Le piège est-il donc inéluctable ? La gauche - ce vocable ne débordant pas la gauche parlementaire -, est-elle condamnée à accompagner seulement de quelques mesures correctrices un alignement constant du coût du travail moyen sur celui du travail clandestin ? N'a-t-elle pas le devoir, si elle ne veut pas contribuer à effacer toute frontière entre les positions du libéralisme et les siennes, d'enrayer ce mouvement ? Est-il possible de soustraire à ceux qui en profitent ce marchepied de travailleurs étrangers clandestins ? Toutes les solutions proposées et mises en oeuvre jusqu'ici n'ont pu éviter le même cortège de méfaits : production d'étrangers en situation irrégulière, impossibilité de les reconduire en totalité, graves violations des droits de l'homme à l'occasion des refus de régularisations et plus encore lors des tentatives de reconduites qu'elles soient victorieuses ou pas. Devant ce tableau, ce qui paraît irresponsable, ce n'est pas d'en appeler à la régularisation générale, mais de refuser au moins de l'examiner comme une manière de sortir par en haut de l'épineuse question de l'immigration.
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La grande et difficile question reste celle de la prétendue protection de notre marché du travail. Cette protection est sans doute partie intégrante des nécessités d'une société démocratique. Mais pas dans les propos bâclés de Monsieur Tout le monde. Il faut démontrer, chiffres, exemples et arguments en main, que le marché du travail serait menacé par des étrangers prêts à venir, c'est-à-dire vérifier l'hypothèse de l'appel d'air. Si elle est invérifiable, il faut en faire litière car on ne peut construire une politique sur une crainte irraisonnée.