L'obsession du renvoi au mépris des droits de l'homme
Pour tous ceux dont on ne peut nier qu'ils sont bien ici, une partie d'entre eux ont dérivé dans l'irrégularité par la productivité accrue de cette activité spécifique de notre administration évoquée dans le paragraphe précédent. Feignant d'ignorer les chemins qui conduisent à la perte des « papiers », les responsables politiques stigmatisent ces personnes en les accusant de ne pas respecter nos lois et revendiquent le pouvoir de les renvoyer. Ils maintiennent ainsi leur discours au-dessus d'une sorte de trou noir où se serait perdue leur bonne foi. Subordonnés, pour le plus grand péril de notre société, aux thèses du Front national, les renvois qui sont assimilables à des congédiements de domestiques dont on n'a plus besoin, font l'objet de mises en scène minutieuses. Les départs en charters font plus d'effet car ils démontrent que les renvois sont massifs. La chose porte cependant en elle-même sa limite. Si l'on met de côté les retours spontanés, il reste une masse de personnes qui, en dépit des difficultés engendrées par l'absence de titres de séjour estiment que leur vie est ici. Elles ne partent donc que si on les y contraint. Or la contrainte à un coût, coût financier (qu'il serait intéressant de chiffrer) et surtout coût humain, aucun départ ne pouvant être organisé sans des violations plus ou moins lourdes des droits de l'homme. Voilà pourquoi les taux d'exécution des décisions de reconduites à la frontière n'ont jamais franchi le seuil d'un tiers, et encore dans les « bonnes » années. Ce taux a été plus fréquemment de 15 à 20% 1. Les discours se sont musclés, notamment de Charles Pasqua à Jean-Louis Debré qui s'enorgueillissait du nombre de « ses » charters, et avait recours si nécessaire à des procédés illégaux, comme de provoquer le sommeil artificiel des Africains reconduits pendant leur transport. La vérité est qu'il n'est pas possible d'aller plus loin en raison des limites physiques des centres de rétention, des incohérences de la loi, des dysfonctionnements entre administrations et des arguments humanitaires relayés par la presse. Pour forcer le rythme et renvoyer tous ceux qui sont tombés dans cette précarité, ce sont de véritables camps qu'il faudrait organiser.....
1 « Moins d'un tiers des reconduites à la frontière sont exécutées ». Le Monde. 1er août 1997.