par Madjiguène Cissé et Salah Teiar | [textes de la coordination] |
Le 20 juillet 1996, nous avons tous salué la naissance de la coordination nationale des sans-papiers. Grâce à l'irruption des sans-papiers de Saint-Ambroise sur le devant de la scène, la question des sans-papiers était posée et d'autres collectifs, suivant leur exemple, commençaient à s'organiser un peu partout. Il nous fallait alors oeuvrer en vue de l'élargissement du rapport des forces en essayant de réunir dans une structure nationale tous ceux qui se mobilisaient à travers la France. Face aux taches d'organisation qui nous attendaient, il nous est vite apparu indispensable de doter la coordination d'un secrétariat capable de coordonner et d'organiser la lutte au plan national. Dès la constitution du premier secrétariat national, la question de l'autonomie des sans-papiers s'est posée. Lorsque certains soutiens ont manifesté leur volonté de faire partie du secrétariat, en vue de contrôler la situation, ce que nous avont alors refusé. Ceux parmi les soutiens qui prônaient alors une direction mixte à l'instar de ce qui se passait dans la plupart des collectifs ont alors tout fait pour bloquer la consitution d'un secrétariat autonome. Le compromis était une assemblée générale mensuelle où certains collectifs avaient une représentation mixte et un secrétariat national composé uniquement de sans-papiers. Ce compromis qui essayait de sauvegarder une certaine autonomie aux sans-papiers en accordant aux soutiens une tribune de libre expression à l'assemblée générale, se heurta à la résistance de certains soutiens qui considéraient à tort qu'on les écartait de la lutte. Les plus aigris de ce compromis ont tout simplement boycotté les réunions de la coordination régionale parisienne et celles de la coordination nationale pendant plus d'un an. Cette volonté de contrôle a abouti au constat suivant : même si quelques délégués sans-papiers ont émergé dans certains collectifs, ils ont rapidement été mis à l'écart à partir du moment où ils ont manifesté un besoin d'autonomie. Aujourd'hui encore, dans certains collectifs, l'expression des sans-papiers est étouffée par un mode de fonctionnement qui leur confisque la parole et dévoie leur décision autonome. En agissant ainsi ces soutiens isolaient par là-même le secrétariat qui, faute de militants sans-papiers et vu la lourdeur de la tâche à réaliser, ne pouvait assumer pleinement toutes les tâches avec un minimum de moyens logistiques ou humains et justifiait de la sorte la critique selon laquelle le secrétariat ne peut fonctionner correctement avec des sans-papiers uniquement. Jusqu'à présent, nous avons néanmoins réussi à sauvegarder notre autonomie au niveau du secrétariat national. Il a toujours été composé uniquement de sans-papiers qui ont, tant bien que mal, essayé de s'organiser, en tenant des réunions du secrétariat, en convoquant et en préparant les réunions régionales ou nationales, en relayant les actions et manifestations locales, en rencontrant les différentes organisations etc. Si deux membres du secrétariat ont pu assurer une présence assez régulière, d'autres n'ont pas pu le faire pour diverses raisons et cela s'est ressenti sur le travail. D'ou les assauts de plus en plus fréquents contre le secrétariat, qui devient la bête à abattre, et qui est désigné tour à tour comme un bunker ou un politbureau : ainsi la rétention d'informations, le dirigisme sectaire, le sabotage du travail, le détournement de fonds deviennent les arguments d'une entreprise de déstabilisation de plus en plus affinée : d'où le piétinement observé depuis la manifestation du premier novembre, puisque inlassablement revenait à l'ordre du jour de toutes les AG de la coordination les problèmes de fonctionnement du secrétariat, qui monopolisaient ainsi l'essentiel de ces réunions et privaient d'autant le mouvement d'une réflexion approfondie sur la stratégie et les moyens nécessaires à mettre en oeuvre face à un compromis de plus en plus clair quant à ses objectifs
Les problèmes qui ont abouti à la crise actuelle trouvent leur origine dans les difficultés qu'a rencontré le mouvement des sans-papiers à gérer l'arrivée de la gauche au pouvoir. Ces difficultés sont d'ailleurs partagées par l'ensemble des mouvements sociaux. En effet autant il est plus simple de mobiliser sous un gouvernement de droite, autant il est plus compliqué de mobiliser sous un gouvernement de gauche. Les tentatives sont nombreuses de contrôler les mouvements et de trouver des pompiers pour faire baisser la tension et ainsi casser la dynamique en divisant les mouvements. C'est dans cette logique qu'il faut à notre avis inscrire la marche d'Angoulême du 1er au 10 juin 1997 et la recéption médiatisée à Matignon. La coordination s'était d'ailleurs démarquée de cette initiative dans un communiqué. Le soutien devenait de plus en plus parcimonieux. Pourtant le constat était là, amer : la gauche en refusant de remettre en question la législation antérieure, se situe dans la continuité de la politique mise en oeuvre par la droite par rapport à l'immigration. Ainsi la circulaire Chevènement, en distribuant des récépissés et des cartes précaires d'un an à certains, en recalant d'autres, avait pour fonction de diviser le mouvement, d'isoler les personnes le composant, de mettre tout le monde en position d'attente. La coordination nationale empetrée dans ses débats de fonctionnement n'a pu réellement relancer une dynamique collective pouvant permettre d'obtenir une régularisation globale. Seules des manifestations mensuelles étaient proposées aux collectifs. Ce qui n'était assurément pas à la hauteur des enjeux de la lutte.
