Anniversaire de l'occupation de Saint-Bernard
[sans-papiers]



SAMEDI 28 JUIN 1997, à 11h30, à la mairie du 18e arr de Paris, parrainage républicain d'une trentaine de sans-papiers, qui devait être suivi à 15h d'un grand Pique-Nique de la Fraternité dans le square devant Saint-Bernard (contact : Myriam, murmux@planete.net, pour le "collectif citoyen du 18e").

Le parrainage avait commencé dans une ambiance bon enfant, malgré le refus de la mairie de parrainer El Hadj Momar Diop, condamné et emprisonné à la suite de la manif du Grand Stade. Discours longuement applaudis des parrains, des représentants du collectif citoyen, de Jean-Claude Amara. L'adjoint au maire socialiste Vaillant explique que tout le monde ne peut pas être régularisé et qu'il y aura des expulsions « conduites de façon humaine ». Réponse de la salle pendant 5 minutes : « Des papiers pour tous ! ».

Doro Traoré demande la parole pour parler des 40 sans-papiers de Saint-Bernard non régularisables aux dires du 8èeme bureau de la préfecture. Il annonce qu'en conséquence, ils ont décidé d'occuper pacifiquement la mairie. Panique à bord ! Mines allongées des élu(e)s. Stéphane Hessel : « les sans-papiers doivent s'estimer heureux d'être parrainés par des élus ». Vives réactions de la salle.

Pendant ce temps, à Saint-Bernard, quelques dizaines de personnes, soutiens et sans-papiers, dont Camara Hamady, commencent à préparer le picnic, tout en comprenant que le programme de la journée est sérieusement compromis...

Dans la salle de la mairie, tout le monde est installé tranquillement. Des négociations visiblement houleuses ont lieu dans une salle attenante entre les délégués des sans-papiers, des élus et des membres du collectif. Sur le balcon, plein de monde profite du soleil en buvant du thé à la menthe.

Vers 17h, intervention des CRS. Ababacar, sérieusement tabassé, est porté évanoui au milieu de la salle. Trois sans-papiers blessés sont emportés aux urgences des hôpitaux voisins, et 4 ou 5 personnes sont arrêtées.

Après l'évacuation, des gens se sont retrouvés devant la mairie. Décision est prise de camper sur place. Vers 3h du matin, c'est de nouveau la marée bleue, pour nettoyer la place : environ 20 à 30 CRS par manifestant...

Des matériaux collectés au cours de la journée (sons, images) sont transférés à la Documenta de Kassel pour être traités-amplifiés-diffusés par le groupe [ueber die grenze] (au delà de la frontière).

Mardi 22 juillet 1997, à 13h, à Paris (métro Cité), procès de Toure Sekou, probablement à la 23eme ou 24eme chambre, au Palais de justice. Il a été arrêté lors des incidents de la mairie du 18ème, et il risque très gros. Venez très nombreux pour le soutenir !!! Un appel à témoignages a été lancé sur ce qui s'est réellement passé ce jour-là. Vendredi 25 juillet 1997, à 13h, à Paris au Palais de justice, à la Cité, procès des deux soutiens interpellés Frédéric et Sylvain.


  • Récit de Thomas Giry : Merci la goche !

