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Il est grand temps d'octroyer aux résidents étrangers des droits correspondant à leurs devoirs.

Eligibilité pour les immigrés

Par MICHEL DESTOT
Michel Destot est député et maire (PS) de Grenoble.

Le jeudi 2 décembre 1999

 Al'heure où le débat concernant la mondialisation s'intensifie, la France se doit d'adresser aux populations étrangères qui résident régulièrement sur son territoire depuis plusieurs années un nouveau signal d'ouverture. Aux décennies précédentes, qui ont vu nombre de nos concitoyens céder au repli sur soi du fait notamment de la crise économique, succède maintenant, du moins l'espère-t-on, une période où la croissance et le développement technologique entraîneront l'acceptation du caractère éminemment cosmopolite de notre société.

Le gouvernement, grâce aux lois Chevènement et Guigou, a déjà largement répondu aux questions de l'accueil des populations étrangères et de l'accès à la nationalité, réussissant la gageure de dépassionner un débat largement irrationnel. Il doit maintenant octroyer aux résidents hors Union européenne des droits correspondant à leurs devoirs. C'est l'essence même du pacte républicain français, que rappelait Lionel Jospin dans son discours de politique générale : le «vouloir-vivre ensemble», ce sont autant des devoirs que des droits partagés. Les étrangers non communautaires travaillent, cotisent, paient des impôts; ils apportent indéniablement beaucoup sur le plan économique, social et culturel à notre société. Ouverte - c'est un fait - sur le monde, celle-ci ne peut réserver l'exercice de la citoyenneté aux seuls nationaux. Le droit de vote et l'éligibilité aux assemblées locales des membres de l'Union européenne a constitué une avancée majeure, mais encore insuffisante pour prendre en compte la diversité de la population.

Grenoble a été une ville pionnière de la participation des habitants à l'élaboration des politiques publiques. Le maillage très dense de ses associations, le rôle joué par les unions de quartier ont fondé nombre d'expériences de démocratie participative. Avec plus de 600 réunions publiques depuis 1995, la nomination d'élus de secteur, la création d'un conseil de la démocratie participative, etc., la municipalité que je conduis s'est dotée de nombreux outils. Pourtant, dans une ville aussi cosmopolite que Grenoble, qui compte plus de quarante communautés, la participation des quelque 8 000 résidents étrangers n'était pas satisfaisante.

C'est pourquoi, après avoir adhéré à la Convention de Barcelone pour les droits de l'homme, nous venons de nous doter d'un conseil consultatif des résidents étrangers. Composé de membres non communautaires désignés à titre individuel par les associations, il est chargé d'organiser la participation des résidents étrangers et d'émettre des avis sur la politique municipale. C'est une avancée importante mais elle n'est pas pour autant suffisante : la véritable participation démocratique c'est le vote et son corollaire, l'éligibilité. Ce ne sont pas les quelques expériences locales similaires qui peuvent masquer ce manque cruel pour notre démocratie.

Depuis plus de 20 ans, la gauche en a pris conscience. Si elle a permis, en 1982, aux résidents étrangers d'être responsables associatifs, elle a sans cesse différé, parfois par pusillanimité, parfois du fait du contexte politique, l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux élections locales. Aujourd'hui, nous n'avons plus d'excuse. Des événements récents, sportifs notamment, ont montré que l'heure du repli sur soi est passée. Il est grand temps de montrer à nos partenaires internationaux que loin de fuir ou de nier la mondialisation, la France la prend, enfin, pleinement en compte.

 

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