A paraître dans Plein Droit no 34. Suite de la chrono commencée dans Plein Droit no 32 ("Sans frontières").
Une circulaire du ministère de l'intérieur invite les préfets à régulariser les parents étrangers d'enfants français : c'est la troisième en ce sens depuis le 5 mai 1995.
Dans une allocution télévisée, Jacques Chirac, président de la République, revendique à propos des sans-papiers l'envoi d'un "signal fort" en direction des populations africaines.
A Paris : les grévistes de la faim du Collectif de
Saint-Hippolyte cessent leur mouvement après 20 jours de jeûne.
A Paris : première nuit de solidarité avec les sans
papiers de Saint-Bernard, dont un grand nombre devient expulsable à
partir du 2 août 1996.
Dans l'après-midi le ministre de l'intérieur a proposé de
rencontrer Fodé Sylla (SOS Racisme), Henri Leclerc (Ligue des Droits de
l'Homme) et une délégation du Collège des
médiateurs ; le rendez-vous de ces derniers est annulé, car ils
n'acceptaient de rencontrer le ministre qu'accompagnés des
représentants des sans-papiers de Saint-Bernard.
Le soir, un rassemblement de protestation est organisé sur le parvis de
Notre-Dame.
Dans une allocution télévisée, Alain Juppé
déclare que cet avis s'inscrit dans le sens de l'action du gouvernement.
Pour sa part, Jean-Louis Debré affirme qu'il n'est pas question de
séparer des hommes et des femmes de leurs enfants.
Le soir, une manifestation de protestation réunit environ 15.000
personnes entre la place de la République et la place de la Nation. 5.000
manifestants la prolongent jusqu'au centre de rétention de Vincennes aux
cris de "libérons les sans-papiers". Devant le centre, les affrontements
avec les forces de l'ordre durent jusque tard dans la nuit.
Dans l'Essonne : création d'un Collectif 91 de
sans-papiers. Un
rassemblement a lieu devant la préfecture, à Evry.
A Nancy : manifestation de soutien aux sans-papiers, place
Maginot.
Dans les Hauts-de-Seine : une centaine de personnes, membres du
collectif des Hauts-de-Seine s'installent dans un local municipal
inoccupé de Colombes, entendant en faire la "Maison des sans-papiers" du
département.
Une coordination régionale de sans-papiers Languedoc-Roussillon se met
en place.
Un Collectif de maires d'Ile-de-France lance une "Adresse au Premier ministre",
dans laquelle sont soutenues les propositions du Collège des
médiateurs à l'égard des sans-papiers. Ils demandent
"un renouvellement complet de la politique à l'égard des
étrangers, qui transcende les clivages partisans et les calculs
politiciens à courte vue, et respecte les engagements de la France en
matière de droits de l'Homme".
Un rassemblement de sans-papiers est organisé devant le Sénat,
où se déroulent des Assises.
Des "sans-papières" se rassemblent à proximité de
l'Élysée, afin d'interpeller Jacques Chirac sur leur situation.
Elles décident de revenir toutes les semaines, « comme les
Folles
de mai en Argentine ».
Le soir, un rassemblement de protestation se tient devant la préfecture
de police.
Le Collectif des Hauts-de-Seine occupe à titre symbolique, pendant
quelques heures, la Maison des Français à l'étranger, dans
le XVIe arrondissement
Dans les Hauts-de-Seine : les quatre sans-papières en
grève de la faim depuis le 21 décembre 1996 cessent leur
mouvement.
Trois d'entre elles ont obtenu la régularisation de leur situation, la
quatrième est placée sous autorisation provisoire de
séjour pour soins.
Un meeting de la Coordination régionale Ile-de-France des
sans-papiers rassemble 200 à 300 personnes à la Bourse du travail
à Paris.
Dans la journée, Jacques Chirac reçoit le président
de SOS Racisme, Fodé Sylla, et annonce par son intermédiaire que
les situations des familles de Saint-Bernard seront réexaminées
au cas par cas. Il avait refusé, dans un courrier du 29 juillet 1996, une
audience aux médiateurs.
A Paris : un défilé organisé en soutien aux
grévistes de la faim de la Tour Eiffel au parvis des Droits de l'Homme,
place du Trocadéro, rassemble entre 1.000 et 2.000 personnes.