    Samedi 28 juin 1997, mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Un parrainage réepublicain est coorganisé par le collectif citoyen du XVIIIe, Droits devant !! et la mairie socialiste dirigée par Vaillant, devenu ministre entre la promesse du parrainage et sa réalisation. Ça commence dans une atmosphère bon enfant vers 12h45. On apprendra plus tard les causes du retard : il était prévu le parrainage symbolique de El Hadj Momar Diop, condamné et emprisonné à la suite de la manif du Grand Stade, on sait sur quelles bases. La mairie a refusé au dernier moment. De même, il a fallu au collectif citoyen et à DD!! négocier sec pour que des personnes ne rentrant pas dans les critères de la circulaire gouvernementale soient parrainées. La mairie voulait, même sur cet acte symbolique, faire du cas par cas a la sauce gouvernementale ! Discours d'un adjoint de Vaillant, absent, qui explique en particulier que tout le monde ne peut pas être régularisé et qu'il y aura des expulsions « conduites de façon humaine ». Réponse de la salle pendant 5 minutes : « Des papiers pour tous ! » La représentante des parraines sera elle longuement applaudie, d'autant qu'elle finit par mentionner les regrets des sans-papiers de ne pas voir Momar Diop associé. Le représentant du Collectif citoyen sera aussi ovationnée. Les gens défilent, filleuil-le-s et parrains/marraines. Jean-Claude Amara intervient pour parler des parrainages qui se passent partout. Il est prévu de poursuivre par un cortège jusqu'à Saint-Bernard et un pique-nique.

    Pour les sans-papiers de Saint-Bernard, Doro Traoré demande la parole. Il explique une partie des tergiversations de la mairie et surtout qu'après avoir été reçu-e-s à Matignon et au Ministère de l'Intérieur, les sans-papier-e-s avaient bon espoir d'obtenir la régularisation globale qu'ils et elles réclament depuis mars 96. Or, le 8e bureau de la préfecture de police vient de les informer que 40 d'entre eux/elles ne sont pas "régularisables" et vont être expulsé-e-s. Par conséquent, ils et elles ont décidé d'occuper pacifiquement la mairie.

    Panique a bord ! Les élu-e-s tirent des mines plutôt longues et le collectif du XVIIIe est divisé. Il tente de relancer l'idée manif + pique-nique. Stéphane Hessel se lance dans une intervention désastreuse oùu il explique que les sans-papiers doivent s'estimer heureux d'être parrainés par les gentils élus et qu'ils doivent retourner à leur place : dehors ! Il se fait huer. Un peu de monde part, s'arrête à l'entrée de la mairie. D'autres sont allés directement au pique-nique qui n'a semble-t-il pas eu lieu finalement. Des allers et retours commencent. Dans la salle de la mairie, tout le monde est installé tranquillement. Des négociations visiblement houleuses ont lieu dans une salle attenante entre les délégués des sans-papiers, des élus et des membres du collectif. De temps en temps, les délégués sortent expliquer l'état des discussions (ou plutôt des blocages). Sur le balcon, plein de monde profite du soleil en buvant du thé à la menthe. On sort et rentre sans problème pour aller acheter à manger et à boire. A l'intérieur, les bancs de velour rouge sont utilisés comme canapés pour petites siestes et séances de yoga improvisées. On sent un cetain désespoir chez les sans-papiers qui avaient énormément cru en la victoire de la gauche et au fait que leurs 16 mois de lutte leur permettrait de l'emporter tous ensemble, dans la solidarité. Des régularisés/régularisables sont au côté de ceux dont "on" ne veut décidément pas. Malgre tout, l'ambiance est plutôt sympa. Vers 17h, les négociations ont été rompues depuis un moment, une marée de CRS entre par la salle des négociations (on a le sens du symbole dans cette mairie !). Ils forment un cordon en travers de la salle, béret sur le crâne. D'autres, casqués et avec boucliers arrivent derrière. Ils commencent à virer celles et ceux qui étaient sur le balcon en frappant à qui mieux mieux. Ababacar, sérieusement tabassé, est porté évanoui au milieu de la salle. Les nerfs de plusieurs sans-papiers lâchent : une crise d'épilepsie, des crises de spamophilie... Un ou deux jeunes sont maîtrisés par leurs copains et par les soutiens alors qu'ils veulent balancer des fauteuils sur les CRS. Il y a une ou deux vitres cassées. Tout le monde angoisse pour l'évacuation du balcon très étroit et craint que quelqu'un se fasse balancer par dessus bord. De nouveaux CRS arrivent, avec casques, matraques, boucliers et FAMAS dans le dos, des fois que... Trois sans-papiers blessés sont emportés aux urgences des hôpitaux voisins, accompagnés par quelques soutiens. 4 ou 5 personnes sont arrêtées. Au dehors, on craint le pire. Les CRS repoussent tout le monde à une ou deux rues de là, puis jouent aux légions romaines en manoeuvre version Asterix. Une colonne par ci, une par là, le cortège coupe en trois ou quatre, certains encerclés par des flics eux-mêmes encerclés de manifestants pendant que les passants assez nombreux à faire leurs courses s'arrêtent et prennnent des nouvelles. Les sans-papiers sont complètement désespérés et ne parlent que d'aller à la confrontation avec les flics ou de se suicider. Autour, c'est la désolation. Je n'ai jamis vu autant de gens en larmes dans une manif. Finalement, retour devant la mairie. Les CRS se font plus discrets, les gardes mobiles disparaissent (pas bien loin).

