Dossier de parrainage
du collectif citoyen du Xème
IV- La reconduite à la frontière
De quoi s'agit-il ?
- C'est une décision par laquelle le préfet (à Paris, le préfet de police) vous oblige à quitter le territoire français.
- Il s'agit d'un arrêté préfectoral qui peut être immédiatement exécuté, sauf si vous formez un recours contre cet arrêté (voir plus loin pour les délais et les modalités des recours possibles).
Dans quels cas pouvez-vous être reconduit à la frontière ?
- Vous ne pouvez pas justifier être entré régulièrement sur le territoire français.
- Vous vous êtes maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de votre visa ou, si vous n'êtes pas soumis à l'obligation de visa, après l'expiration d'un délai de 3 mois à compter de votre entrée en France, sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré.
- La délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour vous a été refusé, ou si le titre dont vous disposiez vous a été retiré, et si vous vous êtes maintenu sur le territoire français au-delà d'un mois à compter de la date de notification de ce refus ou de ce retrait.
- Vous n'avez pas demandé le renouvellement de votre titre de séjour temporaire et si vous vous êtes maintenu sur le territoire français au-delà d'un mois suivant l'expiration de ce titre.
- Vous avez fait l'objet d'un retrait de votre titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement de votre titre, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés en raison d'une menace à l'ordre public.
- Vous êtes demandeur d'asile et on vous a refusé le séjour, ou bien retiré votre autorisation de séjour ou refusé son renouvellement.
- Vous avez pénétré ou si vous vous êtes maintenu sur le territoire français alors que vous étiez signalé aux fins de non admission en application d'une décision exécutoire prise par un autre État signataire de la convention de Schengen.
- Vous avez pénétré ou vous vous êtes maintenu sur le territoire français muni d'un visa ou dispensé de visa, ou encore titulaire d'un titre de séjour délivré dans l'un des États parties à la convention de Schengen, et si vous demeurez pendant plus de 3 mois sur le territoire français.
- Vous avez fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le vôtre.
Vers quel pays êtes-vous renvoyé ?
- Dans la majorité des cas, vous êtes renvoyé vers le pays dont vous avez la nationalité.
- Vous pouvez désigner le pays de votre choix, à condition d'y être admissible. Seul le pays dont vous avez la nationalité est tenu de vous accueillir.
- Le pays de renvoi doit être mentionné dans l'arrêté de reconduite ou bien dans la notification, afin de vous permettre de pouvoir le contester, notamment parce que votre vie ou votre liberté y seraient menacées, ou que vous seriez exposé à des traitements inhumains ou dégradants.
- La décision déterminant le pays de renvoi est distincte de celle décidant votre reconduite et peut faire l'objet d'un recours différent.
Vous êtes protégé contre la reconduite dans les cas suivants :
- Vous êtes étranger de moins de 18 ans.
- Vous êtes titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.
- Vous résidez habituellement en France, votre état de santé nécessite une prise en charge médicale, et votre départ pourrait entraîner des conséquences très graves (si vous ne pouvez bénéficier du traitement approprié dans votre pays de renvoi)
En outre, si vous êtes ressortissant de l'Union Européenne ou de l'Espace Economique Européen, en principe, vous ne pouvez pas être reconduit à la frontière mais une circulaire du 7 juin 1994 donne la possibilité au préfet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière. Le ministre de l'intérieur invite les préfectures à distinguer les ressortissants communautaires actifs ne pouvant être éloignés et les non actifs, qui peuvent être reconduits à la frontière.
La notification de l'arrêté de reconduite :
- Elle suit le plus souvent une invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois.
- L'arrêté de reconduite vous est notifié par écrit.
- Il doit préciser les motifs justifiant l'éloignement. Dans la pratique, la notification intervient le plus souvent dans 2 cas :
- A la suite d'un contrôle d'identité sur la voie publique ou d'une démarche administrative à la préfecture. Dans ce cas, vous pouvez immédiatement avertir un avocat, votre consulat ou une personne de votre choix.
- Par voie postale, sous pli recommandé avec accusé de réception.
Que se passe-t-il alors ?
- L'arrêté de reconduite à la frontière ne peut pas être exécuté avant un délai de 48 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou de 7 jours lorsqu'il est notifié par voie postale. En conséquence, vous ne serez pas immédiatement éloigné.
- Pendant ce délai, vous pouvez déposer un recours en annulation devant le tribunal administratif contre l'arrêté de reconduite à la frontière et/ou la décision fixant le pays de renvoi.
- Si vous formez un recours, vous ne pouvez pas être éloigné du territoire avant que le magistrat ait rendu une décision sur votre recours (on dit que ce recours est suspensif).
Quels sont les recours que vous pouvez exercer ?
- Un recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière. Vous pouvez déposer un seul recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière, si le pays de retour déterminé ne vous pose pas de difficulté.
