PAR LAURENT JOFFRIN | [débat] |
C'est la carapate des indignés. Avant le dénouement musclé de l'affaire de Saint-Bernard, toute la gauche avait défilé auprès des sans-papiers - très tôt ou sur le tard - pour leur démontrer soutien et compassion. Tout le monde, évidemment, n'adhérait pas à l'idée d'une régularisation pour tous. Mais, sur la base des principes posés par le groupe des médiateurs, il était entendu qu'il fallait chercher les moyens de remédier aux situation les plus choquantes sur le plan humain. Placé sur le plan parlementaire par Jean-Louis Debré, le processus d'amendement des lois en question est arrivé à terme cette semaine, sous la forme d'un débat à l'Assemblée. Après une si belle unanimité dans la solidarité, après une belle démonstration estivale de présence des élus sur le terrain, on pouvait s'attendre à voir les mêmes partis - représentés au Parlement - jouer leur rôle de relais de la société. Il y avait là une bonne occasion de rappeler la dignité, l'intelligence, l'utilité, de la représentation nationale. D'autant que la droite la plus dure, débordant largement le ministre de l'Intérieur, s'apprêtait à mener une offensive symétrique pour durcir le dispositif. Que croyez-vous qu'il arriva ? Au lieu d'un groupe socialiste vigilant, mobilisé, au lieu de communistes arcboutés sur leurs principes, au lieu de démocrates-chrétiens humanistes et décidés, on ne vit qu'une poignée de défenseurs s'opposant sans espoirs ni appui à l'offensive des Sauvaigo, Philibert ou André. Seul Pierre Mazeaud, digne et tempêtant (voir entretien), fit rempart de son éloquence pour arrêter les débordements. De bataille parlementaire pour la bonne cause, il n'y en eut point. Rien. Sinon un Julien Dray (PS) et un André Gérin (PCF) soudain promus Don Quichotte des parias. Il y avait pourtant à faire. Plusieurs amendements sont choquants, on le sait : le fichage des « hébergeants », le refus de régulariser les sans-papiers dont la présence dépasserait quinze ans, et enfin le renouvellement conditionnel de la carte de dix ans selon un critère qui ouvre la porte à tous les arbitraires. Une opposition plus virulente, une alliance tactique avec la droite humaniste auraient pu repousser ces codicilles répressifs. Claude Bartolone invoque les faibles effectifs du groupe socialiste, les fêtes de Noël... Pourtant la gauche au Parlement sait, quant elle le veut, compenser le nombre par les décibels. Le voulait-elle ? Beaucoup de ces députés, de ces présidents de groupes, craignent l'électeur anti-immigré et sont privés, de surcroit, d'une position claire de leur parti sur ces questions. Que de petitesse, parfois, dans le réalisme. Courage, fuyon ! On voudrait montrer que la politique s'occupe de pouvoir, de carrières, et non de la vie des gens, qu'on ne s'y prendrait pas autrement.