    Décision est prise de camper sur place. Tout le monde se calme. Les couvertures et les duvets arrivent, certains commencent à faire de la musique, rejoints par des voisins. Des gens du quartier passeront apporter du café jusque vers 1h, 1h30. Moment tres dur : une femme du troisième collectif vient avec une de ses filles, en larmes, parler de son mari. La police est passée à leur domicile mercredi ou jeudi pour l'embarquer. Pris de panique, il a sauté par la fenêtre, du 3e. Les secours ont mis plus d'une heure avant d'arriver. Il est mort à l'hôpital ce samedi matin.

    La nuit s'organise entre ceux qui tentent de dormir, ceux qui discutent, à l'occasion en buvant du thé ou en grignotant des gâteaux (Ras l'front organisait une fête pas loin) et quelques va-et-vient de CRS qui tantôt aident à canaliser et détourner la circulation, tantôt nous laissent nous démerder avec les bagnoles. Vers 3h, tout le monde debout pour une fausse alerte : les rares CRS présents devant la mairie viennent de mettre leurs casques. Ils les enlèvent aussitôt. Mais peu après, c'est la marée bleue : à toutes vitesses, une quantité encercle le groupe principal (quelques dizaines de personnes, majoritairement des sans-papiers), puis des colonnes serrées sortent de l'autre côté de la mairie. Du côté ou on s'est glissés avec deux copines (une n'a pas de papiers et craint la séparation de son gamin si elle se fait expédier) de simples bagnoles de police s'arrêtent les unes derrière les autres, lâchant de nouveaux CRS qui ramassent leur matériel dans les coffres et remontent en rang par deux. Sont-ils 20, 30 par manifestant ? Nous réussissons à les esquiver. Un quart d'heure plus tard (même pas), nous verrons passer un car de police plein et un autre à moitié rempli avec les copains tapant aux vitres.

    Aux dernières nouvelles, tous les arrêtés de cette nuit ont été relâchés après interrogatoire et PV sur leur identité. Pas de nouvelles de ceux de l'après-midi. Un des blessés, sérieusement atteint à une main, devait être opéré dans la journée.


  • Récit de Sylvain Boulme

    Je suis un des soutiens interpellés lors du "parrainage républicain" ("baptême du feu socialiste" serait plus juste) de la mairie du 18eme. Je lance ici un appel à témoins pour provocations et violences policières : cela peut servir pour les procès (éventuels) de tous les interpellés, ce soir-là : la mairie compte en effet lancer des poursuites pour les dégradations commises dans la mairie, et dans le quartier, pendant et après l'évacuation.