- Un recours contre la décision fixant le pays de renvoi (éventuellement combiné avec le recours précédent) si vous estimez encourir des risques en cas de retour dans votre pays d'origine, vous pouvez déposer un recours contre la décision fixant le pays de destination. Ce recours contre la décision fixant le pays ne suspend l'exécution de la mesure d'éloignement que s'il est formé en même temps que le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière.
En conséquence, si vous vous contentez de déposer un seul recours contre la décision du pays de destination, vous pouvez être renvoyé dans votre pays d'origine. Nous vous conseillons donc de former les 2 recours en même temps
Vous pouvez également attaquer l'assignation à résidence ou la décision de rétention administrative (recours pour excès de pouvoir).
Quelles sont les modalités du recours ?
Le recours est fait par écrit, en un seul exemplaire. Il doit être rédigé en français. Il doit indiquer vos nom, prénom et adresse, ainsi que les arguments pour demander l'annulation de la reconduite et/ou de la décision fixant le pays de renvoi. Vous pouvez envoyer un fax. Vous pouvez également le déposer soit au greffe du tribunal administratif, soit auprès des services qui ont en charge la rétention administrative. Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se situe le préfet qui a pris l'arrêté de reconduite à la frontière (vous pouvez vous renseigner à la préfecture, auprès d'une association ou au greffe des tribunaux). Un récépissé vous est remis : il prouve que votre recours a bien été formé dans les délais. A Paris, il existe une boîte avec horodateur à l'entrée du tribunal administratif : elle permet d'y déposer le recours à toute heure du jour et de la nuit en obtenant un bordereau de dépôt, qui équivaut au récépissé.
Si vous êtes en rétention administrative, vous pouvez déposer le recours auprès de l'autorité en charge de la rétention ou au greffe du tribunal lorsque vous êtes présenté au juge pour la prolongation de votre rétention.
Quels sont les délais pour exercer le recours ?
48 heures suivant la notification (acte portant à votre connaissance la décision) de l'arrêté de reconduite lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les 7 jours lorsqu'il est notifié par voie postale. C'est la réception de votre recours qui compte, et non son envoi, c'est-à-dire que le tribunal administratif doit avoir reçu votre recours dans les délais ci-dessus.
Si le tribunal administratif le reçoit après les 48 heures ou les 7 jours suivant les cas, votre recours sera irrecevable. Les dimanches et jours fériés ne prolongent pas ce délai. D'une manière générale, pour être dans les délais requis, il est préférable soit de déposer votre recours, soit de l'envoyer par fax (c'est nécessaire les dimanche et jours fériés) plutôt que par la poste.
Vous devez conserver le bordereau d'émission du fax pour attester de la date et l'heure d'envoi (méfiez-vous tout de même du bordereau de télécopie, car il ne vaut pas preuve certaine devant la justice, puisque vous pouvez vous même régler l'heure et la date d'émission du télécopieur).
Où déposer votre recours ?
Le droit à un avocat :
- Il est possible d'être assisté d'un avocat, et si vous n'en avez pas, vous pouvez demander au président du tribunal administratif ou à son délégué de vous en désigner un d'office.
- Le juge ne peut alors statuer sans que votre avocat soit intervenu .
(Attention : les avocats ont très peu de temps pour préparer votre défense. Ils manquent souvent de preuves pour démontrer votre situation. D'une manière générale, si vous ou votre avocat n'avez pas assez de temps, vous pouvez demander au juge un renvoi de l'affaire à un autre jour).
Quels sont les arguments pour obtenir l'annulation de la reconduite ?
- Vous faites partie des catégories d'étrangers protégés contre la reconduite.
- En cas d'erreur de fait.
- Vous êtes en situation irrégulière en raison d'un refus de séjour, vous pouvez invoquer l'illégalité de ce refus. Le refus ne doit pas remonter à plus de 2 mois, sauf s'il a fait l'objet d'un recours dans les délais.
- Votre reconduite porterait une atteinte excessive à votre vie privée ou familiale en violation de l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ou encore elle risquerait d'entraîner des conséquences d'une gravité exceptionnelle.
- En vertu de l'article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, pour les demandeurs d'asile.
Quels arguments pouvez-vous invoquer pour obtenir l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ?
Comment êtes-vous informé de l'audience ?
Vous êtes convoqué personnellement, même si vous avez un avocat, sinon la procédure est irrégulière. La convocation se fait en général par courrier avec accusé de réception.
Comment se passe l'audience devant le juge ?
Le président du tribunal administratif statue dans les 48 heures à compter du recours. L'audience est publique et se déroule en votre présence, sauf si vous ne vous présentez pas. Le lieu de l'audience peut varier : tribunal administratif ou juridiction judiciaire la plus proche du centre de rétention. Au tribunal administratif de Paris, l'audience a lieu à la 4ème section, le lundi après-midi ou du mardi au samedi le matin. Le juge ne statue pas en robe ; il s'agit tout de même d'un véritable procès. Vous pouvez demander l'assistance d'un interprète. Vous avez le droit de voir votre dossier et à un avocat.