Face à ces faiblesses politiques de la coordination les soutiens ont cherché à prendre de plus en plus de poids au sein de la coordination. Cela s'est manifesté en novembre 1997 quant à l'opportunité de signer ou non le tract des organisations appelant à la manifestation du 22. Ils se sont à nouveau posés en janvier concernant la signature de l'appel à la manifestation du 31 janvier 1998. A l'époque, plusieurs organisations, associations oeuvraient pour revenir sur le devant de la scène qui était occupée depuis plusieurs mois par les sans-papiers; Il fallait affaiblir la coordination des sans-papiers et ainsi remettre les associations et organisation de soutien en premiere ligne avec lesquelles le pouvoir pourrait plus facilement négocier.
Ainsi pour la coordination, la question était de savoir s'il fallait signer les tracts des organisations qui ne reflétaient pas entièrement nos revendications ou appeler à la manifestation sur la base de nos propres déclarations. Une bonne partie des soutiens était là pour insister dans le sens de signer le tract des organisations, sous le prétexte qu'il fallait ratisser large, alors qu'une partie des sans-papiers et certains soutiens estimaient qu'il fallait manifester sur la base de notre propre déclaration. Nous estimons qu'il était important de se démarquer du consensus qui était en train de se désigner autour de Chevènement et de sa future loi.
A la coordination nationale du 7 décembre 1997 à Lille, par un vote non inscrit à l'ordre du jour des commissions sont proposées. Les décisions de Lille qui ont été contestées par une majorité de collectifs ont été remises en question à la coordination nationale du 1er fevrier à Saint-Denis. Le secrétariat a été élargi à d'autres sans-papiers et des commissions installées. Les décisions de la réunion de Saint-Denis ont eu l'assentiment de la quasi-totalité des collectifs présents. Cependant des membres du secrétariat élargi n'ont jamais voulu accepter les décisions de la réunion nationale de Saint-Denis. Ils ont continué à se prévaloir d'une légitimité contestée et à fonctionner en apparté. Par exemple Salah, qui fait partie de la commission journal n'a jamais été informé d'une réunion de la dite commission. Et c'est un militant connu d'une organisation politique de la place, soutien des sans-papiers du 93 qui s'occupe de la confection, de la préparation, de la collecte des articles et du dispatching du journal et qui signe le courrier relatif au journal, à la place des sans-papiers responsables de cette commission.
A la dernière réunion de la coordination nationale du 29 mars, il a été décidé par un vote de démettre Salah et Madjiguène de leurs fonctions. Avant de revenir sur le vote tout d'abord quelques remarques :
Un sans-papiers du 94 s'est fait expulser de la réunion et n'a pas pu participer au vote tout simplement parce qu'il voulait des explications concernant un comuniqué signé "secretariat national" "traitant les sans-papiers ayant occupé les églises sur Paris d'irresponsables".
Sur la légitimité même du vote du 29 mars : depuis que la coordination existe, c'est la première fois qu'il est procédé à un vote pour exclure des membres du secrétariat qui rappelons-le a toujours été composé uniquement de sans-papiers. Comme nous l'avons rappelé plus haut, le secrétariat est la seule structure de la coordination nationale qui soit restée autonome jusqu'à présent. Des collectifs mixtes ou uniquement représentés par des soutiens ont participé au vote pour exclure deux membres du secrétariat. Comment des soutiens qui en théorie viennent pour soutenir peuvent-ils avoir la légitimité de voter et d'exclure des sans-papiers de leur secrétariat ? Le fait de soutenir une organisation française en lutte nous donnerait-il un jour la légitimité de nous immiscer dans les affaires intérieures de cette organisation au point de participer à un vote pour en exclure certains membres ? Nous ne nous sentons nullement concernés par les décisions de la réunion d'Evry;
Vendredi 17 avril 1998 quelle n'a ete notre surprise de voir débarquer à la permanence des sans-papiers, rue Pajol, des membres du secrétariat accompagnés d'un soutien venu exprès de Lille pour démenager tout le matériel ?
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