PAR STÉPHANE HESSEL, pour le collège des médiateurs | [collège] |
[Le spectacle d'hommes, de femmes et d'enfants africains houspillés, bousculés, tabassés, détenus, embarqués contre leur gré dans des avions par des forces de police, alors que leur seule arme est leur aspiration acharnée et solidaire à poursuivre leur vie dans notre pays, parce que c'est là où ils ont désormais leurs racines, ce spectacle suscite tour à tour tristesse et indignation.] (paragraphe non reproduit dans le journal)
Depuis le mois d'avril dernier, notre Collège - où se retrouvent certains des meilleurs spécialistes des questions de l'immigration - a soumis aux pouvoirs publics des propositions susceptibles d'apporter une réponse humaine à une situation qui n'a cessé de se détériorer. Elle a entraîné des grèves de la faim menées avec détermination par des hommes victimes des complexités de notre législation sur les étrangers mais conscients de leurs droits parce que, descendants de compatriotes qui ont versé leur sang pour la libération de la France, ils ne demandent qu'à y résider dans la légalité.
Pour autant, il ne s'agissait pas de proposer une ouverture sans contrôle de nos frontières à tous ceux que l'angoisse ou la misère incitait à chercher sur une terre supposée accueillante la réponse à leurs difficultés. La crise économique, avec l'aggravation des situations d'exclusion qu'elle entraîne, impose aux flux migratoires une régulation intelligente.
Notre Collège a présenté à cet effet deux séries de propositions : à moyen terme la révision, en France et en Europe, d'une politique des migrations incompatible avec les engagements internationaux souscrits par nos gouvernements et inefficace dans sa mise en oeuvre ; dans l'immédiat, la mise en place d'une procédure permettant la régularisation, selon des critères clairs et précis, des « sans papiers » qui ont pris leur destinée en main courageusement et dont l'insertion dans la société française ne pose pas de problème. Cette procédure, reprise à son compte par la Commission Consultative Nationale pour les Droits de l'Homme, dans ses avis des 12 septembre et 14 novembre 1996, met en jeu, en cas de litige, l'autorité du Médiateur de la République. A l'heure où le Président de la République proclame que l'année 1997 sera celle de la tolérance et de la médiation, nous ne comprendrions pas qu'il s'obstine à refuser nos propositions.
Pour le collège des médiateurs Stéphane HESSEL, ambassadeur de France, Paris |
Paris, le 13 janvier 1997 Monsieur Franz-Olivier Giesbert Directeur de la Rédaction Le Figaro 37, rue du Louvre 75081 Paris Cedex 02
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J'apprécierais beaucoup que vous acceptiez de faire place dans vos colonnes à ce texte du « Collège des médiateurs pour les Sans papiers de Saint Bernard » qui s'efforce d'expliquer les raisons de notre désarroi face à un problème souvent mal compris et actuellement mal réglé et pour la solution duquel l'appui d'une opinion publique mieux informée comme le sont vos lecteurs, peut avoir une réelle efficacité. Encore faut-il ne pas lui présenter seulement des protestations indignées, mais encore des arguments convaincants et l'amorce d'une procédure compatible avec le respect de la dignité de l'homme.
En vous remerciant à l'avance de ce qu'il vous paraîtra possible de faire, je vous prie de croire, cher Franz-Olivier Giesbert, à l'assurance de ma considération la plus cordiale.
Stéphane Hessel
Collège des Médiateurs
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M. Hessel, dans son article « Sans-papiers », (« Opinions » du 3 février), utilise un procédé visant à faire apparaître le pouvoir politique comme mesquin et sans coeur (il lui serait si facile de régulariser !) : comme si la question se réduisait à l'attribution de papiers d'identité ! Il se pose en médiateur entre la loi et l'application de la loi sur l'immigration, ce qui est une façon ingénieuse de nier celle-ci et de chercher à instaurer une autre « loi », sans aucune légitimité, mais bien supérieure aux lois de la République !
D.H., 33000 Bordeaux. (Plusieurs lettres) |
Plusieurs lecteurs du Figaro se sont insurgés contre l'article, pourtant mesuré, de Stéphane Hessel (« Opinions » du 27 janvier) qui, parlant au nom du collège des médiateurs, invitait simplement à traiter avec humanité des cas dont la loi n'avait pas prévu toute la complexité (ce qu'a amplement démontré le débat sur les lois Pasqua). Dans son esprit, il ne s'agissait nullement d'accorder aveuglément la régularisation à tous les sans-papiers, et il a réaffirmé son opposition à une ouverture sans contrôle des frontières. Pour vos correspondants, c'est « la loi, rien que la loi, mais la loi dans toute sa riguer ». Ils donnent donc raison à Maurice Papon qui, fonctionnaire de Vichy, s'est bien gardé de considérer les conséquences humaines des lois qu'il était chargé d'appliquer.
Solange BERTHEAU, 94160 Saint-Mandé. |
On peut se demander si, pour M. Hessel, la compassion et la gratitude consituent des excuses absolutoires du délit considéré, ce qui reviendrait à donner au droit d'autres sources que la loi et à encourager les fraudeurs.
René GROS, 66000 Perpignan. |