- Si le juge n'annule pas l'arrêté de reconduite à la frontière :
- L'administration peut exécuter immédiatement la mesure d'éloignement.
- Si l'Administration ne peut pas vous renvoyer immédiatement (absence de documents de voyage ou de vol à destination du pays, impossibilité de trouver un pays de renvoi), vous pouvez faire l'objet d'une mesure de maintien forcé : rétention administrative ou assignation à résidence.
ÞVous pouvez faire appel du jugement du tribunal, dans un délai d'un mois, devant le Conseil d'État. Cet appel n'empêche pas l'Administration de vous renvoyer immédiatement. Il faut savoir en outre que souvent la décision ne vous sera notifiée dans sa totalité qu'un ou deux mois après que les magistrats aient statué. Il se peut que vous soyez donc déjà reparti dans le pays de retour. La notification de la décision aura lieu alors à votre dernier domicile en France (ou à la mairie de ce dernier domicile). Il vous sera donc quasiment impossible de faire appel, si vous ne gardez pas des contacts en France qui vous transmettent la décision.
Pour éviter votre éloignement du territoire français, vous ou votre avocat pouvez déposer des "conclusions de sursis à exécution" entre les mains du juge d'appel. Il vous faut démontrer une particulière gravité et que les moyens soulevés sont de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière. Une situation familiale stable ou un mauvais état de santé nécessitant des soins réguliers peuvent justifier un sursis à exécution. En ce cas, vous ne serez pas immédiatement éloigné.
- Si le juge n'annule pas l'arrêté de reconduite à la frontière, mais annule la décision fixant le pays de renvoi :
- Vous serez renvoyé hors de France, mais l'Administration ne peut pas le faire immédiatement.
- Vous serez probablement assigné à résidence le temps que l'Administration trouve un pays de destination sûr.
- Si le juge annule l'arrêté de reconduite :
- Si le juge annule l'arrêté de reconduite en se prononçant sur le fond (c'est à dire sur l'expulsion), vous aurez une autorisation provisoire de séjour, mais le préfet peut faire appel de la décision du juge. Après annulation définitive de l'arrêté (c'est à dire après l'appel du préfet), vous pourrez demander la délivrance d'un titre de séjour temporaire avec autorisation de travail.
- Si le juge annule l'arrêté de reconduite pour vice de forme de la procédure, de l'arrestation, mais ne statue pas sur le fond, vous êtes libéré sans possibilité d'avoir des papiers et le préfet peut prendre contre vous un nouvel arrêté de reconduite à la frontière.
Comment se passe l'exécution de la reconduite à la frontière ?
- Soit vous êtes refoulé immédiatement : La reconduite peut être exécutée au bout de 48 heures après la notification de l'arrêté si elle a eu lieu par voie administrative ou 7 jours si elle a eu lieu par voie postale, dans le cas où elle n'a pas fait l'objet d'un recours, ou si le recours a été rejeté par le tribunal administratif (à moins que la décision fixant le pays de renvoi ait été elle-même annulée) ; même si vous faites appel, vous pouvez être éloigné (l'appel n'est pas suspensif). La reconduite peut être exécutée par la force.
- Soit vous refusez d'embarquer, et en ce cas vous risquez d'être condamné à une peine de prison. En ce cas, vous êtes jugé en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel. Vous encourez des sanctions graves : vous vous exposez à une condamnation à une peine d'emprisonnement pouvant atteindre 3 ans maximum et à une interdiction du territoire pouvant aller jusqu'à 10 ans.
- Soit vous êtes dans l'impossibilité de quitter immédiatement le territoire : vous pouvez être placé en rétention administrative ou être assigné à résidence.
Quels sont les effets de la reconduite à la frontière ?
Elle ne vous interdit pas de revenir en France, si vous remplissez les conditions nécessaires à une nouvelle entrée régulière. (Attention : vous aurez cependant des difficultés pour obtenir un nouveau visa pour la France) Vous ne pourrez pas revenir pendant le temps de l'interdiction, si la reconduite est assortie d'une interdiction administrative du territoire
Quelles sont les sanctions si vous restez en France alors que vous avez fait l'objet d'un arrêté de reconduite ?
Si vous vous êtes soustrait ou si vous avez tenté de vous soustraire à un arrêté de reconduite, si vous ne présentez pas à l'autorité administrative les documents de voyage lui permettant de vous renvoyer ou si vous lui dissimuler des renseignements nécessaires à votre reconduite ou encore si vous lui communiquez des renseignements inexacts sur votre identité, vous pouvez être condamné à une peine de prison pouvant aller jusqu'à 3 ans et à une peine d'interdiction du territoire pouvant aller jusqu'à 10 ans.