    Je tiens aussi à replacer ces événements dans le contexte. Il a été décrit en partie par Thomas : beaucoup des sans-papiers et des soutiens qui étaient là, comme Ababacar, pensaient que les socialistes arrangeraient les choses. (Je n'ai pas vu Madjiguène par exemple). Or depuis quelques temps, le gouvernement montre son visage : la circulaire de jeudi laisse par ses contradictions encore planer le pouvoir de régularisation aux jugements arbitraires des préfets, et Chevènement et Hessel ont annoncé qu'ils seraient "fermes". Cela commence à se faire sentir. Mercredi dernier, un sans-papiers d'origine asiatique est passé, lors d'un contrôle de police, par la fenêtre de son appartement au troisième étage. Les policiers ont préféré passer immédiatement les menottes à sa fille de 13 ans et à sa femme plutôt que d'appeler les secours. Au bout de 2 heures, ils se sont finalement décidés. Ce sans-papier est mort hier (dimanche) à l'hôpital des suites de ses blessures. Version officielle : en voyant la police, il s'est jeté dans le vide.

    L'intervention samedi des gendarmes mobiles à la mairie du 18eme s'est faite dans une violence assez inouïe qui a mis beaucoup de sans-papiers en état de choc. Je me situais sur le balcon contiguë à la salle du "baptême", au premier ou deuxième étage. Ce balcon de 5m X 2m environ contenait beaucoup de monde (peut-être 50 personnes). Il communique avec la grande salle, par deux portes vitrées, auxquelles on accède (depuis le balcon), en montant trois ou quatre marches. Sur le balcon, le long de la grande salle, il y avait des pots de fleurs. Les gendarmes mobiles (un corps de l'armée) sont intervenus vers 17h40. Tout était calme, il n'y avait pas eu de provocations de notre part. D'ailleurs, ils avaient, à ce moment-là, le casque en bandoulière. Ils sont entrés sur le balcon par une des portes vitrées, et ont formé des rangs. Sans sommation, ils ont commencé a comprimer les gens vers l'autre partie du balcon. Cette poussée s'est faite durement, et tout le monde a commencer à paniquer, de peur que des gens tombent du balcon : on a tous recommandé aux gendarmes de se calmer, en leur expliquant que c'était dangereux, mais ils n'ont rien voulu entendre, ils ont continué à pousser. Je me situais en premiere ligne, et essayait de contenir la pression des gendarmes pour ne pas écraser les gens derriere moi. Un des gendarmes a alors commencé a me donner des coups de genou dans le ventre, puis a posé son avant-bras sur ma gorge en continuant à pousser. Pour ne pas étouffer, j'ai donc dégagé son bras sur le côté, sans violence. Il m'a répondu en me décrochant un direct dans la machoire, ce qui m'a coupé la lèvre, et j'ai commencé à saigner. A ce moment, j'ai vu, à côté de moi, Ababacar au sol, les yeux fermés, inerte. Tout le monde criait aux gendarmes de s'arrêter. On voulait dégager Ababacar. Mais les gendarmes ont continué et ils ont commencé à piétiner Ababacar. Alors la foule s'est énervée, et après un moment de flottement, on a soulevé Ababacar, et on l'a fait passer par dessus nous, dans la grande salle. Il était toujours inconscient. Les flics en ont profité pour resserrer leurs rangs et commencé à pousser une partie de la foule vers la porte. L'autre partie de la foule était, elle, toujours davantage comprimée contre la rambarde, et j'ai vraiment cru que quelqu'un allait tomber du balcon sur la rue. Je me situais sur les marches, toujours en première ligne. Les pots de fleurs étaient renversés, il y avait de la terre partout. C'était glissant. D'ailleurs j'ai glissé sur ces marches. Alors de peur de me faire piétiner comme Ababacar, j'ai fait un effort pour me relever en repoussant les gens de chaque côté de moi. A ce moment-là, les flics m'ont happé, ils m'ont fait passé par dessus leurs lignes, mon plaquer durement au sol, sur le ventre. Et, alors que je n'avais opposé aucune résistance, ils m'ont passé les menottes assez violement, avec un genou ou un pied sur mon dos. Ils m'ont trainé sur le ventre puis m'ont amener à l'écart en s'amusant à me jeter contre les portes. Il y aurait beaucoup à dire sur les propos outranciers, la brutalité, le sadisme, le racisme, le sexisme, l'homophobie... des différents flics (pas seulement les gendarmes mobiles) que j'ai rencontrés : si le FN arrive au pouvoir, il saura où trouver des SS. Les gendarmes mobiles, tout particulièrement, sont des bêtes fauves, prêtes à tuer (si mon souvenir est exact, ils sont responsables du meutre de Malik Oussekine).

