Propos recueillis le 14 août 1996 | [sans-papiers] |
Madjiguène Cissé : Bon, il faut dire que avant de créer la Coordination nationale des collectifs de sans-papiers, nous avons d'abord créé la Coordination Ile-de-France des collectifs des sans-papiers. Car après le collectif de Saint-Ambroise, les collectifs se sont multipliés un peu partout en Ile-de-France, et quand on en a recensé huit, on s'était..., on s'est dit qu'il fallait quand même organiser un peu tout ça, et essayer de coordonner tout ce qui se passait en Ile-de-France et... pour montrer que c'était pas un problème de Saint-Ambroise ou de Versailles, mais que c'était un problème qui touchait un nombre important d'émigrés. Et... quand il y a eu aussi une multiplication de collectifs sur ... l'étendue du territoire français, on s'est dit qu'il était nécessaire de mettre sur place une « Coordination nationale des collectifs de sans-papiers », pour montrer que c'était pas un problème francillien, mais que c'était un problème national, qui touchait des émigrés pas seulement en Ile-de-France mais sur toute l'étendue du territoire français. Et les objectifs que se sont fixés la Coordination nationale ... c'était tout d'abord d'oeuvrer à l'extension ... de la lutte des sans-papiers, et des collectifs de sans-papiers. Parce qu'on s'est dit que c'était pas un problème de trois cent ou de cent dossiers, mais que c'était un problème global et qui touchait des dizaines de milliers de sans-papiers. Et on voulait au delà de ces collectifs-là poser aussi la question des lois, c'est-à-dire des lois Pasqua particulièrement, mais de toute une série de lois et de circulaires qui ont été mises en place, de tout un dispositif mis en place depuis une vingtaine d'année pour, comme ils le disent, « gérer les flux migratoires ».
Bon, l'un des moyens d'action c'est de «vulgariser» cette lutte ... de la façon la plus large possible en organisant des campagnes de sensibilisation au plan national. Et dans cette tactique ... la Coordination nationale a déjà retenu l'idée ... de faire une journée nationale des sans-papiers au mois de septembre. Et sur les Assises que proposent le collège des médiateurs..., en septembre, nous, nous disons que, en tant que Coordination nationale, nous avons notre place dans ces Assises, autant dans la période de préparation de ces Assises, que dans la tenue des Assises à proprement, à proprement parler, car en tant que Coordination nationale des collectifs des sans-papiers, nous sommes interpelés euh..., par rapport à tout ce qui concerne les sans-papiers, mais l'immigration de façon générale. Car c'est la question de l'immigration qui est posée, et au delà de la question de l'immigration, c'est si vous voulez, une question plus large euh... des rapports entre les pays du nord et ceux du sud qui est posée. Et moi, j'irais plus loin, en parlant même de la dette du tiers-monde. Voilà. Moi je me dis que tout est lié, l'ensemble répressif qui sévit en France depuis une vingtaine d'années pour gérer les flux migratoires, pas seulement en France mais en Europe . Le fait que l'Europe devienne une forteresse et se bariccade face aux gens qui viennent du sud, c'est pas quelque chose de fortuit mais c'est quelque chose qui entre dans le cadre d'une politique généralisée de la mondialisation économique et... |
Hmm... Parce que là on s'est dit que le mouvement social, que ça soit le mouvement social, le mouvement des travailleurs, la lutte des travailleurs, et la lutte que mènent les sans-papiers aujourd'hui, nous, nous disons que c'est une seule et même lutte, car les attaques euh... viennent si vous voulez euh... d'un seul côté, et le plan Juppé, le plan de restructuration de Juppé contre lequel les travailleurs se sont soulevés en décembre, nous rappelle, à nous aussi pays ouest africains, les plans de restructuration et de redressement financier, les plans d'ajustement structurel, que la Banque mondiale et le FMI ont initiés dans nos pays d'origine depuis une vingtaine d'années. Si je prends l'exemple du Sénégal, le premier plan de redressement économique et financier date de 1979, c'est-à-dire depuis 1979, que la haute finance internationale dicte euh... la politique économique dans nos pays d'origine l'état s'est désengagé de tous les secteurs euh... non productif, euh... c'est-à-dire un secteur comme l'éducation, un secteur comme celui de la santé, c'est des secteurs qui sont laissés pour compte. Euh... nous sommes originaires de pays où il n'y a plus de santé publique, où il n'y a plus euh... d'école publique, et où toutes les entreprises euh... les petites ont fermé, où c'est le chômage, où la jeunese n'a plus de perspectives. Il n'y a pas de perspectives. Une jeunesse qui n'a pas fait l'école, parce qu'il n'y a pas les moyens, une jeunesse qui ne peut trouver de travail, parce qu'il n'y en a pas, c'est une jeunesse qui est laissée à elle-même. Et nous, nous disons que la lutte que nous menons aujourd'hui, et la lutte que mènent lers travailleurs français euh..., c'est une seule et même lutte. D'où la nécessité si vous voulez d'unir les forces, pour engager la riposte la plus large possible, et la plus efficace possible.
