par Jean-Claude Barreau | [débat] |
DANS cette histoire des sans-papiers, on entend n'importe quoi.
Rappelons quelques réalités : il y avait jusqu'à ces derniers jours un accord général de la classe politique sur les flux migratoires. D'un côté l'immigration régulière est reconnue par ce gouvernement (Jean-Louis Debré l'a répété dans Ouest France ). Cela n'a pas toujours été le cas, en particulier quand le PS gouvernait. Il maintenait le mythe de « l'immigration zéro », et mon affirmation dans Le Monde du 10 octobre 1989 qu'il y avait une immigration régulière avait fait scandale. De l'autre côté, il y avait un accord général sur la nécessité de réduire au maximum l'immigration irrégulière. Cet accord semble menacé.
Certes, tous les chefs PS ont soin de dire qu'ils sont contre l'immigration irrégulière en général, mais en même temps, en particulier, ils s'indignent de toute reconduite concrète des étrangers. C'est de l'hypocrisie.
Enfin les électeurs approuvent massivement les lois Pasqua, qui sont des lois raisonnables (et non « cruelles », comme le dit Michel Rocard). Un sondage publié par Le Monde révèle que 67% des Français, dont la majorité des électeurs PC et PS, approuvent ces lois.
La démagogie des chefs PS est donc une démagogie suicidaire puisqu'elle va contre le sentiment de leurs électeurs et vise seulement à plaire à ce que M. Barre appelle le « microcosme ».
Dénonçons ensuite quelques sophismes : On les trouve tous rassemblés dans l'entretien accordé le matin du 27 août sur France-Inter par Daniel Vaillant, secrétaire national du PS. Je cite et explique : « Est-il intelligent de maintenir les enfants de 0 à 16 ans en situation d'étrangers alors qu'il faudrait qu'ils soient des petits français comme les autres ? » Mais, avant les lois Méhaignerie sur la nationalité, ces enfants étaient déjà des étrangers jusqu'à dix-huit ans. À cet âge, ils devenaient français sauf refus de leur part. Aujourd'hui, entre seize et vingt-et-un ans, ils ont le droit de devenir français par simple déclaration et ils le font massivement.
« Il y a le droit d'asile sur lequel il faut réfléchir. » Mais le droit d'asile dépend d'une convention internationale, et c'est Michel Rocard, en 1989, qui a réformé à juste titre l'Ofpra, l'office pour les demandeurs d'asile, lequel dépend du Quai d'Orsay. Remarquons que les avocats qui poussent des Maliens à demander l'asile les mènent dans l'impasse : le Mali est un pays démocratique et paisible.
Daniel Vaillant ajoute : « Vous le savez, les Algériens menacés ne peuvent bénéficier de l'asile. » Certes, puisque la convention de Genève ne prévoit que la persécution par les États et que ces Algériens sont menacés par des groupes de terroristes. Mais Daniel Vaillant se garde bien de dire que mille cinq cents Algériens menacés ont bénéficié de par la volonté des ministres de l'intérieur, MM. Pasqua et Debré, de cartes de séjour et de travail depuis deux ans.
Enfin, le secrétaire du PS déclare vouloir « permettre le regroupement familial alors qu'actuellement il y a des drames qui se nouent » Mais à part le délai pour le demandeur (deux ans au lieu d'un), les normes du regroupement familial fixées par le PS n'ont pas changé. Le demandeur doit être en situation régulière, disposer d'un logement convenable et d'un revenu égal au SMIC. Des dizaines de milliers de personnes entrent ainsi chaque année en France par cette procédure qui est gérée par l'Office des migrations, sous la tutelle des Affaires sociales et du travail (OMI). S'il faut accepter tous les regroupements familiaux sauvages, là aussi, mieux vaudrait supprimer l'OMI plutôt que de voir des centaines de fonctionnaires compétents travailler pour rien !
Voilà la réalité. J'ajoute que le droit français est le plus protecteur dans le monde pour les étrangers en situation irrégulière, d'où les difficultés qu'il y a à éloigner les sans-papiers, difficultés qui démoralisent la police.
L'immigration régulière n'est pas en cause, mais si nous voulons qu'elle soit acceptée des Français, il faut décourager l'irrégulière, surtout la récente. À ce sujet, les charters n'ont rien de honteux. Édith Cresson l'avait reconnu. Quand on essaye d'entrer sans ticket et qu'on se fait prendre, il n'est pas anormal d'être expulsé. D'ailleurs une vraie et rapide sévérité permettrait davantage de régularisations de gens établis depuis longtemps et de cas humanitaires.
Cette politique est simple. Elle a l'accord des Français. Il ne faut pas raconter n'importe quoi aux citoyens, il ne faut pas les culpabiliser. Il ne faut pas non plus donner de fausses espérances aux sans-papiers. La France est un pays ouvert et veut le rester. Cela ne signifie pas que n'importe qui puisse s'établir chez nous, au mépris des lois. Kofi Yamgnane le rappelait quand il était secrétaire d'État PS à l'intégration : « Bienvenue aux étrangers qui veulent respecter nos lois. Ceux qui s'y refusent n'ont qu'à rester chez eux. »