Le Parti socialiste demande au gouvernement de
« réexaminer sa position »
sur les expulsions d'immigrés sans-papiers.
A Paris : à l'aube du 39ème jour de jeûne,
les dix grévistes de la faim de Saint-Bernard sont emmenés de
force, par la police, dans différents hôpitaux parisiens. Ils
rejoindront tous l'église, par leurs propres moyens, dans la
journée.
A Paris : toutes les nuits, des centaines de personnes veillent
en solidarité avec les Saint-Bernard, devant et à
l'intérieur de l'église dont l'évacuation par la force est
considérée comme imminente. Les sans-papiers reçoivent la
visite de nombreuses personnalités, dont certaines restent veiller la
nuit.
Six syndicats de personnels d'Air France (CFDT, SNPIT, CGT, UGICT,
SNPNC, USPNT) annoncent qu'ils sont opposés à toute utilisation
des appareils de la compagnie aérienne pour des expulsions de
sans-papiers.
Lionel Jospin lance un appel à la négociation pour un
règlement du dossier des Saint-Bernard. Dans le week-end, Alain
Juppé, Jean-Louis Debré et Eric Raoult réaffirment le
refus de toute négociation de la part du gouvernement.
Dans un appel commun au président de la République, la
CGT, la CFDT, la FEN et la FSU demandent à celui-ci d'ouvrir des
négociations directes avec les sans-papiers et de geler les
expulsions.
Gilles de Robien, président du groupe UDF à
l'Assemblée nationale, reçoit une délégation des
sans-papiers de Saint-Bernard et annonce la mise en place d'une commission
parlementaire pour tenter de débloquer la situation.
Le premier ministre réunit neuf ministres pour examiner le
dossier des Saint-Bernard. Le ministre de l'intérieur reçoit,
dans l'après-midi, trois délégués des
Saint-Bernard, et saisit le Conseil d'État sur les modalités
d'application de la législation sur les étrangers.
Le Conseil d'État rend son avis : il rappelle que s'il n'existe
pas un "droit à la régularisation, expression contradictoire
en elle-même", le pouvoir d'appréciation dont dispose
l'administration lui permet de prendre des mesures justifiées par la
situation particulière dans laquelle se trouve le demandeur.
A Paris : à 7 heures 30, les forces de l'ordre (environ
1500 hommes) enfoncent les portes de l'église Saint-Bernard et
évacuent par la force les 300 sans-papiers ainsi que de nombreuses
personnes qui occupaient l'église par solidarité. Aux "soutiens",
il est demandé de choisir entre la dispersion ou l'arrestation, sauf
à ceux d'entre eux qui, ayant la peau noire, sont d'office
emmenés dans des cars, avec les sans-papiers, vers le centre de
rétention de Vincennes.
A Paris : quatre Saint-Bernard sont renvoyés au Mali,
parmi lesquels deux pères de famille. Pour les autres, "marathon
judiciaire" : la plupart des procédures de rétention sont
annulées par les juges judiciaires, et le tribunal administratif examine
à la chaîne les recours formés contre les
arrêtés de reconduite à la frontière. La
majorité des Saint-Bernard sont remis en liberté. Huit d'entre
eux sont poursuivis en correctionnelle. Le groupe trouve refuge, une nouvelle
fois, à la Cartoucherie de Vincennes.
Dans de nombreuses villes en France (Bordeaux, Marseille, Toulouse...)
se déroulent des manifestations de soutien aux sans-papiers. A Paris, le
cortège rassemble plus de 15.000 personnes.
A Paris : création du "3ème Collectif de
sans-papiers" (après ceux de Saint-Ambroise et de Saint-Hippolyte), au
sein duquel sont rassemblées vingt-sept nationalités, parmi
lesquelles beaucoup d'Asiatiques, dont la première manifestation
publique est l'occupation des locaux du service des étrangers de la rue
d'Aubervilliers (bureau annexe de la préfecture de police de Paris). Au
bout de plusieurs heures d'occupation, une délégation est
reçue par le sous-directeur de l'administration des étrangers,
qui invite les délégués à lui soumettre des
propositions.
A Paris : les sans-papiers de Saint-Bernard quittent la
Cartoucherie pour s'installer dans des locaux syndicaux de la BNP, rue du
Faubourg Poissonnière dans le Xe arrondissement.
