic les conditions de la survie de la RFY. Aujourd'hui réfugié au Monténégro, Zoran Djindjic adopte une position foncièrement anti-Milosevic, demandant même son inculpation pour crimes de guerre. Son parti détient 25 municipalités en Serbie dont les villes de Nis, Kragujevac et Cacak, fortement touchées par les bombardements de l'Otan. Dans ces villes, des manifestations hostiles à la politique de Milosevic ont eu lieu. Elles pourraient être le point de départ d'une contestation plus importante de la population serbe. Djindjic expliquait récemment que ce n'est pas aux USA de chasser Milosevic, mais au peuple serbe et ajoutait que le Monténégro représente un espoir pour tous les démocrates de Yougoslavie.
Mais Djindjic n'est pas le seul à faire état de " l'exemplarité " du Monténégro. Des opposants qui se trouvent à l'étranger, comme Milan Panic, ne cessent de vanter les qualités de Milo Djukanovic et de sa politique de démocratisation.
IV.2.2. Solution négociée au niveau fédéral
La solution à apporter devra tenir compte des aspirations kosovares, des intransigeances serbes, des nouvelles revendications de Voïvodine et bien entendu de la susceptibilité du Monténégro. Les négociations diplomatiques qu'entameront la communauté internationale et les différents protagonistes de la région risquent de rencontrer de grosses difficultés.
L'objectif des membres de l'Alliance était l'octroi pour les Albanais du Kosovo d'une autonomie substantielle . Entre temps, la situation a été complètement bouleversée et les Accords de Rambouillet risquent de devenir caducs.
Dans le cadre d'une solution négociée pour la RFY mais aussi pour l'ensemble des Balkans, un retour à la constitution de 1974, voire même la rédaction d'une nouvelle constitution créant une nouvelle fédération ou confédération balkanique, peut être envisagé comme solution à l'instabilité permanente de la région.
IV.2.2.1. Un retour à la constitution de 1974 ?
La revendication des Kosovars a longtemps été le retour au statut de province autonome accordé par la Constitution de 1974, retiré en1989.
La Constitution de 1974 définissait la République fédérative de Yougoslavie, comme composée de six Républiques (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slovénie) et deux provinces autonomes au sein de la république de Serbie (Kosovo et Voïvodine). Aujourd'hui, quatre des six républiques sont devenues des Etats Indépendants, internationalement reconnus. Le Monténégro et la Serbie forment la RFY ou " Yougoslavie résiduelle ". L'indépendance difficile de quatre des républiques fédératives a laissé une fédération dominée par la Serbie. Dans ces circonstances, il est difficile de revenir à la situation de 1974. Cependant, une restauration de l'autonomie du Kosovo et de la Voïvodine est inéluctable.
Tout au long des années 1990 , la LDK d'Ibrahim Rugova a maintenu cette revendication dans un esprit de non-violence. Excédée par le peu d'intérêt des occidentaux pour le problème kosovar et l'échec d'un règlement global de l'héritage yougoslave lors des négociations de Dayton, une grande partie de la population du Kosovo s'est engagée derrière l'ALK dans une véritable lutte armée.
La réponse de Belgrade revêt une ampleur et une gravité telle que les Kosovars ne pourront plus se satisfaire d'une autonomie au sein de la Serbie, susceptible de leur être facilement et anticonstitutionnellement retirée comme ce fut le cas en 1989.
La constitution d'une République du Kosovo au sein de la RFY demeure un dénouement envisageable pour les plus modérés des Kosovars. Or, cette solution ne satisfait pas du tout le Monténégro qui veut conserver jalousement sa position " d'égal à égal " avec la Serbie au sein de la RFY. La naissance d'une troisième République pourrait alors entraîner le Monténégro dans l'aventure de l'indépendance, si aucune nouvelle disposition constitutionnelle est envisagée.
IV.2.2.2. Une quatrième Yougoslavie ?
