Sans-papiers

PAR STÉPHANE HESSEL, pour le collège des médiateurs [collège]


Le Figaro  du 3 février 1997 (Opinions).

[Le spectacle d'hommes, de femmes et d'enfants africains houspillés, bousculés, tabassés, détenus, embarqués contre leur gré dans des avions par des forces de police, alors que leur seule arme est leur aspiration acharnée et solidaire à poursuivre leur vie dans notre pays, parce que c'est là où ils ont désormais leurs racines, ce spectacle suscite tour à tour tristesse et indignation.] (paragraphe non reproduit dans le journal)

Depuis le mois d'avril dernier, notre Collège - où se retrouvent certains des meilleurs spécialistes des questions de l'immigration - a soumis aux pouvoirs publics des propositions susceptibles d'apporter une réponse humaine à une situation qui n'a cessé de se détériorer. Elle a entraîné des grèves de la faim menées avec détermination par des hommes victimes des complexités de notre législation sur les étrangers mais conscients de leurs droits parce que, descendants de compatriotes qui ont versé leur sang pour la libération de la France, ils ne demandent qu'à y résider dans la légalité.

Pour autant, il ne s'agissait pas de proposer une ouverture sans contrôle de nos frontières à tous ceux que l'angoisse ou la misère incitait à chercher sur une terre supposée accueillante la réponse à leurs difficultés. La crise économique, avec l'aggravation des situations d'exclusion qu'elle entraîne, impose aux flux migratoires une régulation intelligente.

Notre Collège a présenté à cet effet deux séries de propositions : à moyen terme la révision, en France et en Europe, d'une politique des migrations incompatible avec les engagements internationaux souscrits par nos gouvernements et inefficace dans sa mise en oeuvre ; dans l'immédiat, la mise en place d'une procédure permettant la régularisation, selon des critères clairs et précis, des « sans papiers » qui ont pris leur destinée en main courageusement et dont l'insertion dans la société française ne pose pas de problème. Cette procédure, reprise à son compte par la Commission Consultative Nationale pour les Droits de l'Homme, dans ses avis des 12 septembre et 14 novembre 1996, met en jeu, en cas de litige, l'autorité du Médiateur de la République. A l'heure où le Président de la République proclame que l'année 1997 sera celle de la tolérance et de la médiation, nous ne comprendrions pas qu'il s'obstine à refuser nos propositions.

Pour le collège des médiateurs
Stéphane HESSEL,
ambassadeur de France, Paris


Ce texte a été envoyée au Figaro  le 13 janvier 1997 (après l'expulsion sous chloroforme de trois ex-grévistes de la faim) accompagné de la lettre suivante :
 
Paris, le 13 janvier 1997
Monsieur Franz-Olivier Giesbert
Directeur de la Rédaction
Le Figaro
37, rue du Louvre
75081 Paris Cedex 02

Cher Franz-Olivier Giesbert,

J'apprécierais beaucoup que vous acceptiez de faire place dans vos colonnes à ce texte du « Collège des médiateurs pour les Sans papiers de Saint Bernard » qui s'efforce d'expliquer les raisons de notre désarroi face à un problème souvent mal compris et actuellement mal réglé et pour la solution duquel l'appui d'une opinion publique mieux informée comme le sont vos lecteurs, peut avoir une réelle efficacité. Encore faut-il ne pas lui présenter seulement des protestations indignées, mais encore des arguments convaincants et l'amorce d'une procédure compatible avec le respect de la dignité de l'homme.

En vous remerciant à l'avance de ce qu'il vous paraîtra possible de faire, je vous prie de croire, cher Franz-Olivier Giesbert, à l'assurance de ma considération la plus cordiale.

Stéphane Hessel

Collège des Médiateurs
14, rue d'Assas 75006 Paris
tél/fax 01 42 03 19 56


Courrier des lecteurs

 
D.H.,
33000 Bordeaux. (Plusieurs lettres)

Solange BERTHEAU,
94160 Saint-Mandé.
René GROS,
66000 Perpignan.