    Je passe en procès, avec un autre soutien, le 25 juillet a 13h30 au Tribunal de Grande Instance de Paris, pour rebellion et outrages aux forces de l'ordre. Encore une fois, l'arbitraire judiciaire à l'égard des étrangers a frappé, puisque Sekou Touré, qui a été interpellé à peu près en même temps que nous, et qui était à la même PJ que nous pendant la garde-à-vue, ne subit pas la même procédure que nous. L'autre soutien et moi-même avons en effet été libéré hier soir, après avoir eu une audition devant le 1er substitut du procureur, alors que Sekou est resté au "dépot", et aurait du passer en comparution immédiate (jugement immédiat) cet après-midi. Dominique Noguère, son avocate, devait déposer un recours ce matin devant le substitut, pour avoir le temps de préparer la défense de Sekou. A cette heure-ci, je ne sais pas ce qu'il en est. Mais Sekou, lui, est accusé de choses beaucoup plus graves que nous : violences contre la police, dégradations...

    N'oublions pas le 17 octobre 1961, Charonne, Malik Oussekine, ..., et plus récemment (mais peut-être dans une moindre mesure) le "Grand Stade", Nice, ..., ne laissons pas passer sous silence les violences policières.

    Pour la libre circulation de tous, pour l'égalité des droits français-étrangers, (ce qui passe, en particulier, par la régularistaion de TOUS les sans-papiers, et l'abolition de la législation spécifique aux étrangers), SOLIDARITE avec les sans-papiers, les expulsés, les victimes de la "double peine"... !!!


  • Récit de Jérôme Gleizes : Témoignage supplémentaire sur cette république que l'on aime quand on se sent en sécurité (sic)

    Samedi après-midi, j'étais à Saint-Bernard pour l'anniversaire de la fameuse occupation. Je n'étais pas au courant de l'occupation symbolique de la mairie du XVIIIeme. Je l'ai appris par Madjiguène et comme nous étions peu nombreux, nous avons décidé d'y aller. En cours de chemin, nous avons appris que l'évacuation était prévue pour 18 heures. Les cars de CRS se faisaient de plus en plus nombreux ainsi que les voitures de polices banalisées. Ce sont les gendarmes mobiles qui sont intervenus, pas les CRS. Difference importante car les premiers étant des militaires, ils peuvent agir sans sommation contrairement aux policiers du Ministère de Chevènement.

    Les portes de la mairie étaient fermées et par miracle, elles se sont ouvertes au moment de l'intervention des gendarmes mobiles. Thomas vous a raconté leur intervention. Il est à noter qu'il y a eu plusieurs vagues. La première a consisté à prendre position sur le balcon en repoussant les sans-paps dans un coin avec possibilité de sortir par une porte. La seconde vague s'est faite avec des homme armés de boucliers avec fusil-mitrailleur dans le dos. Arme inutile pour l'occasion, puisqu'ils n'ont pas le droit de s'en servir, mais qui a l'avantage de faire mal quand on se la prend dans la tête suite à un mouvement malencontreux de son propriétaire. L'action est très violente et certains ont un regard haineux. Cette seconde vague a pour objectif de prendre la seconde porte et d'empêcher les personnes de sortir du balcon. Face à ce mouvement violent, j'ai essayé de faire un petit barrage avec mon corps sans passer de l'autre cote des gendarmes mobiles contrairement à Sylvain et récupérer de notre côté les personnes qui se faisaient expulser du balcon. Je crois qu'il y a eu un ordre pour calmer les troupes et laisser les personnes quitter le balcon, surtout après le sauvetage d'un Ababacar complètement inanimé.

