COLLÈGE DES MÉDIATEURS | [assises] |
Collège des médiateurs 14, rue d'Assas 75006 Paris secrétariat : tél/fax 01 42 03 19 56 |
Le 18 novembre 1996 français / english |
Le problème de l'immigration est devenu, depuis vingt ans, un enjeu politique majeur dans les divers pays d'Europe occidentale et un défi pour les régimes démocratiques.
Sa juste solution, trop longtemps retardée par des politiques à courte vue, est désormais une priorité civique, face à une opinion désorientée et livrée aux tentations démagogiques.
Tous les citoyens d'Europe - aux premiers rangs, tous ceux qui sont en charge d'une responsabilité publique, ou investis d'une autorité morale à quelque titre que ce soit - doivent unir leurs efforts pour ouvrir la voie à une politique nouvelle tournée vers l'avenir.
Il s'agit, en préalable, de faire prendre conscience à tous de l'impasse où conduisent les politiques restrictives et répressives qui se sont peu à peu généralisées. De telles politiques, à la fois injustes et inefficaces, n'ont aucun effet durable et aggravent à terme les difficultés qu'elles prétendent maîtriser.
L'Europe n'est pas une citadelle assiégée qui n'aurait d'autre possibilité que de s'enfermer dans ses frontières comme derrière d'illusoires remparts.
Tout au contraire, un tel enfermement est incompatible avec la vocation universaliste de l'Europe, dans sa meilleure tradition, ainsi d'ailleurs qu'avec son intérêt de première puissance exportatrice mondiale.
L'honneur et le réalisme commandent une tout autre approche, qui doit se traduire en résolutions concrètes.
L'application toujours plus rigoureuse des politiques restrictives a eu pour effet d'accroître considérablement le nombre de personnes et de familles migrantes privées de toute existence légale et réduites à vivre dans l'angoisse permanente du lendemain.
Sans attendre les modifications législatives qui peuvent prendre du temps, il est indispensable de mettre fin sans plus tarder à des situations inhumaines, inacceptables dans un véritable Etat de droit.
Un moratoire des expulsions, la définition de critères de régularisations fondés sur l'équité, le recours à la médiation dans les cas les plus litigieux, sont les mesures transitoires les plus appropriées.
Là encore le climat de méfiance systématique à l'égard de certains étrangers a conduit à des conséquences inadmissibles.
L'asile doit être accordé à tous ceux qui doivent fuir leur pays devant la persécution qui les menace, que cette menace provienne de l'Etat lui-même ou qu'elle soit le résultat de sa carence. Plus largement, l'asile humanitaire doit être étendu, au-delà d'une définition pointilleuse de la persécution, aux cas d'extrême détresse.
Dans tous les cas, les risques encourus par les demandeurs d'asile doivent être appréciés avec réalisme et humanité, sans excès de juridisme soupçonneux et en tenant compte des difficultés de preuve inhérentes à de telles situations.
C'est en premier lieu la conception même de la législation applicable aux migrations qui doit être totalement remise en cause, et non seulement tel ou tel de ses effets.
L'esprit des textes actuels est resté largement discrétionnaire, faisant primer les obligations administratives toujours plus contraignantes et tracassières sur des droits toujours plus réduits et contestés.
C'est cette primauté qu'il y a lieu d'inverser radicalement.
D'où qu'il vienne et où qu'il soit, tout homme a des droits fondamentaux que tout Etat de droit se doit de respecter et de protéger.
La liberté d'aller et venir, celle de pouvoir trouver des moyens convenables d'existence, celle de pouvoir mener une vie personnelle et familiale normale, sont au premier rang de ces droits.
Les restrictions qui peuvent y être apportées ne sauraient être discriminatoires ou arbitraires et doivent se limiter à celles qu'imposent à tous les nécessités d'une société démocratique.
C'est dans cet esprit que peut et doit être recherchée la juste conciliation entre les droits des migrants et ceux des nationaux des pays d'accueil.
Il est en effet essentiel de ne pas dissocier la lutte pour les droits légitimes des migrants de l'action globale pour la protection et la promotion des droits de tous dans les domaines où ces droits sont principalement en question.
Il s'agit notamment :
Il s'agit encore d'assurer l'effectivité des droits des migrants par les garanties et recours appropriés, à savoir :
En ce qui concerne le développement, Il s'agit de donner l'impulsion nécessaire aux nouvelles formes de solidarité entre sociétés civiles du Nord et du Sud, particulièrement en assurant une mobilité accrue entre les communautés urbaines et rurales des pays d'émigration et les associations d'émigrés dans les pays d'accueil.
A l'heure de la mondialisation, la tentation du repli égoïste ne peut conduire qu'à l'isolement et au déclin.
C'est en se montrant exemplaire, tant dans la protection et la promotion des droits de l'homme pour tous ceux qui vivent sur son sol, que dans la recherche d'un véritable codéveloppement entre les divers continents, que l'Europe assurera son meilleur avenir.
Il revient à tous ceux qui croient en l'homme de relever lucidement et généreusement le défi !
Cet appel a été rédigé à l'initiative des vingt-six membres du Collège des médiateurs créé en avril 1996 au soutien du mouvement des « sans-papiers ».
Il a été rendu public le 18 novembre 1996 lors des ASSISES POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE DES MIGRATIONS tenues au Palais du Luxembourg.
Il est soumis à la signature de tous ceux et toutes celles qui
désirent en soutenir les orientations.
Envoyez vos signatures par e-mail à
Christiane Lejaut
christiane@mediateurs.eu.org,
avec comme sujet de votre message : APPEL_CITOYENS,
et en précisant vos noms, prénoms.