MONIQUE CHEMILLIER-GENDREAU* | [débat] |
LE MINISTRE de l'Intérieur appelant au respect de la vérité soutient qu'il faut « maîtriser » l'immigration en intensifiant les reconduites à la frontière. Bon enfant, il explique que nous n'avons rien contre les étrangers réguliers et que les certificats d'hébergement sont inoffensifs. Le « respect de la vérité » mérite quelques compléments. Exalter la loi suppose qu'elle soit juste et respectée par ceux-là mêmes qui s'y réfèrent. L'arbitraire et le désordre des procédures visibles après l'évacuation de Saint-Bernard sont accentués dans le projet actuel. Les immigrés réguliers voient leur intégration (que l'on prétend favoriser) menacée par l'aléa qui pèse désormais sur le renouvellement de leur carte de séjour de dix ans. La confusion est à son comble entre les étrangers entrés légalement mais devenus irréguliers et alors pourchassés et les clandestins attirés par des réseaux. Le Ministre de l'Intérieur accentue la répression sur les premiers. Ceux-là, par l'incessant ravaudage législatif et la réduction draconienne du droit d'asile, ont perdu des titres de séjour souvent très provisoires et sont menacés en permanence d'expulsion (persécutés auxquels on refuse le titre de réfugié, familles disloquées ou dans l'impossibilité d'exercer un simple droit de visite). Les clandestins n'entrent pas avec des certificats d'hébergement mais en payant des passeurs crapuleux bardés de complicités. Ils sont attirés par des employeurs avides de s'exonérer des charges sociales et du droit du travail. Seule leur régularisation conduirait les entreprises à cesser de les faire venir et rendrait sa cohérence au modèle social national.
En réalité, en entrant dans cette bataille, le peuple avec lucidité rappelle qu'il n'y a rien à maîtriser puisque l'immigration est stable depuis longtemps. Ainsi va l'inertie des hommes de pouvoir. Les nôtres sont encore dans une logique inutile d'expulsion. Le peuple pressent que nous sommes déjà dans le moment où la France va manquer d'étrangers. En manquer pour maintenir sa riche identité de brassage, pour donner le coup de fouet de populations jeunes à son économie, pour justifier son image et ses traditions d'ouverture, pour fonder son ambition de la francophonie.
Avançons jusqu'au moment où le gouvernement devra nous suivre et ne désignant plus les étrangers comme un danger sortira enfin le pays de la crise qui le frappe.