La création d'une confédération semble être l'objectif que poursuit le Monténégro. Cette ambition pourrait rejoindre les propositions fantaisistes du Centre for European Policy Studies. Il s'agit de créer une " Yougoslavie à géométrie variable " en couplant un lien confédéral entre le Monténégro et la Serbie et des liens fédéraux entre la Serbie et le Kosovo d'une part et la Serbie et la Voïvodine d'autre part. Il est important d'inclure dans le règlement de la question kosovare la question de la Voïvodine. Si la composition démographique de cette région a beaucoup changé en raison du départ de la population croate et hongroise, mais aussi et surtout, du fait de l'arrivée des réfugiés serbes de Croatie et de Bosnie, une minorité hongroise forte de 350 000 personnes demeure. Des représentants du Fidesz, parti de la coalition gouvernementale hongroise, se font les porte-paroles des intérêts des Hongrois de Voïvodine.
Pourtant, c'est bien sur la définition d'une nouvelle Yougoslavie qu'achoppent les discussions sur l'avenir des Balkans. L'indépendance du Monténégro impliquerait l'indépendance du Kosovo et avec elle des revendications territoriales renaîtraient, à commencer par la Republika Srpska. Ce serait le succès de la politique menée par Slobodan Milosevic depuis dix ans. Elle s'achèverait par la constitution d'un grand Etat serbe, qui passerait aussi par le dépeçage de la Macédoine déjà fortement déstabilisée. De proche en proche, la Croatie et l'Albanie, voire la Bulgarie profiteraient de cette situation pour constituer à leur tour de grands Etats.
Seul le concours de la communauté internationale qui participera, entre autre, à la démocratisation des sociétés en question, évitera de ne résoudre les problèmes balkaniques que par une solution territoriale.
" Il faut donc qu'il y ait diverses façons d'être ' peuple' : celle de constituer un Etat séparé d'une seule ethnie n'étant pas (ne devant pas être) le seul. "
Quoiqu'il en soit, la communauté internationale, qui s'est engagé depuis 1992 dans la région devra envisager d'y rester pour une durée indéterminée. La démocratisation nécessaire des Balkans se fera sous son contrôle musclé, et la solution qui sera adoptée pour le Kosovo devra être renforcée par la mise en place d'une institution semblable à celle qui existe en Bosnie-Herzégovine. Elle administrera un protectorat sous l'égide d'un haut représentant temporaire, et dans le cadre d'un accord à négocier. Ainsi, la catastrophe humanitaire et le transfert de population seraient stoppés, mais peut-être difficilement réversible compte tenu des difficultés liées au retour des déplacés, et les frontières existantes conservées. Le Tribunal de La Haye devra enquêter sur les personnes suspectes d'avoir participé aux crimes commis au Kosovo. L'Union européenne devra construire un réseau radiophonique et télévisuel indépendant en Serbie. Elle devra soutenir le gouvernement réformiste du Monténégro. L'Union européenne devra également créer une stratégie régionale pour relier les forces positives démocratiques d'Albanie, de Bulgarie, de Grèce, de Macédoine, du Monténégro, de Serbie, de Roumanie et de Turquie. Ainsi, elle devra d'urgence convoquer une conférence internationale permanente sur les Balkans.
Le Monténégro membre observateur de cette conférence devra rapidement y prendre place officiellement ainsi que la Serbie sans Slobodan Milosevic.