Manifestation de soutien aux sans-papiers à Strasbourg, devant le
Parlement européen. Une délégation composée de
représentants de plusieurs collectifs de sans-papiers est reçue
par des parlementaires européens.
Les députés européens adoptent une
résolution extrêmement critique sur l'évolution des lois
sur l'immigration, l'attitude de la France à l'égard des
sans-papiers, réaffirmant "la nécessité de garantir en
toutes circonstances le respect des droits de l'homme ainsi qu'un traitement
humain des immigrés en situation irrégulière".
A l'appel de la Coordination nationale des sans-papiers, journée de
manifestations de sans-papiers dans plusieurs villes de France. A Paris,
près de 20.000 personnes défilent entre la place de la
République et la porte de Pantin. Tous les collectifs de la
région parisienne sont représentés, ainsi que des
organisations syndicales et des partis de gauche.
Le Troisième collectif dépose à la
préfecture de police de Paris un memorandum proposant des
critères de régularisation, qui recoupent grosso modo les
dix critères des médiateurs.
En Seine-Saint-Denis : le Collectif du 93 sillonne les communes
du département dans une "caravane des sans-papiers", pour faire
connaître ses revendications.
A Paris : Fofana Amara, l'un des sans-papiers qui avaient fait 21
jours de grève de la faim au mois de juin, lorsque les Saint-Bernard
occupaient le local de la rue Pajol, décède d'un cancer du
foie.
A Paris : à titre symbolique, les Saint-Bernard occupent
pendant une journée l'église dont ils ont été
évacués de force le 23 août 1996.
A Paris : n'ayant reçu aucune réponse de la
préfecture de police de Paris à son mémorandum, le
troisième collectif tente d'investir les locaux de la préfecture
boulevard Sébastopol. Deux cents personnes, parmi lesquelles de nombreux
Chinois, sont interpellées. Vingt sont maintenues en garde à vue.
Cinq ressortissants turcs seront reconduits à la frontière.
A Lille : vingt-six sans-papiers de Lille ont mis un terme
à la grève de la faim qu'ils observaient depuis vingt-six jours :
ils ont obtenu de la préfecture l'engagement de la régularisation
de trente situations et le réexamen des nombreux dossiers en attente de
régularisation.
Le conseil des ministres adopte le projet "Debré" de modification
de l'ordonnance du 2 novembre 1996 1945 sur les étrangers. Le projet
prévoit notamment la délivrance de cartes de séjour
temporaires censée régler la situation de certains sans-papiers,
ainsi que le durcissement des procédures d'éloignement. Le projet
doit être soumis avant la fin de l'année 1996 à
l'Assemblée nationale.
A Marseille : manifestation de soutien aux sans-papiers, puis
départ d'une caravane qui doit arriver à Lyon, en passant par
Nîmes, Avignon, Valence, et Villefranche-sur-Saône.
A Paris : à l'initiative du collectif "Des papiers pour
tous", de nombreux sans-papiers, essentiellement membres du Troisième
collectif, s'invitent par surprise à une réunion organisée
par le mouvement zapatiste au théâtre de l'Odéon.
Après quelques remous, un dialogue s'instaure et les sans-papiers
rejoignent le métro, protégés des forces de l'ordre
présentes en nombre par une haie formée par le public du
théâtre.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme rend un avis
très négatif sur le projet de loi Debré.
A Grenoble : à l'initiative d'associations de la
région, organisation d'un "Forum pour une nouvelle politique
d'immigration", reprenant les axes définis par les médiateurs.
Des sans-papiers participent au débat.
A Paris : en présence de deux cent cinquante personnes,
les médiateurs des sans-papiers de Saint-Bernard tiennent les Assises de
l'immigration, au cours desquelles ils présentent le bilan de leur
réflexion sur les questions posées par les mouvements des
sans-papiers, et formulent quelques propositions pour une nouvelle politique
d'immigration.
A Paris : des femmes sans-papiers, venant des différents
collectifs de la région parisienne, se rassemblent devant la mairie du
XIe arrondissement à l'occasion de la journée internationale des
droits de l'enfant.
