Historique
Août 1996
- Samedi 31 août 1996
À la Cartoucherie, projection du film La Ballade des sans-papiers de Samir Abdallah et Rafaelle Ventura, présenté également au Festival de Douarnenez.
- Mercredi 28 août 1996
18h. Plus de 15.000 personnes ont manifesté de République à Stalingrad en passant par Barbès-Rochechouart. Des délégations européennes ont pris part au défilé ("We are not dangerous, we are in danger").
Certains ont quitté la manifestation pour aller à Saint-Bernard. Incidents avec les CRS qui interdisaient l'accès à l'église. Chaque rue donnant sur la place était barrée par d'imposants grillages. Quelques excès de la part des forces de l'ordre en fin de manif à Belleville.
Nombreuses manifestations en France (Marseille, Bordeaux, Toulouse, etc.).
Deux charters le soir au départ de la base militaire d'Evreux. Parmi les expulsés se trouvent trois Maliens de Saint-Bernard :
- Youssouf Tounkara, qui a été reçu par Debré mercredi dernier (!...),
- Mamadou Niakaté, en France depuis 11 ans, marié à Siera et père d'un fils Diako de 2 ans né en France, séparé de sa famille comme Diagui Niakaté,
- Abdoulaye Camara
La grande majorité des Africains « de Saint-Ambroise » évacués vendredi dernier de Saint-Bernard est aujourd'hui libre et regroupée à la Cartoucherie. La fermeté de Jean-Louis Debré « pour que la loi s'applique » parait accompagnée de nombreux cafouillages contraires à la loi (cas des deux Niakaté, Diagui et Mamadou, expulsés au Mali, mais séparé de leur femme et de leur enfant restés en France) .
- Dimanche 25 août 1996
La lutte continue !!!! Les familles libérées se sont retrouvées à la Cartoucherie de Vincennes. Ababacar, Madjiguène, Doro étaient là. Ils ont pris la parole. La lutte continue.
Procès des grévistes de la faim.
Examen des recours au Tribunal administratif rue de Jouy dans le 4ème arrondissement. Les CRS barrent l'entrée de la rue.
Fin de la grève de la faim. Dans la soirée, les grévistes ont mis fin à leur jeûne qui a duré 52 jours.
- Samedi 24 août 1996
Concert des sans-papiers. À partir de 16h. ANNULÉ
Procès de Madjiguène Cissé. Émouvants témoignages de Stéphane Hessel, Léon Schwartzenberg, Emmanuelle Béart et Eve Doe Bruce comédienne du Théatre du Soleil. Cette dernière, noire mais française, se trouvait à l'intérieur de l'église lors de l'assaut et raconte comment elle a été placée avec les sans-papiers lors de la séparation des noirs et des blancs. Les témoins ont tous souligné les qualités de Madjiguène, son intelligence, son sens aigu des responsabilités. Madjiguène a raconté comment elle a du affronter, entièrement nue, les quolibets de six femmes de la police (« Ah, elle ne dit plus rien, la porte-parole ! »). Vibrante plaidoirie de Maître Henri Leclerc, l'un de ses quatre avocats. Le procureur a requis trois mois de prison et trois ans d'interdiction du territoire, « sans enthousiasme ». Les juges ont retenu deux mois de prison avec sursis sans interdiction du territoire. Madjiguène est donc ressortie libre du tribunal. Mais avec un casier judiciaire et ... toujours pas de papiers !
Sept sans-papiers étaient jugés comme elle devant la chambre correctionnelle. Les autres sans-papiers comparaissaient devant le 35 bis, et la grande majorité d'entre eux est ressortie libre, comme ce fut le cas pour Ababacar Diop, pour vices de forme dans la procédure.
Un avion militaire a décollé d'Évreux pour expulser 57 étrangers, dont quatre maliens interpelés à Saint-Bernard :
- Diagui Niakaté, séparé de sa femme Sira-Makan avec qui il est marié depuis 1987, et de leur fille de 2 ans Fatumata, avec qui il vivait en France depuis 3 ans,
- Youssouf Niakaté,
- Doungan Sissoko,
- Ballo Kassim.
Avant le décollage, des manifestants ont affronté les forces de l'ordre. À Dakar, comme plus tard à Bamako, des manifestations de protestation ont eu lieu, et l'avion a mis cinq heures avant de pouvoir redécoller, grâce à l'appui de militaires français basés sur place.
- Vendredi 23 août 1996
L'ÉVACUATION DE SAINT-BERNARD. 7h30. Entre 1000 et 1500 policiers enfoncent les portes de Saint-Bernard et évacuent les trois cents Africains ainsi que les nombreuses personnes qui se trouvaient avec eux. Les Africains s'étaient donnés comme mot d'ordre de ne pas résister, faisant preuve d'une « dignité » que Jean-Louis Debré a lui-même soulignée. Les Africains ont été emmenés au centre de rétention de Vincennes.
18h. Manifestation de protestation de République à Nation rassemblant entre 10.000 et 20.000 personnes.