    Cela n'empêche qu'un sans-papier, Lamine Kouyate s'est retrouvé sur une chaise complètement apeuré. Je me suis dirigé vers lui et un commandant (il me semble) m'a demandé si je m'occupais de lui et donne l'ordre a ses hommes de me laisser, ce qui a du les agacer, surtout un qui n'avait pas l'air de m'aimer du tout. D'ailleurs, j'ai demandé à un photographe de le prendre en photo pour avoir un souvenir de lui.

    Suite à cela, Lamine a fait une crise d'angoisse avec convulsion. Je l'ai allongé sur les bancs en appelant un docteur qui n'est venu que plus tard (une demi-heure ?).

    J'ai donc vu la suite de l'intervention de derrière. Les gendarmes mobiles ont mis les casques et ont préparé la descente des escaliers. Un gendarme mobile a été blessé (au genou ?) mais il est redescendu tout seul. L'intervention était commandée par une personne de la préfecture qui avait avec elle le Plan Sécurité et Défense. Cette personne a le pouvoir de commander des militaires et des civils. C'est donc elle qui a dirige l'intervention en "direct live".

    Revenons a Lamine. Lamine est un ancien greviste de la faim de Pajol. Il ne peut se déplacer sans une bequille. Il s'est donc retrouvé pris dans une souricieère sur le balcon. Il est tombé sur le balcon, mais ne se rappelle pas comment il s'est retrouvé sur la chaise. Il a recu des coups au niveau des reins, là où il avait déjà mal. Il a mis plus d'une demi-heure pour retrouver ses esprits et raconter ce qu'il s'est passé (au moment de l'arrivée du SAMU).Il a été évacué en civière par la Croix-rouge vers l'hôpital de Saint-Louis vers 20 heures. Il est à noter que lorsque la civière est passée, les gendarmes mobiles qui sont aussi racistes à froid qu'à chaud : il est mort ? je suppose qu'il n'a pas sa carte de sécurité sociale. Je l'ai accompagné à l'hôpital pour faire des analyses qui d'un seul coup (peu de temps après un coup de téléphone, mais il ne faut pas être parano) se sont réduites à une analyse de sang et une consultation médicale. J'ai quand même réussi à avoir un certificat médical avec trois jours d'Interruption Temporaire de Travail.

    Pour conclure, l'absence d'un moratoire sur les expulsion, de l'annulation de toutes les condamnations relevant d'un séjour illégal conduisent à des situtions de désespoirs. Certains sans-papiers n'ont plus rien à perdre et peuvent aller vers des situations de suicide comme dans le cas du chinois défenestre.

    Les forces de la gauche dite alternative n'ont toujours pas pris de position publique y compris les Verts qui sont la seule force politique présente au gouvernement à défendre la liberte d'aller et de venir entre pays.

    Il faut en finir avec le discours actuel qui dit qu'il existe un problème de l'immigration. Il n'y a pas de problème d'immigration. L'étranger qui vient en France n'est pas plus idiot que le Francais. S'il vient en France pour un motif économique, c'est pour travailler. S'il travaille, c'est qu'il a un employeur. Les réseaux étrangers sont bien faits; l'information circule et actuellement les africains partent plutot vers l'Australie que vers l'Europe.

    S'il y a un problème, c'est celui du travail clandestin et de l'exploitation de certaines formes d'emploi. Yann Moulier-Boutang l'a bien montré : le travail des étrangers a été nécessaire pour que les trentes glorieuses puissent exister. Les économistes de l'OCDE sont moins hypocrites en disant que la main d'oeuvre étrangère est indispensable dans certains secteurs pour maintenir un taux de rentabilité à un niveau satisfaisant. (Les marxistes parlent taux de plus-value). La conférence intergouvernementale l'est moins aussi en rédigant la circulaire en édictant les secteurs où il y a pénurie de main d'oeuvre autochtone.

    Défendons la liberté d'aller et de venir et soyons nombreux samedi prochain à République et au concert du soir pour défendre le droit à l'existence des sans-papiers.

    Jérôme