COLLÈGE DES MÉDIATEURS POUR LES AFRICAINS DE LA RUE PAJOL [collège]

Lettre au Procureur de la République


15 janvier 1997

 
Les médiateurs font savoir à la Presse qu'ils ont adressé la lettre ci-dessous au Procureur de la République, après l'expulsion sous chloroforme de trois ex-grévistes de la faim.
La réponse du Procureur, datée du 17 mars 1997, nie purement et simplement les faits.
 
Paris, le 15 janvier 1997

Monsieur le Procureur de la République
Cité Administrative
avenue Paul Vaillant-Couturier
93000 Bobigny

Monsieur le Procureur de la République,

Notre « Collège des médiateurs » s'est exprimé à plusieurs reprises pour faire connaître son point de vue sur les réformes qu'il conviendrait d'apporter à la législation applicable aux immigrés et pour soutenir - chaque fois que cela nous est apparu possible - la situation d'un groupe de «  sans papiers » expulsés notamment de l'église Saint-Bernard de la Chapelle.

La lecture des journaux (Le Monde des 12/13 janvier 1997 p.8) nous a appris que, pour faciliter leur transfert dans un avion à destination de Bamako, le 10 janvier dernier, à l'aéroport de Roissy, des Maliens, appartenant au groupe des expulsés de Saint-Bernard et ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, auraient été menottés, les pieds liés et que des gendarmes chargés de les escorter auraient cherché à les endormir en leur plaçant un mouchoir imprégné sur le visage.

Il nous apparaît indispensable d'appeler tout particulièrement votre attention au sujet de ces faits afin de vous permettre si, après enquête, ils se révélaient exacts, de prendre l'initiative de poursuites pénales : il s'agirait en effet, manifestement, de violences illégitimes, commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ou de leur mission, et, en tant que telles, constitutives du délit prévu par l'article 222-13 du Code Pénal, même si ces violences n'avaient pas entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours.

Il serait en effet intolérable que de tels comportements, rapportés par la presse et jusqu'à présent non contestés, puissent apparaître comme normaux.

Il y va de l'honneur de notre pays.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur de la République, l'expression de notre considération la plus distinguée.

pour le Collège des médiateurs

Monique Chemillier-Gendreau