Au-delà de Nation, plusieurs milliers de manifestants ont continué en direction du centre de rétention de Vincennes aux cris de « libérons les sans-papiers ! », formant une étrange colonne qui a marché pendant cinq kilomètres à travers le bois. Une fois devant le centre de rétention, affrontement avec les forces de l'ordre déployées en grand nombre. Entre minuit et 1h du matin, il restait encore 500 manifestants dans le bois aux prises avec les CRS.
- Jeudi 22 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité.
Le Conseil d'état rend son avis. Alain Juppé déclare à la télévision que cet avis va tout à fait dans le sens de l'action du gouvernement.
- Mercredi 21 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité.
18h. Manifestation de République à Saint-Bernard.
Le matin, Alain Juppé réunit neuf ministres pour examiner la situation.
À 17h, Jean-Louis Debré accepte de recevoir trois délégués des Africains (Ababacar Diop, Madjiguène Cissé, Youssouf Tounkara). Il saisit par ailleurs le Conseil d'état sur les modalités d'application des lois Pasqua.
- Mardi 20 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité.
11h. Gilles de Robien, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, reçoit une délégation de sans-papiers, et annonce la mise en place d'une commission parlementaire pour tenter de débloquer la situation.
Une lettre à Jacques Chirac est signée par l'ensemble des partis de gauche.
- Lundi 19 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité. Visite de Robert Hue à Saint-Bernard.
- Dimanche 18 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité. Lionel Jospin lance un appel à la négociation. Durant le week-end, Jean-Louis Debré, Alain Juppé, Éric Raoult ont de leur côté réaffirmé le refus de toute négociation de la part du gouvernement.
- Samedi 17 août 1996
Nouvelle veillée de solidarité à Saint-Bernard.
Six syndicats d'Air France (CFDT, SNPIT, CGT, UGICT, SNPNC, USPNT) refusent toute utilisation des appareils de la compagnie aérienne pour des expulsions de sans-papiers.
- Vendredi 16 août 1996
Impressionnante veillée de solidarité à Saint-Bernard. Des centaines de personnes ont convergé à l'église et campent sur le trottoir. Deux grandes tentes ont été installées. Dans la journée, de nombreuses personnalités avaient rendu visite aux sans-papiers, parmi lesquelles Danielle Mitterrand, Emmanuelle Béart, Ariane Mnouchkine, Albert Jacquart, Marina Vlady, Monseigneur Gaillot, Léon Schwartzenberg, etc. En signe de solidarité, certaines s'étaient enchainées à un sans-papiers. D'autres encore ont passé la nuit sur un matelas à l'intérieur de l'église.
- Jeudi 15 août 1996
11h. Messe célébrée en l'église Saint-Bernard par le père Henri Coindé, curé de la paroisse, devant environ 500 fidèles.
- Mardi 13 août 1996
Jeûne de solidarité avec les grévistes dans l'église Saint-Bernard.
- Lundi 12 août 1996
6h. Quatre cars de CRS se garent près de l'église. Au 39ème jour de jeûne, les dix grévistes de la faim sont emmenés de force, et répartis dans différents hôpitaux. Douze volontaires les remplacent, mais le soir, les grévistes avaient tous rejoints l'église Saint-Bernard pour poursuivre le jeûne.
18h. Rassemblement de soutien sur le parvis de Notre-Dame, réunissant plusieurs centaines de personnes.
- Samedi 10 août 1996
15h. Rassemblement de solidarité à Saint-Bernard. Les sans-papiers offrent le thé.
- Mercredi 7 août 1996
17h. Défilé de la Tour Eiffel au parvis des Droits-de-l'homme place du Trocadéro rassemblant 1000 à 2000 personnes. Une manifestation silencieuse de protestation prévue de la place de l'Opéra à l'Élysée a été interdite par les autorités.
L'après-midi, le Ministre de l'Intérieur Jean-Louis Debré a proposé de rencontrer :
- Fodé Sylla (SOS-Racisme)
- Maître Henri Leclerc (Ligue des Droits de l'Homme)
- une délégation du collège des médiateurs
Ces derniers ayant souhaité venir avec des délégués africains et faire des propositions au Ministre, leur rendez-vous a été annulé.
- Lundi 5 août 1996
Au 31ème jour de grève de la faim, les sans-papiers écrivent une lettre à Jacques Chirac.
- Jeudi 1er août 1996
Jusqu'à l'aube, nuit de solidarité avec les « sans papiers de Saint-Ambroise », qui deviennent expulsables à partir du 2 août (expiration du délai d'un mois qui leur était accordé pour quitter le territoire).
Dans la journée, Jacques Chirac a reçu Fodé Sylla (président de SOS-Racisme), et annoncé par cet intermédiaire imprévu que les situations des familles de Saint-Bernard seront réexaminées au cas par cas. Dans une lettre à Henri Leclerc (président de la Ligue des Droits de l'Homme) datée du 30 juillet 1996, il informe celui-ci qu'il a demandé au Ministre de l'Intérieur de le recevoir. Dans une lettre aux médiateurs du 29 juillet 1996, il leur refuse l'audience que ceux-ci avaient sollicitée.