Mis à jour le mercredi 22 septembre 1999
Au détour d'un point de vue consacré à l'immigration et à la coopération pour le développement ( Le Monde du 31 août), Stéphane Hessel porte une accusation d'une extrême gravité à l'encontre du corps préfectoral et des personnels des préfectures. Ces fonctionnaires auraient, selon lui, appliqué les « textes » avec des « attitudes de soupçon et de rejet à l'égard de tout étranger dont la couleur de peau ou le maniement de notre langue le lui font apparaître d'emblée comme indésirable », au point de rendre ces textes inacceptables alors qu'ils auraient pu trouver grâce à ses yeux. Venant d'un interlocuteur de la qualité de Stéphane Hessel, la gravité et l'injustice d'une telle mise en cause nécessitent une réponse à partir des faits.
L'opinion de Stéphane Hessel appelle plusieurs remarques : le choix inédit d'une politique de réexamen de la situation des étrangers en situation irrégulière sur la base de critères a justement permis de limiter l'arbitraire en favorisant une appréciation des dossiers de régularisation à partir d'éléments objectifs. Le traitement des demandes, qu'il se soit appuyé sur la circulaire du 24 juin 1997 ou, depuis le 11 mai 1998, sur la loi votée par le Parlement, a reposé sur un examen de chaque situation humaine et sociale au regard des conditions fixées pour apprécier le degré d'insertion des ressortissants concernés dans la société française. C'est dans ce cadre que les collectifs, les associations ont pu exposer aux préfets tous les cas qui leur semblaient mal traités selon les critères de la circulaire puis de la loi.
Enfin, tous ceux qui se sont vu refuser la régularisation de leur situation ont pu bénéficier du droit commun des recours administratifs, gracieux, hiérarchiques ou contentieux. Plus de 50 000 recours ont pu être examinés, le travail des fonctionnaires des préfectures aura été pendant toute cette période soumis à tous les mécanismes de contrôle de l'Etat républicain mais aussi à celui des médias, qui ont pu aller voir, quand ils l'ont souhaité, comment fonctionnent les services des préfectures. Ces fonctionnaires sont aussi ceux qui instruisent les dossiers de demande de naturalisation aboutissant, chaque année, à l'accession à la nationalité française de près de 100 000 personnes.
Ce procès en racisme administratif qui est intenté aux membres du corps préfectoral et aux personnels des préfectures est d'autant plus aberrant que, contrairement aux incantations alarmistes que l'on a pu très largement entendre depuis juin 1997, la politique menée en matière d'immigration ne s'est pas accompagnée d'une montée du racisme au sein de la société française. Tout au contraire.
Je me dois enfin de rappeler à ceux qui veulent mettre en doute la probité de ces fonctionnaires des préfectures que rien ne les différencie de nos concitoyens, si ce n'est qu'ils sont recrutés par concours, plus syndiqués et plus diplômés que la moyenne des salariés français. Autant de critères qui - selon l'étude déjà citée - les classent parmi les catégories les moins touchées par le fléau du racisme dont ils sont au demeurant souvent victimes. Je pense notamment à nos compatriotes d'outre-mer travaillant aux guichets de certaines administrations.
La République n'est pas seulement un Etat de droit, mais aussi une idée et des valeurs qu'il faut faire vivre à chaque instant. Notre pays peut, je crois, être fier d'avoir à son service un corps de hauts fonctionnaires de l'administration préfectorale et des fonctionnaires de préfecture qui, avec honneur et probité, assurent la défense de sa devise et de ses valeurs parfois au péril de leur vie. Les mettre en cause de manière insidieuse n'est pas digne de Stéphane Hessel.