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Date: Thu, 12 Sep 1996 15:16:51 +0100
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To: marc@info.unicaen.fr
Subject: Tract collectif "Des papiers pour tous"

Il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde...

Parce que seule la libre circulation des prolétaires de tous les pays peut
empêcher le triomphe de ce monde urbain incolore, inodore et sans saveur
qu'on veut nous fabriquer... Parce que nous n'en avons rien à cirer de l'"
identité française "...
Parce que la xénophobie d'État flatte et encourage le racisme d'une partie
de la population et détourne sur les " étrangers " la colère qui monte face
à un système produisant toujours plus de richesses et toujours plus de
pauvres... Parce que cette colère est la nôtre...

Parce que nous savons que ce n'est pas l'immigration qui crée le chômage,
mais bien la course à la compétitivité, c'est-à-dire la logique même du
système. Parce que cette logique folle nous pourrit la vie...

Parce que la chasse aux " clandestins " repose sur une énorme hypocrisie,
puisque ce sont les règlements eux-mêmes, toujours plus restrictifs, qui
fabriquent de la " clandestinité ", et que des secteurs entiers de
l'économie vivent de la surexploitation de ces immigrés qui, loin de
représenter " toute la misère du monde ", sont des producteurs de
richesses... Parce que cette hypocrisie encrasse les cerveaux, pervertit la
pensée de ceux qui nous entourent et fonde le consensus de toute la classe
politique depuis plus de vingt ans...

Parce que la surexploitation des " clandestins " permet de faire pression
sur nos salaires, et de nous exploiter davantage... Parce que l'énorme
appareil lancé contre eux, avec ses fichiers informatiques, son espace
Schengen, ses fonctionnaires-collabos qui en rajoutent toujours sur
l'infamie réglementaire, ses flics qui se croient tout permis et ses juges
zélés, parce que cet appareil qui sert aujourd'hui contre eux, pourra
fonctionner demain contre d'autres catégories de la population...

Parce que, dans un monde qui donne tout le pouvoir à l'économie,
l'opposition entre réfugiés politiques et réfugiés économiques n'a plus
aucun sens...

Parce que nous sommes tous victimes d'un système qui accélère sans cesse la
circulation planétaire des marchandises et des images, en s'opposant chaque
jour un peu plus à la circulation de la grande majorité des humains - les
pauvres du Sud et de l'Est et les précaires de partout... Parce que nous
avons été, nous sommes, ou serons tous un jour de ces précaires que menacent
la matraque, le règlement et la " rationalité " économique...

Parce que nous ne supportons pas que l'absence d'un dérisoire bout de carton
puisse empêcher de circuler, de rencontrer, de découvrir, d'aimer et de
partir à l'aventure...

Pour toutes ces raisons, et mille autres qui tiennent au parfum de liberté
qu'ont ramené dans l'air les mouvements sociaux, le combat des sans-papiers
est le nôtre, et nous faisons nôtre cette revendication minimale: des
papiers pour tous !

La lutte commencée avec l'occupation de Saint-Bernard a montré que les lois
Pasqua, sont non seulement odieuses et inhumaines, mais encore inapplicables
- à moins de confier définitivement la question du droit des étrangers et de
chacun d'entre nous à la discrétion de la police. Elle a montré les limités
de la négociation " au cas par cas ", qui divise le mouvement et l'enlise
dans d'interminables démarches administratives, et celles des soutiens
humanitaires. L'énorme déploiement policier et son piteux épilogue
judiciaire, assorti de rafles au hasard pour remplir les charters, ont
montré qu'il était plus dangereux de ne rien faire que d'apparaître
publiquement. De toute manière, leur finalité n'est pas comme on voudrait le
faire croire d'expulser les illégaux, mais de les faire replonger dans la
clandestinité, d'exercer une terreur qui les contraigne à accepter des
conditions de salaire et de travail intolérables.

En s'organisant eux-mêmes et en luttant pour imposer leurs conditions aux
organisations qui les soutenaient, les occupants de Saint Bernard avaient
d'ores et déjà posé le problème hors des cadres humanitaires où on voulait
le cantonner. En tentant de " vider l'abcès ", l'État n'a réussi qu'à
répandre le virus de la solidarité et à permettre que ceux qui n'avaient pas
trouvé place dans l'église créent de nouveaux comités ouverts à tous les
sans-papiers. En réaffirmant leur volonté de ne pas être mis hors du " droit
commun ", les sans-papiers et plus largement l'immigration attaquée à
travers eux, portent un coup au processus de précarisation de larges couches
de la population, de démantèlement des protections sociales (RMI interdit
aux moins de 25 ans, flicage du chômage, etc.).

L'offensive contre les sans-papiers n'est pas le problème des sans-papiers,
c'est notre problème à tous. Prenons l'initiative!

Paris, le 11 septembre 1996 Collectif " Des papiers pour tous "

Le collectif " des papiers pour tous " se réunit les premiers et troisièmes
mardi du mois à 19 h au 21 ter, rue Voltaire, Paris 11e