COLLÈGE DES MÉDIATEURS [assises]

ASSISES DE L'IMMIGRATION


Collège des médiateurs
14, rue d'Assas
75006 Paris
secrétariat : tél/fax 01 42 03 19 56


ENVOI

Paul Ricoeur

 
Le Collège des médiateurs, réuni à l'origine à la demande des Africains « sans papiers »; de Saint-Ambroise, tiendra le 18 novembre 1996 des Assises, qu'il a dénommées ASSISES POUR UNE POLITIQUE NOUVELLE DES MIGRATIONS.

Pour la tenue de ces Assises, notre Collège a voulu marquer que son rôle d'accompagnement des sans papiers, dans leur juste revendication d'accueil dans l'espace national français, ne pouvait se réduire à obtenir des pouvoirs publics des régularisations au cas par cas : celles qui ont été acquises se sont révélées, à la dure épreuve de l'expérience, n'être que des dérogations mal argumentées, voire non motivées, à la législation en vigueur concernant l'immigration. Or, dès le début de nos interventions, nous avons acquis la conviction que notre rôle devait être à plus long terme de contribuer à mettre à plat l'ensemble de la politique française à l'égard des étrangers. Le moment est venu de mettre à exécution ce projet. Ce faisant, nous entendons restituer au terme d'Assises son sens fort de refondation. Ce sont en effet les assises morales et juridiques du droit des étrangers, des conditions de leur accès à notre espace national et des modalités de leur accueil dans les lieux d'hébergement et de travail, qui sont à repenser et à reformuler.

Cette formulation a, bien entendu, une dimension juridique. Les Assises du 18 novembre seront l'occasion de présenter aux participants invités au débat les propositions issues des trois ateliers qui ont travaillé plusieurs mois sur les thèmes suivants : comment réformer la législation actuelle dans le cadre national sur la base de critères d'admission et d'accueil plus souples et plus cohérents ? Comment agir au niveau de l'Union Européenne en faveur d'une politique d'immigration digne des valeurs européennes proclamées ? Comment, enfin, coordonner au plan international l'amélioration des politiques de développement des pays d'émigration avec l'élargissement des politiques d'accueil des pays d'immigration ?

Mais, aussi importante que soit l'approche juridique, c'est au niveau des motivations morales, avouées ou dissimulées, régissant les dispositions des citoyens et des pouvoirs publics à l'égard des étrangers, que nous voulons porter le débat. Ce dernier a pour enjeu l'avenir dans notre pays des valeurs d'équité et d'hospitalité relevant des traditions les plus anciennes et les mieux partagées du peuple français. Nous disons d'abord équité : quand, en effet, nous proposons des critères plus larges de régularisation, ce n'est pas à une générosité gratuite que nous en appelons, mais à des droits dignes d'être revendiqués et argumentés. Mais nous disons aussi hospitalité : quand nous parlons plus haut d'accès à notre espace national et d'accueil concret sur les lieux d'hébergement et de travail, nous plaidons pour une disposition d'esprit diamétralement opposée à la suspicion, à l'hostilité, au rejet et finalement à la répression. Cette disposition à l'hospitalité, le philosophe Kant la définissait en ces termes il y a deux cents ans : « le droit qu'a un étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, à ne pas y être traité en ennemi », à quoi il ajoutait « le droit qu'a tout homme de se proposer comme membre de la société ».