Livres
|
"Yougoslavie, nations, religions, idéologies", L'âge d'or, Lausanne 1994. |
|
"Montenegrin social organisation and values, political ethnography of refugee area tribal adaptation", AMS Press, 1983. |
"Blood revenge. The enactment and management of conflict in Montenegrin and other tribal societies", University of Pensylvania Press, 1984. |
|
Boudon Raymond, ss la dir |
"Dictionnaire de la sociologie", Laroousse, Paris, 1993. |
|
" La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II. 1. La part du milieu. ", Armand Colin Editeurs, Paris, 1966 et 1990 |
Rageau Jean- Pierre |
"Atlas des Européens", Fayard, Paris, 1989. |
|
|
|
"Atlas of Easter Europe in the twentieth century", Routledge, London & New York, 1996. |
|
"Yugoslavia's disintegration", East European Monographs, Boulder 1995. |
|
"Some tribal origins, laws, and customs of the Balkans.", AMS Press, New York, 1979. |
|
"Kosovo, in the heart of the powder keg", East European Monographs, Boulder 1997. |
|
" Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique ", Fayard, nouvelle édition, Paris, 19991, 1994, pp 38. "Fragments d'Europe", Fayard, Paris, nouvelle édition 1993. |
|
"Vie et mort de la Yougoslavie", Fayard, Paris 1992. |
|
"To end a war.", Random House, New York, 1998. |
|
"Géopolitique de la Serbie- Monténégro", Editions Complexe, 1998. |
|
"Kosovo a short history" , Macmillan, London 1998. |
|
"Trafics et crimes dans les Balkans", Criminalité Internationale Géographie criminelles, PUF, Paris 1998. |
|
"L'ex- Yougoslavie en Europe", de la faillite des démocraties au processus de paix.", l'Harmattan, Paris, 1997. |
|
" Radiographie d'un nationalisme, les racines serbes du conflit yougoslaves", Les éditions de l'atelier, Paris 1998. |
|
"Balkans, minorities and States in conflict.", Minority rights publication, London, 1991. |
|
"Ethnologie de l'Europe du sud-est. Une anthologie.", Mouton éditeur, Paris, 1974. |
|
"Imaging the Balkans ", Oxford University Press, New York- Oxford 1997. |
|
"Le rêve sacrifié; Chronique des guerres yougoslaves. ", Editions Odile Jacob, Paris 1994. |
Revues
Coexistence. |
||
|
" European security and the peaceful settlement of disputes ", n° 31, 1994. |
|
Esprit |
||
|
"Changement de logique au Kosovo.", |
|
European foreign affairs revue. |
||
|
" Mostar : three lessons for the European Union. ", n° 2, 1997. |
|
European security. |
||
" EU, NATO and CSCE responses to the Yugoslav crisis : testing Europe's new security architecture, vol 4, n° 2, 1995. |
||
International Affairs. |
||
|
"International diplomacy and the crisis in Kosovo", n° 74, 1998. |
|
|
"Bosnia the crime of appeasement", n° 74, 1998. |
|
International Crisis Group, reports. |
||
"The political crisis in the Republika Srpska", 27 May 1996. |
||
"Inventory of a windfall: Milosevic's gains from the Kosovo dialogue", 28 May 1998. |
||
"The view from Tirana: the Albanian dimension of the Kosovo crisis", 10 July 1998. |
||
"The Albanian question in Macedonia: implication of the Kosovo conflict for inter-ethnic relations in Macedonia", 11 August 1998. |
||
"State of the Balkans", 4 November 1998. |
||
"Milosevic: Déjà vu all over again?", 23 December 1998. |
||
"The state of Albania", 6 January 1999. |
||
"Kosovo: bite the bullet", 22 January 1999. |
||
"ICG Yugoslavia briefing", 28 January 1999. |
||
Nationalities . |
||
|
"Could a confederation have saved Yugoslavia.", vol 25, n° 3 , 1997. |
|
|
"The disintegration of Yugoslavia: the role of the political elites.", vol 25, n° 3 , 1997. |
|
|
"Yugoslavs vs. Serbs: Serbian national identity, 1961-1971.", vol 25, n° 3 , 1997. |
|
|
"The puzzle of Yugoslavia" , vol 25, n° 3 , 1997. |
|
"Anticipating the disintegration: nationalisms in former Yugoslavia, 1980-1990", vol 25, n° 3 , 1997. |
