[sans-papiers] |
« Nous, sans-papiers de France, avons décidé, en signant cet appel, de sortir de l'ombre. Désormais, en dépit des risques encourus, ce ne sont plus seulement nos visages mais aussi nos noms qui seront connus. Nous proclamons :
Comme tous les sans-papiers, nous sommes des gens comme tout le monde. Nous vivons parmi vous, pour la plupart, depuis des années. Nous sommes venus en France avec la volonté d'y travailler et parce qu'on nous avait dit qu'elle était la "patrie des droits de l'homme" : nous ne pouvions plus supporter la misère et l'oppression qui sévissait dans nos pays, nous voulions que nos enfants aient le ventre plein et nous rêvions de liberté. Nous sommes, en général, entré régulièrement sur le territoire français. Nous avons été rejetés arbitrairement dans l'illégalité par le durcissement de lois successives qui permettaient aux préfectures de ne plus renouveler nos titres de séjour et par les restrictions apportées au droit d'asile qui n'était plus accordé qu'au compte-gouttes. Nous payons nos impôts, nos loyers, nos charges... et nos cotisations sociales, lorsqu'on nous permet de travailler régulièrement ! Quand nous ne connaissons pas le chômage et la précarité, nous travaillons durement dans la confection, la maroquinerie, le bâtiment, la restauration, le nettoyage... Nous subissons les conditions de travail que nous imposent les entreprises et que vous pouvez refuser plus facilement que nous, car être des sans-papiers fait de nous des sans-droits. Nous savons que cela arrange beaucoup de monde. Nous produisons des richesses et nous enrichissons la France de nos diversités. Nous sommes parfois des célibataires qui permettons souvent à notre famille de survire au pays ; mais nous vivons fréquemment aussi avec nos conjoint(e)s et nos enfants nés en France ou venus tout petits. Nous avons donnés à nombre de ces enfants des prénoms français ; nous les envoyons à l'école de la République. Nous avons ouvert la voie qui devrait les conduire à l'acquisition de la nationalité française, que bien des Français, parmi les plus fiers de la détenir, tiennent eux-mêmes de parents ou de grand-parents nés à l'étrangers. Nous avons en France nos familles, mais aussi nos amis. Nous demandons des papiers pour ne plus être victimes de l'arbitraire des administrations, des employeurs et des propriétaires. Nous demandons des papiers pour ne plus être exposés à la délation et au chantage. Nous demandons des papiers pour ne plus subir l'humiliation des contrôles au faciès, les mises en rétention, les reconduites à la frontière, l'éclatement de nos familles, la peur perpétuelle. Le Premier ministre de la France avait promis que les familles ne seraient pas séparées : nous demandons que cette promesse soit enfin tenue et que l'expression réitérée des principes d'humanité par le gouvernement soit suivie d'effet. Nous demandons que les conventions européennes et internationales auxquelles a souscrit la République française soient respectées. Nous comptons sur le soutien d'un grand nombre de Français, dont les liobertés pourraient se trouver menacées si nos droits continuaient d'être ignorés. Puisque les exemples de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal, et à plusieurs reprises de la France même, démontrent qu'une régularisation globale est tou à fait possible, nous demandons notre régularisation. Nous ne sommes pas des cladestins. Nous apparaissons au grand jour. »
Le film est un plan fixe unique, sur le visage de Madjiguène Cissé, en gros plan et sur fond neutre (voir image ci-dessus). Madjiguène dit le texte du manifeste des sans-papiers ci-dessus. Défilent ensuite à l'écran, dans le générique de fin, les noms de 175 professionnels du cinéma qui soutiennent ce projet. Ce film est l'une des premières réalisations faisant suite au manifeste des 66 cinéastes du 11 février dernier.
Dans certaines salles de cinéma, on a la chance de voir ce court-métrage immédiatement précédé d'une publicité pour la compagnie Air France, dans laquelle un panel d'étrangers super-célèbres (Ray Charles, Woody Allen, etc.) défilent devant la caméra en déclarant d'un ton béat : « J'aime la France ! » C'est juste après cette publicité que Madjiguène apparaît à l'écran, pour expliquer sobrement, dans les termes du manifeste des sans-papiers ci-dessus, la réalité du traitement que l'on réserve aux étrangers en France... C'est génial !
PARIS