Hmm... oui, il y a des rendez-vous qui sont pris, autant avec les travailleurs, c'est-à-dire avec les syndicats... La CGT ouvre la rentrée avec un grand meeting le 4, euh... septembre, où nous sommes invités en tant que euh... sans-papiers. Et il y a des contacts qui ont déjà été pris avec le Parlement européen aussi, euh... qui prépare aussi un forum sur l'immigration en septembre aussi , ici à Paris, à la maison de l'Europe, et qui prévoie aussi de recevoir une délégation..., une autre délégation de sans-papiers en septembre, à Strasbourg aussi, euh... pour relancer le débat et faire en sorte que la question sur l'immigration, sur les sans-papiers, soit inscrite à l'ordre du jour à la rentrée du Parlement européen euh... en septembre.
Oui, moi je me dis que même en cas d'expulsion des sans-papiers de Saint-Bernard euh... de l'église, la Coordination nationale a quand même un avenir. Et... c'est pour prévenir, si vous voulez, ce genre de problème que nous avons mis sur pieds d'abord, une Coordination régionale, et une Coordination nationale. Moi je me dis que il n'y a pas que Saint-Bernard dans les deux coordinations, et même sans Saint-Bernard les coordinations vont continuer quand même à fonctionner, euh... à coordonner ce qui se passe euh... concernant les sans-papiesr, et à continuer euh... la gestion de la lutte. Parce que il faut se dire que les sans-papiers... ils commencent à sortir de l'ombre et à aller vers les collectifs qui existent. La Coordination a même retenu comme euh... démarche, c'est-à-dire... d'appeler tous les sans-papiers qui existent... Tous les sans-papiers qui existent, on leur demande de venir vers les collectifs, de s'inscrire, et voilà, de voir ensemble comment organiser la lutte quoi. On demande à tous les sans-papiers de rejoindre le mouvementqui est actuellement en lute. Et c'est euh... l'une des propositions que nous avons à faire, c'est de faire..., de lister tous les sans-papiers qui se manifesteront auprès des collectifs et des coordinations qui existent, d'en faire une seule et unique liste, et de la déposer sur la table des autorités comme base des négociations.
Oui mais..., il s'agit pas de les découvrir, mais il y aura toujours une façon de les recenser. Par exemple, on a un euh... collectif qui a déposé des dossiers, c'est-à-dire qui a négocié... qui a déposé des dossiers mais ,c'est-à-dire... sans nom. C'est-à-dire, c'étaient des dossiers où il n'y avait aucun nom, où il y avait quelques renseignements sur les personnes. Et c'est des personnes qui jusqu'à présent sont couvertes euh... par rapport à la préfecture.
Bon... les moyens euh... qu'on a pour l'instant sont quand même assez limités. Mais on compte sur l'appui des associations, qui ont toujours travaillé sur le plan juridique, les associations qui font des permanences juridiques, et qui ont l'habitude de travailler sur les dossiers et de gérer les problèmes des émigrés de façon générale. On compte aussi sur leur appui pour voir comment gérer tout ça.