||
|
" The Badinter commission and the partition of Yugoslavia ", , vol 25, n° 3 , 1997. |
|
|
" The collapse and reconstruction of legitimacy : an introduction remark, , vol 25, n° 3 , 1997. |
|
|
"The building of Yugoslavia: the Yugoslav idea and the first common state of the south slaves", vol 25, n° 3 , 1997. |
|
Politiques Internationales. |
||
|
" La poudrière albanaise ", n° 76, 1997. |
|
|
" Le suicide de la Yougoslavie ", n° 63, 1994. |
|
|
" Défense européenne: le test bosniaque ", n° 72, 1996. |
|
|
" La nébuleuse serbe ", n°63, 1994. |
|
" Ex- Yougoslavie : le fiasco de la communauté internationale ", n° 68, 1995. |
||
" A près Dayton, le déluge ? ", n° 72, 1996. |
||
|
" Le roseau macédonien ", , n°62, 1993-94. |
|
|
" Ex- Yougoslavie : le tournant ?", n° 69, 1995. |
|
|
" La Bosnie survivra-t-elle ? ", n° 78, 1997- 98. |
|
|
" Albanie, le temps retrouvé ", n° 78, 1997- 98. |
|
|
" Résister à Milosevic ", n°63 ? 1994. |
|
Problem of postcommunism. |
||
" Constitutional nationalism and the logic of the wars in Yugoslavia, Sept Oct, 1996. |
||
The world today |
||
|
"Facing realities in Kosovo",. |
|
|
"Hoping for the best, planning for the worst: conflict in Kosovo", August-September 1996. |
|
|
"Christopher Hill's road show", January 1999. |
|
|
"Running late: but is Dayton still on track?", June 1996. |
|
"Plus ça change in former Yugoslavia?", October 1997. |
||
|
"Ten commandments' to cleanse the guilt in Bosnia", December 1996. |
|
|
"Plan for the Bosnians", January 1998. |
|
|
"Bearing more of the burden: in search of a European foreign and security policy", January 1996. |
|
|
"Beyond 'bookkeeping': bringing human rights to Bosnia", April 1996. |
|
|
"Still Europe's powder -keg", April 1997. |
|
|
"Polling towards a one-party state", July 1996. |
|
"We have been here before", April 1998. |
||
|
"Serbs 'demons' strike back", February 1997. |
|
|
"Doing better on Bosnia: enforce the law, protect rights", February 1997. |
|
|
"Doomed to remain a great power", January, 1996. |
|
|
"Putting ethics at the heart of Europe", March 1998. |
|
|
"NATO, Russia and the Yugoslav war", November 1995. |
|
|
"Partners in power: Milosevic and Markovic", July 1996. |
|
"Choosing the warpath", May 1998. |
||
|
"The best chance for peace in Bosnia", January 1996. |
|
Transitions. |
||
|
"In Serbia, tragedy without catharsis", July 1997. |
|
|
"Don't fool around with principles", August 1997. |
|
"Kosovo Albanian's |
||
|
"Closing the ranks", May 1998. |
|
|
"The worm that turned", July 1998. |
Working papers.
|
"The 1974 constitution as a factor in the collapse of Yugoslavia or as a sign of decaying totalitarism", EUI Working Paper RSC n°94/9, Florence 1994. |
|
"Privatisation in the disintegrating East European states. The case of former Yugoslavia.", EUI Working Paper RSC n°94/11, Florence 1994. |
|
" The impact of multilateralism on great power policy towards the break-up of Yugoslavia.", EUI Working Paper RSC n°94/16, Florence 1994. |
|
" Green paper on A System for Post-War South- East Europe ", CEPS, avril 1999. |
Quotidiens, hebdomadaires :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Sites Internet :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| |
|
|
|
|
|
Entretiens :
|
Responsable du centre culturel français, Podgorica, Monténégro. |
|
Prince héritier du Monténégro, Paris, France. |
|
Ministère des Affaires étrangères slovène |
|
Directeur International Crisis Group, Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. |
|
Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Albanie, Varsovie, Pologne. |
|
Directeur International Crisis Group, Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. |