A Paris : à l'appel de la Coordination nationale, une
manifestation rassemblant 2.000 à 3.000 personnes est organisée
pour marquer la fin du parcours de la caravane des sans-papiers qui a
sillonné la région parisienne.
Dans les Hauts-de-Seine : "découverte" par le collectif
des Hauts-de-Seine, l'existence d'un centre de rétention "sauvage" au
port de Gennevilliers est révélée. Ce centre,
installé dans les locaux de la brigade canine, et qui offre des
conditions extrêmement précaires d'hébergement aux
étrangers qui y sont placés, est utilisé depuis 1994 pour
désengorger les autres centres de la région parisienne lorsqu'ils
sont saturés.
Dans le Val d'Oise : une journée de soutien aux
sans-papiers est organisée à Argenteuil, marquée notamment
par une rencontre avec la municipalité et une autre avec les
syndicats.
Dans les Hauts-de-Seine : une manifestation est organisée
devant le centre de rétention du port de Gennevilliers.
A l'appel de la Coordination nationale, des manifestants
(essentiellement des sans-papiers) se regroupent devant l'Assemblée
nationale, où commence la discussion sur le projet de loi
Debré.
La caravane des sans-papiers traverse le nord de la France. Elle part de
Strasbourg pour arriver à Paris, en passant par Nancy,
Châlons-sur-Marne, Lille, Amiens et Rouen.
Dans les Hauts-de-Seine : quatre mères de famille du
Collectif des Hauts-de-Seine entament une grève de la faim pour
protester contre l'arbitraire des réponses de la préfecture des
Hauts-de-Seine aux demandes de régularisation qui lui ont
été soumises.
En Seine-Saint-Denis : un jeûne de soutien aux
sans-papiers est
organisé pendant quarante-huit heures à la salle paroissiale de
la basilique Saint-Denis. Trois cents personnes y participent, venus de tous
les collectifs de la région parisienne.1997
A Paris : plusieurs dizaines de manifestants tentent sans
succès d'empêcher à l'aéroport Roissy Charles de
Gaulle que soient embarqués deux sans-papiers de Saint-Bernard.
A Paris : les dix anciens grévistes de la faim de
Saint-Bernard, excédés de n'avoir aucune réponse de
l'administration sur leur dossier à l'examen depuis l'évacuation
de l'église, se rendent à la préfecture de police. Cinq
d'entre eux y sont interpellés et placés en rétention. Le
ministère de l'intérieur fait savoir son intention de les
renvoyer.
A Paris : les cinq Saint-Bernard arrêtés la veille
sont mis dans un avion à destination du Mali. Deux d'entre eux, qui
manifestent énergiquement leur refus, sont débarqués avant
le décollage à la demande du commandant de bord. Ils expliqueront
que si leurs camarades n'ont pas connu le même sort, c'est parce qu'ils
avaient été drogués et n'étaient plus en mesure de
se débattre. Les deux rescapés, Camara Sema et Lamine Dembele,
sont mis en liberté dans la soirée par le juge de la
rétention (35 bis) devant lequel ils avaient été
déférés par la préfecture qui souhaitait pouvoir
les maintenir en rétention.
A Paris : à la suite d'un rassemblement de protestation
contre l'expulsion des trois anciens grévistes de Saint-Bernard, un
meeting surprise est improvisé dans les locaux du centre Georges
Pompidou, plateau Beaubourg.
A l'appel de la Coordination nationale des sans-papiers, 4.000 personnes
manifestent à Paris de la place d'Italie jusqu'aux abords du
Sénat, où doit bientôt être discuté le projet
Debré sur l'immigration, durci par les députés en
première lecture.
Associations, syndicats, partis et Coordination nationale des
sans-papiers rassemblent un millier de personnes devant le Sénat,
où commence l'examen du projet Debré. Quelques sénateurs
viennent se joindre à eux au cours d'une interruption de séance,
et reçoivent une délégation des sans-papiers.
A Paris : les sans-papières, qui poursuivent leur
mouvement de protestation hebdomadaire près de l'Élysée,
tentent de s'approcher du domicile de Claude Chirac, fille du président
de la République, qui a déclaré récemment que
l'affaire de Saint-Bernard était un des événements majeurs
de l'année 96. Une quarantaine de manifestants, français et
sans-papiers, sont interpellés et placés en garde à vue
jusqu'au soir.